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“Le Roi et l’architecte” : récit d’une rencontre curieusement écourtée

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Louis XIV, roi de France © Public Domain

Maëlys Delvolvé - publié le 09/12/15

Dans son dernier ouvrage, le journaliste Laurent Dandrieu rapporte avec finesse le séjour du Bernin à la cour du jeune Roi-Soleil.

En 1665, Louis XIV fait appel au célèbre sculpteur et architecte romain Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin, pour l’achèvement du palais du Louvre. En privant le pape Alexandre VII de l’architecte du nouveau projet de Saint-Pierre, le roi manifeste la grandeur de la France qui peut concurrencer Rome, mais il reconnaît en même temps que le plus grand artiste du moment est Italien.

Le séjour du Cavalier à Paris sera pourtant de courte durée. Pendant moins de cinq mois, le Bernin fait preuve d’une activité intense sous le signe de son extraordinaire créativité qui ravit le jeune souverain. Mais, malgré les somptueux dessins réalisés pour le Louvre, le projet ne verra jamais le jour. Seules deux œuvres naîtront de ce voyage en France : le Buste de Louis XIV, qui fut l’objet d’un enthousiasme immense à la cour du roi, et la Statue équestre du souverain, reçue en 1685 seulement – avec beaucoup moins d’engouement, puisque le roi pensa à la faire briser.

Un artiste profondément baroque et italien

Le récit de cette visite, à première vue infructueuse, est l’occasion pour Laurent Dandrieu d’insister sur le talent du Bernin, caractérisé par son goût pour le mouvement et la théâtralité, ainsi que l’expressivité de son art. L’artiste envisage chacun de ses travaux comme une œuvre d’art totale, et ses sculptures, prodigieusement tourbillonnantes, sont, selon la délicieuse formule de l’auteur, “rendues plus vivantes que la vie”.

C’est sans doute ce bouillonnement et cette grandeur baroques qui font l’admiration de Louis XIV pour l’architecte romain. Loin de justifier l’opposition stérile entre un classicisme rigide et froid et un baroque exubérant et plein de vie, Laurent Dandrieu rappelle au contraire combien le souverain lui-même nourrit un goût pour le baroque, à travers notamment des fêtes éphémères données à Versailles. Il explique également combien le baroque se nourrit de formes profondément classiques pour mieux les détourner.

Pourquoi donc un tel échec de cette venue en France du meilleur architecte au monde ? D’une part, parce que le Bernin a été contraint de traiter avec Colbert, Surintendant des bâtiments du roi depuis 1664, plutôt qu’avec le roi directement. Le ministre fit en effet partie des nombreux opposants au Bernin, avec Charles Perrault, qui alimentèrent des rumeurs malfaisantes envers l’artiste. D’autre part, l’auteur insiste sur le franc-parler du Bernin et son manque de tact dans la critique de l’art et de l’esprit français, qui ont pu vexer ses hôtes.

La naissance d’un art “proprement français”

Pour Laurent Dandrieu, ce retour bien rapide du Bernin dans sa terre natale n’est pas si stérile qu’il le semble. C’est sans doute l’esprit viscéralement italien du Bernin, et son incapacité à s’adapter à la volonté d’exprimer la grandeur de l’âme française, qui ont conduit à l’échec de cette rencontre.

L’auteur rappelle avec brio combien l’art français, véritable instrument politique sous Louis XIV, est né de cette confrontation avec l’art italien dont il s’est pourtant profondément inspiré. La visite du Bernin en France a sans doute révélé le besoin de développer un art national, qui n’ait rien à envier à l’art italien. En cela, elle a été l’occasion d’une véritable prise de conscience, et a joué un rôle essentiel dans la floraison de l’architecture du grand siècle.

Un ouvrage remarquable, documenté et très bien écrit, qui nous fait découvrir cet épisode étonnant et décisif pour comprendre l’évolution de l’art français sous Louis XIV. À offrir pour Noël !

le roi et l'architecte
Le roi et l'architecte de Laurent Dandrieu
Le roi et l'architecte de Laurent Dandrieu

Le roi et l’architecte-Louis XIV, le Bernin et la fabrique de la gloire, par Laurent Dandrieu. Éditions du Cerf, 197 pages, 12 euros.

Tags:
Louis XIV
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