Heureusement que les mères supérieures ont la sagesse de demander à leurs protégées de coucher sur le papier ce qui constitue leur vie intérieure et spirituelle. Cela a produit notamment L’histoire d’une âme de la petite Thérèse. Il faut désormais lire le journal de sœur Kinga qui vécut en Hongrie, à Budapest. Entrée au couvent en 1998, on découvre en 2006 qu’elle est atteinte d’un grave cancer. Durant les neuf derniers mois de sa vie, elle tient un journal personnel bouleversant, que les éditions du Carmel viennent de rééditer.
Judith Büki de son vrai nom appartenait à une famille nombreuse, croyante, marquée par la pauvreté. Petite, Judith suivait sa mère qui se rendait chaque jour à la messe. Elle aimait rester seule dans l’église, vue par elle comme une seconde maison. Elle n’a pas eu une enfance difficile, mais elle restait renfermée. Elle ne cessera jamais de remercier ses parents d’avoir permis à leurs enfants de suivre des études supérieures. Elle travaille aussi dans un centre pour personnes handicapées, quand, à 17 ans, elle tombe amoureuse d’un garçon de son âge. Six mois plus tard, il se marie avec une autre. La blessure met plusieurs années à guérir. Deux ans plus tard, elle reçoit le sacrement de la Confirmation. La reconstruction est progressive, mais un jour, alors qu’elle est en quatrième année d’études supérieures de mathématiques, elle se sent guérie. « Je me sentais changée avec une nature joyeuse et sociable” affirme-t-elle.
Tout lui semble beau
Au cours d’une retraite, elle se sent d’un coup aimée d’une manière personnelle par Jésus lui-même. Il lui remplit le cœur et elle décide subitement de devenir religieuse. Sa rencontre avec un père carme, la conduit vers le carmel. Guidée par son père spirituel, elle en parle à sa famille, non sans difficulté.
Les sœurs lui proposent de passer une nuit dans la clôture. Son intuition se confirme. Elle se sent accueillie, aimée. Tout lui semble beau. Finalement elle entre au carmel après six semaines passées au Canada, qui furent des temps de tentations fortes pour la dissuader d’entrer.
La mort d’une religieuse, sœur Elisabeth. dont elle assiste à la lente agonie, ouvre un nouveau chapitre de sa vie, celui de la souffrance. La Transfiguration n’est jamais loin de la Passion. Sœur Elisabeth, avec qui elle tisse un lien étroit, la précède dans la souffrance. Car des examens passés en service d’immunologie lui révèle qu’elle est gravement malade, atteinte d’un cancer du sein. Ce qu’elle vit dans la nuit de sa souffrance lui sert de purification. Elle avait compris avant même sa prise d’habit qu’elle ne sortirait pas du carmel, mais elle ignorait que sa clotûre serait aussi celle d’un lit d’hôpital.
Je ne me suis pas dérobéede sœur Kinga. Éditions du Carmel, mai 2017, 270 pages, 6 euros.