Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé que l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes serait proposée dans le cadre de la révision de la loi bioéthique en 2018. Cette annonce a relancé un débat sensible sur le droit à l’enfant et à terme sa marchandisation, la gestation pour autrui (GPA) étant le prolongement logique de la PMA. Si au nom de « l’égalité » toutes les femmes ont la possibilité d’avoir un enfant, pourquoi « tous les hommes » n’y auraient pas droit eux aussi ?
Un front inattendu
La légalisation de la PMA était une promesse de campagne du président Macron, et l’intervention de Marlène Schiappa à ce sujet n’est pas surprenante. Mais l’opportunité d’une telle annonce en plein débat sur la réforme du code du travail a semé le doute. Surtout, de plus en plus de voix se sont élevées contre l’absurdité malsaine de cette revendication, y compris à gauche. L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, peu connu pour ses conceptions traditionnelles en matière de morale familiale ou sexuelle, a jeté un pavé dans la mare en affirmant que « la procréation n’est pas un droit, mais une fonction biologique ». Pour Michel Onfray, la proposition repose sur une « fiction idéologique », l’idée fausse selon laquelle « la nature n’existe pas ».
Du bon sens élémentaire, mais aussi un mauvais signal pour le gouvernement qui croit surfer sur le sens de l’histoire en transgressant les frontières de la médecine et de la nature, mais qui sous l’apparence de la générosité égalitariste ne fait que provoquer les consciences choquées par cette fuite en avant dans l’idolâtrie de la technique et de l’argent. En effet, la PMA envisagée n’est plus un acte médical, mais une pure technique procréative, qui, en outre, constitue un gigantesque business : cela, c’est le quotidien aussi peu conservateur que Libération qui l’a écrit (« La PMA est avant tout un gigantesque marché »).
Le gouvernement embarrassé
Devant la vigueur de l’opposition, le ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est prudemment abritée derrière le calendrier, en indiquant sur LCI (15 septembre) qu’il était urgent d’attendre… le rapport final des états généraux de la bioéthique. Une manière très macronienne de noyer le poisson pour éviter « l’hystérisation » du débat, comme on dit à l’Élysée. Mais l’intervention du ministre de l’Intérieur disant nettement ses réserves pour défendre la nécessité de résorber le chômage « avant de s’attaquer aux problèmes civilisationnels » montre l’embarras du gouvernement. La stratégie du chiffon rouge pour détourner l’attention a ses limites.
Restent la promesse de campagne et les lobbies favorables à la PMA qui ne vont pas relâcher la pression. Le défi consiste à peser sur l’opinion. Précisément, celle-ci est instable, donc manipulable. Deux sondages en témoignent, qui montrent au passage l’extrême fragilité de leur enseignement, pour ne pas dire la perversité avec laquelle on les exploite quand les questions posées contournent la réalité de l’enjeu.
Des sondages contradictoires
Réalisée une semaine après les propos de Marlène Schiappa, une enquête de l’Ifop pour le site My-Pharma.info affirme que 64% des Français sont favorables à l’élargissement de la PMA aussi bien pour les couples de femmes (64%) que pour les femmes célibataires (65%). Cette tendance semble d’ailleurs s’accroître, puisqu’ils n’étaient que 47% en 2014.
Mais une autre enquête réalisée aux mêmes dates par Opinion Way pour le compte de la Manif pour tous dit exactement le contraire ! Il est vrai que la question posée a le mérite, elle, de porter sur la réalité des conséquences de la PMA, et non sur la PMA présentée comme « l’élargissement d’un droit ». Lorsqu’on demande aux Français si l’État doit garantir aux enfants nés par PMA le droit d’avoir un père et une mère, ils sont 72% à être d’accord ! Ils sont mêmes 77% des électeurs d’Emmanuel Macron à soutenir que la PMA doit reposer sur la filiation père-mère-enfant, comme c’est le cas aujourd’hui.
La différence du résultat est instructive. Les Français ont une intuition juste sur l’enjeu véritable — le droit de l’enfant — mais demeurent vulnérables aux manipulations idéologiques.