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Le vrai rebelle : méditation autour de G.K. Chesterton

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La rédaction d'Aleteia - publié le 07/12/16 - mis à jour le 18/05/22

"Vouloir faire table rase du passé pour promouvoir le futur est aussi absurde que de vouloir retirer les fondations de sa maison pour construire un étage supplémentaire."

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De nos jours, nous voyons souvent mentionner le courage ou l’audace avec lesquels certain rebelle s’en prendra à une tyrannie séculaire ou une superstition désuète. Ce n’est pas faire preuve de courage que de s’en prendre à des choses séculaires ou désuètes, pas plus que de provoquer sa grand-mère. L’homme réellement courageux est celui qui brave des tyrannies jeunes comme le matin ou des superstitions fraîches comme les premières fleurs. Le seul et authentique libre penseur est celui dont l’esprit est aussi libre de l’avenir qu’il l’est du passé. Il se soucie aussi peu de ce qui sera que de ce qui fut ; il ne se soucie que de ce qui devrait être.  

Le monde comme il ne va pas, 1910, G. K. Chesterton

Dans cette citation, qui n’a rien perdu de son actualité, Chesterton nous dit qu’il y a quelque chose de profondément faux dans nos perceptions contemporaines. En général, tout ce qui nous rattache au passé est perçu par notre civilisation moderne comme mauvais, passéiste, réactionnaire. Quiconque évoque les penseurs d’avant les « Lumières » autrement que pour les critiquer est considéré comme un passéiste au mieux désuet, au pire susceptible de vouloir restaurer l’ordre ancien et allez savoir quelle dictature ignoble dont nous a heureusement débarrassé la modernité.

C’est que la modernité s’est construite en grande partie sur l’idée qu’avant, c’était moins bien. Tout ce qui nous a précédé était nécessairement obscurantiste, tyrannique, superstitieux, bref sans intérêt pour notre monde contemporain tourné vers la lumière de la science, de la raison et du progrès. Soit. Mais c’est oublier un peu vite que l’on est inévitablement le produit de ce qui précède. Vouloir faire table rase du passé pour promouvoir le futur est aussi absurde que de vouloir retirer les fondations de sa maison pour construire un étage supplémentaire.

Sans compter que la plupart des images associées au passé sont tout bonnement fausses. La légende noire du Moyen Âge associée à l’Église et au christianisme est une construction de la propagande moderniste du XIXe siècle. Dans le même ordre d’idée et de propagande, la Renaissance est censée préfigurer et symboliser les Temps Modernes, voire anticiper l’athéisme qui est présenté dans cette histoire comme un humanisme épanouissant à l’inverse de l’obscurantisme écrasant l’ayant précédé.

Pour servir la cause, on créa le mythe noir du Moyen Âge avec ses rois tyranniques, ses Papes corrompus, son Inquisition, ses Croisades, ses chasses aux sorcières, sa croyance en la Terre plate…

Ni passéiste, ni moderniste 

Pourtant le Moyen Âge ne fut jamais un « Dark Age ». On pourrait reprendre un à un tous les clichés associés à cette époque pour les démonter. À titre d’exemple, au Moyen Âge, on savait très bien que la Terre était ronde, la quête de la Vérité qui régnait à l’époque vit l’ouverture d’universités partout en Europe. Au Moyen Âge, on ne se préoccupait que peu des sorcières. Au contraire, la Renaissance fut le grand siècle des tortures, des superstitions et des bûchers. Bûchers qui brûlèrent surtout dans l’Allemagne protestante et qui étaient civils, loin du cliché associé habituellement à l’Église catholique. Et si l’avènement des Temps Modernes fut synonyme de quelques découvertes intéressantes et de l’amélioration indéniable du confort de vie, il ne fut pas pour autant à l’origine de l’établissement du monde utopique et égalitaire que l’on attendait.

Croire que le monde ancien, donc le monde chrétien puisque les deux sont associés, fut totalement noir et sombre est aussi faux que de croire que le monde moderne est débarrassé de toutes les injustices et de tous les dangers.

Dès lors, ce personnage du rebelle qui pourfend des obscurités et des ombres aussi mythiques que désuètes est aussi ridicule que le progressiste qui considère que tout ce qui est nouveau est forcément mieux et que le futur ne peut qu’être brillant et glorieux. Les deux attitudes reposent sur une vision biaisée du monde.

En réalité, il existe des formes de dictatures contemporaines qui demandent du vrai courage pour être affrontées.  Je ne parle pas que des dictatures les plus évidentes, comme la Corée du Nord ou l’État islamique, mais aussi les plus cachées, les plus perverses : comme la dictature du tout économique, la dictature de l’opacité financière, de l’abrutissement télévisuel, de la junk food, de la consommation à tout crin, de l’idiocratie, du relativisme…

En réalité, la superstition n’est pas l’apanage de la pensée religieuse mais de l’Homme imparfait par nature qui, cherchant la vérité, se perd immanquablement souvent en chemin. Ainsi d’autres modes de pensée sont dictatoriaux ou superstitieux : le scientisme, le matérialisme, le sécularisme ou le nihilisme.  À titre d’exemple, ce que l’on lit dans les textes messianiques communistes athées d’hier ou transhumanistes d’aujourd’hui dépasse de loin les timides prétentions de la royauté absolue.

Dans cet ordre d’idée, nous dit Chesterton, le véritable libre penseur n’est pas celui qui attaquerait des idées fantasmatiques associées à un passé mythique, ni celui qui projette sur le futur des utopies tout aussi délirantes. Ce n’est pas non plus le passéiste qui regretterait un pseudo âge d’or ou qui condamnerait systématiquement les avancées techniques ou sociales, mais celui qui pose sur le présent un regard plein de discernement. Le véritable rebelle et courageux est celui qui peut considérer l’homme présent dans toutes ses dimensions et souhaiter son épanouissement : spirituel, matériel, médical, psychologique… Celui qui, en évitant les délires et les projections, peut tenir compte des aspirations au Beau, au Bien, au Vrai, à Dieu, et s’attaquer avec bravoure à toutes les dictatures globales humano-centrées, particulières ou quotidiennes qui empêchent l’Homme de devenir pleinement lui-même, c’est-à-dire le Fils du Dieu Créateur.

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