Le 22 février, une proposition de loi portée par Maud Petit (MoDem) et François Michel-Lambert (LREM), co-signée par 27 députés de tous bords, a été déposée à l’Assemblée nationale pour interdire toute “violence éducative ordinaire”, à savoir fessées, gifles, injures, cris, menaces… Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et psychothérapeute, auteur notamment de De l’enfant roi à l’enfant tyran, (Odile Jacob, 2002), et dernièrement, du Complexe de Thétis, (Odile Jacob, 2017), s’attache, dans cet entretien, à analyser les raisons de cette violence éducative, et nous donne des pistes pour retrouver une juste autorité parentale, évitant ainsi l’escalade de la violence.
Aleteia : Que pensez-vous de la proposition de loi visant à interdire les violences ordinaires faites aux enfants ?
Docteur Didier Pleux : Il existe déjà un système législatif qui protège les enfants et une nouvelle loi ne va pas résoudre le problème de la violence faite aux enfants. Je crains même que légiférer à nouveau entraîne des abus : les enfants vont dénoncer leurs parents dès la moindre petite tape. Je pense plutôt qu’il faille se pencher sur les raisons qui amènent les parents à être violents, il faut se demander pourquoi ils en arrivent à des actes complètement disproportionnés.
Avez-vous une idée de la raison qui entraîne cette violence de la part des parents ? Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, « 87% des enfants subissent, quotidiennement, des pratiques punitives et coercitives auxquelles les parents ont recours à titre éducatif ».
Parce que les parents sont dépassés, à bout, prêts à exploser, et totalement épuisés. Ils ont du mal à éduquer leur enfant car ils sont mal conseillés. Les ouvrages sur l’éducation bienveillante en sont en grande partie responsables. Les parents sont mal armés. S’ils veulent reprendre le pouvoir de manière violente, c’est parce que l’enfant a pris le pouvoir.
Pourquoi ? Parce qu’on vit dans une société de permissivité éducative délirante. C’est le règne de la surconsommation, de la surcommunication, de la survalorisation. Donc l’enfant développe une hypertrophie de l’ego et une intolérance à la frustration et devient ingérable. Les enfants ont besoin de limites, pas de causeries. Un parent ne devrait pas réexpliquer la loi indéfiniment, décortiquer le pourquoi du comment. L’éducation bienveillante sans fermeté, sans conflictualité, sans autorité parentale, est une catastrophe.
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Selon vous, comment obtenir cette autorité parentale ? Et comment sanctionner ?
Il est nécessaire d’établir, en amont des sanctions, un « code familial », de la même manière qu’il existe un code de la route, un code civil, un code pénal, afin qu’il y ait des règles bien définies et des punitions adaptées selon les infractions. Les enfants, les adultes, tout le monde aimerait vivre selon son bon plaisir, mais un code est là pour imposer des contraintes et punir si elles sont transgressées. Ce code doit être contracté par les adultes, et non par les enfants, et régir tout ce qui touche aux horaires, à l’alimentation, aux comportements…
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Ce système permet de ne pas se laisser dépasser par les événements et de ne pas sanctionner à l’émotion, source de réactions disproportionnées. Il ne s’agit pas là de chantage, mais d’une réponse donnée à un comportement transgressif. Ce n’est pas : « Si tu ne finis pas ton assiette, tu seras privé de télévision pendant un an ! », mais bien : « Tu ne finis pas ton assiette, par conséquent, tu seras privé de télévision pendant trois jours. » La punition est connue d’avance et adaptée à la mesure du comportement répréhensible. On évite ainsi une escalade de permissivité, qui se termine nécessairement par une explosion disproportionnée de la part du parent. On évite les mots qui font mal, la violence psychologique ou le passage à l’acte, la violence physique. Pour une éducation harmonieuse, visant à former des êtres humains épanouis et adaptés, tout l’enjeu réside dans le fait de trouver le juste équilibre entre amour et frustration.