Saint Fiacre, un moine irlandais du VIIe siècle, fut le premier à associer jardin et prière et devint ainsi le patron des jardiniers que l’on fête le 30 août chaque année. Indispensable à tous les monastères, les Bénédictins de l’abbaye de Saint Gall, en Suisse, avaient dressé le plan du jardin idéal au tout début du IXe siècle. A la même époque, Charlemagne promulgue le Capitulaire de Vilis qui présente 88 plantes, recommandées dans la vie de tous les jours pour se soigner, se nourrir, se vêtir et même travailler. Deux siècles plus tard, la religieuse allemande Hildegarde de Bigen détaille à son tour les vertus et les usages de plus de 300 plantes.
Nostalgie du paradis perdu
Au Moyen-âge, les jardins évoquent pour certains le paradis perdu. Aussi se dessine-t-il à travers la symbolique de l’époque. Il apparaît donc comme un espace sacré circulaire, le cercle révèle le divin, le céleste alors que le carré exprime le terrestre, le carré s’intègre parfaitement dans la symbolique médiévale liée aux nombres, les 4 éléments, les 4 fleuves du paradis, les 4 évangiles, les 4 saisons… Le 4 ou le carré, est le symbole de perfection au Moyen Age, il sert donc de base à la réalisation des jardins.
Les carrés d’herbes influencés par la Trinité
L’idéal est de pouvoir installer son jardin dans un endroit clos ou cerné de murets. Autrefois, les clôtures avaient pour rôle d’éviter que les animaux puissent pénétrer dans le jardin. Ensuite, les légumes et les herbes aromatiques étaient installés dans des carrés légèrement surélevés et délimités par des clôtures en osier ou en branchage, des plessis, comme on peut en trouver aujourd’hui en jardinerie. En surélevant la partie cultivée, on évite de se baisser trop… et on facilite l’entretien ! Les moines avaient déjà inventé le potager en carrés !
Très influencés par la symbolique biblique, on trouvait généralement ces carrés par multiple de trois, représentant la Sainte Trinité. Cela correspond également à une optimisation de l’espace, idéal pour les petits jardins… On peut ainsi cultiver un maximum de variétés sans perdre de place et avoir une récolte correspondant aux besoins de la maisonnée. Et pour rationnaliser les trajets… on installe de préférence le jardin potager à proximité de la cuisine !
En tournant autour du carré, on peut atteindre chaque plante sans abimer la voisine. Et en faisant attention à bien associer les espèces, on arrive à repousser les indésirables limaces et pucerons sans employer de produits chimiques… Et pour éviter d’arroser trop, on peut facilement pailler cette surface bien délimitée. La cosse de sarrasin, idéale pour faire barrière aux limaces et aux escargots, se vend désormais chez Truffaut !
Des herbes à potage aux herbes en pot
Les plantes comestibles de l’ « Ancien monde », soit avant la découverte des Amériques, étaient surtout composées de légumes racines et d’herbes à potées et potages… d’où le nom de potager. On y trouvait des pois, des choux, des laitues, des céréales, des lentilles ou des fèves mais aussi des plantes aromatiques pour relever les plats : raifort, livèche, moutarde, fenouil… Aujourd’hui, on peut y installer également basilic, ciboulette, menthe… mais au Moyen-âge, la liste des végétaux disponibles n’excédait pas 200 variétés.
Les jardins médiévaux à visiter
Quelques-uns de ces jardins ont été préservés par exemple à l’abbaye Notre-Dame d’Évron dans le Maine ; d’autres ont fait l’objet d’une reconstitution, comme c’est le cas à l’abbaye Saint-Georges de Boscherville, en Normandie. On a également de beaux exemples de jardins monastiques contemporains à Solesmes et Saint-Wandrille. Mais l’inspiration médiévale touche aussi les jardins privés.
Suivez-nous à la découverte de trois jardins merveilleux.
Le jardin de Bois Richeux en Eure et Loir
La Ferme de Bois Richeux,en Eure et Loir, située au cœur de l’ancienne forêt des Carnutes, est l’une des plus anciennes fermes de France. Avant d’appartenir à Madame de Maintenon et Louis XIV, elle connut une époque faste au Moyen âge. C’est pourquoi ses propriétaires ont choisi de recréer un clos médiéval en s’inspirant d’une description de quelques lignes dans le Cartulaire de Notre-Dame de Chartres et en choisissant 200 espèces végétales dans le Capitulaire de Villis de Charlemagne. Réparties en trois damiers de carrés, les plantes s’organisent en un jardin de simples, des massifs de plantes aromatiques ainsi qu’un potager. Un formidable itinéraire spirituel dans la symbolique du Moyen-âge et une belle source d’inspiration pour créer des jardins en carrés. Jardin de Bois Richeux, 1 rue de la Chapelle, 28130 Pierres.
Le prieuré de Salagon dans les Alpes de Haute Provence
L’ancien prieuré bénédictin de Salagon abrite un musée consacré à la Haute Provence. Grâce à ses six hectares de jardins, les visiteurs voyagent à travers les usages des plantes de la région. Qu’ils soient alimentaires, médicinaux, artisanaux…ou même magiques, les jardins sont un manuel de botanique à ciel ouvert. Le jardin de senteurs est un parcours qui éveille nos sens et notre odorat; le jardin médiéval évoque les jardins d’avant l’Amérique; le jardin de la noria, conçu dans l’esprit du jardin courtois, invite au repos et au romantisme; le jardin des Temps modernes retrace l’origine géographique des plantes de la vie quotidienne et le jardin des simples et des plantes villageoises rassemble les plantes utilisées dans la société traditionnelle de haute Provence. Une visite où les plantes racontent l’histoire des hommes ! Prieuré de Salagon, musée et jardins, 04300 Mane.
L’abbaye de Daoulas en Finistère
Au fond de la rade de Brest, entre Cornouaille et Léon, l’abbaye construite dans la pierre dorée du pays se situe au milieu de la petite citée de Daoulas. En 1994 le Conseil général y a reconstitué un jardin médiéval. Tout d’abord, il rassemble les plantes médicinales locales composant les « simples remèdes ». Puis une seconde terrasse fut consacrée à la pharmacopée du monde entier, en respectant la symbolique du jardin monastique, avec ses plates bandes encadrées de buis et sa fontaine centrale. L’étagement des lieux permet d’avoir des vues plongeantes sur ce superbe ordonnancement et la promenade y est particulièrement instructive car chaque plante, en plus de son nom en français, en latin, et en breton, affiche ses qualités et ses usages. Et désormais, le parc est également consacré aux arbres médicinaux. Abbaye de Daoulas, 21 Rue de l’Église, 29460 Daoulas.