C’est une histoire sans fin. On en connaît les ressorts mélodramatiques, les personnages nous sont parfaitement familiers, les intrigues se ressemblent… et pourtant ! On aime allumer sa télévision pour en suivre les nouveaux épisodes. Parfois même, on se prend à y croire. La vie politique française est un feuilleton, oscillant savamment entre la série à suspense américaine et Louis la Brocante, entre le drame télévisé et la téléréalité.
Cette semaine, un candidat devra quitter le jeu. Les spectateurs voteront pour éliminer Benoît, le jeune quadra de cinquante ans, ou Manuel, le vigoureux Catalan. C’est un choc des genres, un combat comme seules peuvent en produire les primaires socialistes. À ma gauche, Benoît, ancien ministre de François Hollande, s’oppose en tous points à l’ancien ministre de François Hollande, Manuel, à ma droite. Le premier est un homme de valeur, qui croit à la République et à la justice. Le second, lui, est un homme de conviction, qui croit à la démocratie et à l’égalité. On mesure le gouffre qui les sépare.
D’autant que Benoît incarne la tradition jadis défendue par d’autres candidats des saisons précédentes. Il y eu Arnaud, l’ancien ministre, mais aussi Martine, l’ancienne ministre ou Laurent, l’ancien ministre. Et avant eux d’autres dont on n’oublie jamais longtemps l’existence, car la production aime à les réinviter pour tenir compagnie au nouveau casting, tantôt dans le rôle de l’ami, tantôt dans celui de l’ennemi. Benoît, donc, prône le revenu universel. Une véritable idée de gauche, révolutionnaire, car personne ne l’avait eu avant. À part Manuel, qui en était un farouche défenseur il y a trois mois encore. Mais plus maintenant.
Rien n’est sacré
Non, maintenant, Manuel est un homme de responsabilité. Il sait ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire. On ne peut pas faire ce qu’il a fait, comme par exemple utiliser le 49.3 pour contourner le vote du Parlement. Mais on peut faire ce qu’il n’a pas fait pendant ces cinq années où il était ministre puis Premier ministre. Sur la laïcité, Manuel est ferme : il veut garantir la liberté aux femmes musulmanes de ne pas porter le voile. Et s’il faut la leur imposer, il la leur imposera, cette liberté sacrée. Car la liberté, pour Manuel, ne connaît aucune limite — sauf quand elle en connaît, auquel cas Manuel ne transige pas pour les faire respecter, car les limites, c’est sacré.
Le sacré, lui, Benoît n’y croit pas. Rien n’est sacré. À part ce qui l’est, comme par exemple la religion. Par conséquent, lorsqu’on lui parle de cafés où les femmes ne sont pas les bienvenues, Benoît Hamon pense aux cafés ouvriers français où les femmes – croit-il – ne l’étaient pas non plus. Lorsqu’on lui dit qu’il pleut, Benoît se dit qu’on peut toujours sauter dans les flaques pour s’amuser. C’est un optimismte qui saisit les opportunités, et les mauvaises langues simplifient en disant “opportuniste”.
Dimanche prochain, les deux candidats que tout oppose se tomberont dans les bras l’un de l’autre. Finalement, ils expliqueront que les différences fondamentales ne sont pas insurmontables. L’ancien ministre et l’ancien ministre seront enfin du même avis : il faut arrêter de faire de la politique comme avant. Alors seulement commencera la phase finale que nous attendons tous avec hâte.