Plutôt réussie, la manifestation des enseignants pour réclamer “l’abrogation de la réforme”, le samedi 10 octobre, à Paris : elle aurait regroupé entre 8 000 et 20 000 participants. C’était le “quatrième acte d’une action de protestation marquée précédemment par trois jours de grève en mai, juin et septembre”, rappelle Les Échos.
Unis par l’exaspération contre le gouvernement
Certes, les motivations de l’intersyndicale réunissant quatorze organisations – dont le SNES-FSU, le SNALC, FO et CGT Educ’action, sont diverses et parfois opposées – s’agissant notamment de l’autonomie des établissements pour l’élaboration de 20% de leurs enseignements. Mais ce qui a uni les manifestants, où se côtoyaient des enseignants de la langue de Goethe arborant les couleurs du drapeau allemand et des profs de grec et de latin coiffés de couronnes de laurier ou de casques romains, c’est l’exaspération contre un gouvernement et une ministre qui prétendent mieux connaître qu’eux leur métier et les élèves qu’ils ont à instruire. “Au lieu de les écouter, eux qui chaque jour font face sur le terrain aux difficultés de leurs élèves, on les accuse d’être simplement incapables d’évoluer”, déplore François-Xavier Bellamy sur son blog.
Alors que le diagnostic sur lequel tout le monde paraît désormais s’entendre est la faiblesse croissante des savoirs fondamentaux, Najat Vadaud- Bellkacem remplace de précieuses heures de cours par des “Enseignements Pratiques Interdisciplinaires”, les fameux EPI, qui présupposent déjà acquises ces connaissances de base ! Dans ces conditions, comme l’annonçait la pancarte d’une manifestante, “les EPI ne donneront jamais de fruits” (Causer).
La fausse annonce de la dictée
Devant le tollé, la ministre a annoncé l’instauration d’une dictée quotidienne comme un prestidigitateur sort un lapin de son chapeau, suscitant la grande fureur du syndicat de gauche SE-Unsa qui a vu dans cette mesure « un cadeau aux réacs”. Du coup, Najat Vallaud-Belkacem s’est empressée de noyer le poisson en indiquant qu’il suffirait de pratiquer “de courtes et fréquentes dictées de syllabes et de mots”, chaque professeur conservant sa “liberté pédagogique”. “Et voilà comment ma dictée est devenue muette”, commente François d’Orcival dans Le Figaro Magazine (9 octobre).
74% des enseignants et 61% des Français contre la réforme
Les Français ne s’y trompent pas. “Ils font bloc contre la réforme du collège et désavouent Najat Vallaud-Belkacem”, constate Atlantico : “Selon un sondage commandé par l’association d’intérêt général SOS Éducation, 61% des personnes interrogées se déclarent opposées à cette réforme. Un refus que l’on peut mettre en parallèle avec celui des enseignants (74% – sondage IFOP / SOS Éducation juin 2015) ». En cause, trois points principaux : la disparition des classes bilingues ou européennes (87% de refus), la diminution des horaires de langues anciennes (contre : 66%), et la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) (57% d’opinions défavorables). Au total, 65% des personnes interrogées sont hostiles à une réforme qui ne peut que « niveler par le bas le niveau global des collégiens” et accentuer les décalages sociaux. Au rebours de l’objectif annoncé par François Hollande qui était d’éviter que le collège ne soit le lieu où “s’accentuent les différences, se marquent les échecs, se concentrent les inégalités”. Et si l’unique but, c’était de faire des économies ? soupçonne Marjolaine, professeur d’allemand au Mans (Le Figaro).
« Pas un malentendu, un refus »
Que va-t-il se passer si le gouvernement s’obstine ? La réforme va s’étioler, se perdre dans les sables, annonce à Libération Frédérique Rolet, cosecrétaire générale du Snes, principal syndicat d’enseignants du second degré : “Elle en veut pour preuve une faible participation annoncée aux formations à la mise en œuvre de la réforme, proposées aux profs pendant les vacances de la Toussaint. ‘Il ne s’agit pas d’un malentendu, mais d’un refus’, a-t-elle insisté. Une référence au ‘malentendu’ avec les enseignants invoqué fin août par Najat Vallaud-Belkacem, décidée à appliquer coûte que coûte la réforme à la rentrée 2016.”
Ici et là, la répression est en marche : “La révélation d’un système de classement des professeurs de l’Académie de Toulouse vis-à-vis de leur position concernant la réforme du collège a créé le scandale”, annonce Valeurs Actuelles. Qu’ils soient de droite, de gauche ou… d’ailleurs, c’est finalement contre le “formatage idéologique” et la “caporalisation” que se révoltent professeurs, parents d’élèves et étudiants.