J’avais honte de ne pas avoir d’économies, de ne pas “mieux” gérer l’argent. Pire encore, je ne l’avais pas choisi, en décidant de quitter mon travail pour la naissance de mon fils.
Comme beaucoup de femmes, je pensais équilibrer travail et famille, mais ce fut extrêmement difficile. On avait adopté trois frères quand une grossesse inattendue, tout autant que voulue, m’amena à rester à la maison pour m’occuper du bébé, malade.
Le mieux était un parent à temps plein au foyer. Je fis mes comptes : ce serait serré, mais un salaire suffirait.
Cependant, j’ai eu beau ne plus dépenser en futilités, j’ai fini par me résigner à résilier mon assurance pour payer les dépenses courantes.
J’ai vite compris ma chance : peu d’argent, mais un toit. Une assurance à résilier, à l’inverse de ceux qui n’ont aucun choix, qui vivent ce que les sociologues appellent la pauvreté “générationnelle”, par opposition à la pauvreté “situationnelle”.
Pour moi, cette expérience de budget serré était une nouveauté, une épreuve pour comprendre la vie des familles traversant des situations plus difficiles.
Je n’ai jamais parlé à personne du stress que je ressentais, car je ne voulais pas dévoiler mes problèmes d’argent.
Toutefois, dix années de budget serré ont été une expérience positive : j’ai développé une nouvelle relation à l’argent, qui s’accorde avec mes valeurs spirituelles.
Il n’y a rien d’intrinsèquement bon ou mauvais dans l’argent, c’est un simple outil.
L’argent doit servir à faire le bien
Un conseil : je suis écrivain free-lance et éditrice, ce qui signifie que dans notre économie folle, j’ai parfois beaucoup de travail et parfois pas assez. Lorsque j’ai plusieurs commandes à la fois, je sais qu’il me faudra inévitablement de l’aide à la maison.
J’ai grandi dans une famille très modeste et ma mère n’a jamais eu d’aide, ce qui m’a amenée à intérioriser l’idée d’un “privilège” quand j’en ai besoin, comme si j’avais assez d’argent pour que d’autres fassent mes taches ménagères.
Mais la réalité, c’est que si je reçois une grosse commande, je ne peux pas la faire en abandonnant les enfants et la maison. J’embauche donc quelqu’un et ça me gêne.
C’est délicat, même quand on voit tout ce que cela apporte de bien. Une maison propre sans y passer son samedi… une employée heureuse d’y gagner. J’ai dû corriger ma tendance à penser qu’il était mauvais de dépenser de l’argent.
Je m’efforce de ne pas oublier que l’argent n’est ni moral ni immoral en soi. L’important, c’est ce qu’on en fait. Il doit servir à faire le bien.
Comme beaucoup de choses, l’argent s’accompagne de son bagage d’émotions. Mon expérience m’a amenée à le penser bien différemment.
J’utilise l’argent de manière à faire vivre mes priorités, en donnant 10% de mes revenus à des associations de ma communauté.
Si on dispose aujourd’hui d’un peu plus que ce dont on a besoin pour la famille, on doit prendre en compte les besoins des autres.
Cela suppose aussi de parler de choix budgétaires avec mes enfants, ce que mes parents n’ont jamais fait. Il est bon que mes enfants apprennent qu’en faisant attention pendant un certain temps, on pourra s’offrir de belles vacances.
Il faudrait qu’ils comprennent qu’on peut faire des choix et réfléchir à la façon dont on prend soin de soi et des autres.
Avec mon mari, on veut enseigner à nos enfants que ce qui compte, c’est de travailler dur et de veiller sur ceux qui ont moins qu’eux, mais leur parler d’argent est délicat et complexe. Ils ne comprennent pas forcément, de sorte que tout ce que je peux espérer, c’est qu’ils appréhendent le pouvoir de l’argent à travers leur travail et leurs responsabilités futures.
J’espère qu’ils auront toujours ce qu’il leur faut pour eux et pour leurs frères dans le besoin.