Le vendredi 30 mars prochain, la célèbre procession sartenaise du Catenacciu partira de l’église Santa Maria Assunta, place Porta à 21h30. Une tradition unique au monde, vieille de plus de six siècles, qui attire les foules. Ecartons le voyeurisme. La démarche du Catenacciu est un acte de foi profond, intime, public, une pénitence vécue en communion avec ceux qui croient à la rédemption des péchés et à la Résurrection du Christ.
Que peut-on savoir sur le pénitent rouge ?
Le pénitent dissimulé sous une cagoule rouge reste à jamais anonyme. Qui a envie aujourd’hui d’effectuer ce chemin de souffrance à l’image du Christ ? Les motivations sont diverses : une action de grâce, l’accomplissement d’un vœu, une réconciliation avec Dieu ou l’expiation de fautes graves. Les postulants doivent se faire connaître auprès du curé de Sartène. Mais la liste d’attente est longue, dix ans ? Le pénitent rouge, désigné cette année par le curé, rejoindra discrètement le couvent Saint-Côme et Saint-Damien trois jours avant le Vendredi saint, pour une retraite de solitude absolue, de jeûne et de prière. Du couvent, il aura une vue imprenable sur la ville de Sartène, avec ses maisons austères en granit accrochées à un promontoire, au-dessus de la vallée du Rizzanese. En corse u Catenacciu signifie l’enchaîné. Le pénitent, revêtu d’une aube, d’une cagoule et même de gants rouges, portera sur ses épaules une lourde croix en chêne massif de 34 kilogrammes et traînera, pieds nus, une chaîne en fer de 16 kilogrammes, attachée à la cheville par des bracelets en cuir.
Perdono mio Dio
Les portes s’ouvrent, la procession commence. Voici d’abord les enfants de chœur et le clergé, le curé et le prédicateur. Tous les yeux sont fixés sur le pénitent rouge qui interprète la Passion du Christ. Un pénitent blanc figurant Simon de Cyrène l’aidera dans son calvaire. Huit pénitents noirs portent un Christ mort allongé sur un linceul blanc sous un dais noir. Le pénitent rouge est entouré par la confrérie A Cumpagnia del Santissimo Sacramento, en aube blanche et camail rouge. Cette confrérie, instituée en 1539, compte actuellement 62 hommes de 16 à 83 ans. Ce soir, elle protège le pénitent rouge de la foule et des flashes, mais surtout elle rehausse l’éclat d’une tradition religieuse maintenue grâce à une volonté populaire. Et enfin, la foule, qui progresse lentement. Le bruit des chaînes sur les pavés de granit en dit plus qu’une homélie. Les confrères entonnent le Miserere ou le Perdono mio Dio, Pardon mon Dieu. La ferveur des uns et l’émotion des autres sont palpables, il faut le dire !
Il chutera trois fois
Le chemin n’en finit pas : 1,8 kilomètres, soit 2 heures de marche. Les ruelles de la citadelle de Sartène sont étroites et escarpées. Le pénitent rouge tombera trois fois, à l’instar du Christ. Le pénitent blanc l’aidera à se relever. Le chemin monte vers le quartier du Borgo, extension de la ville au XVIIe siècle, jusqu’à la chapelle San Bastianu. Des lumignons posés sur le rebord des fenêtres apportent une lueur bienveillante. Lorsque la procession revient à l’église Santa Maria Assunta, le mystérieux pénitent est délivré de son fardeau, mais il doit encore attendre, agenouillé devant l’autel, que les fidèles viennent s’incliner devant la croix. Enfin, le pénitent rouge sera reconduit incognito au couvent Saint-Côme et Saint-Damien avant de reprendre sa vie… plus léger.
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Paroisse Sainte-Marie de Sartène
2 rue Codaccioni,
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