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À Cuba, « l’enjeu de l’élection présidentielle est très limité »

CUBA-PARLIAMENT-CASTRO-CANEL

ISMAEL FRANCISCO / CUBADEBATE / AFP

Agnès Pinard Legry - publié le 18/04/18

L'Assemblée nationale cubaine s’apprête à désigner un nouveau président. Pour la première fois depuis 1959, ce ne sera plus un Castro qui présidera l'île. Vincent Bloch, sociologue et auteur de "Cuba, une révolution", revient pour Aleteia sur cet événement dont la portée est plus limitée qu'il y parait. Éclairage.

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L’Assemblée nationale cubaine s’est réunie hier et aujourd’hui afin de désigner le nouveau président de l’île. Pour mémoire, depuis la révolution de 1959, le pouvoir cubain a changé une seule fois de main, c’était en 2006, quand Fidel Castro, atteint par la maladie, a passé le relais à son frère cadet, Raul, après plus de 40 ans de règne. C’est aujourd’hui au tour de Raul, âgé de 86 ans, de passer la main. Sans grande surprise Miguel Díaz Canel, premier vice-président,a été désigné. Quelle est la véritable portée de cet événement ? Très faible, selon Vincent Bloch, sociologue et auteur des ouvrages La lutte, Cuba après l’effondrement de l’Urss et Cuba, une révolution.

Aleteia : Cette élection peut-elle permettre de tourner la page Castro ?
Vincent Bloch : Non, le processus électoral en tant que tel ne changera rien. En dépit de l’existence d’une Commission Nationale des Candidatures, les candidats à la présidence et à la vice-présidence sont proposés par le conseil d’Etat. Cette élection ne relève pas d’un véritable choix : il n’y a pas de débat ; ce n’est pas un processus démocratique. L’enjeu de cette élection est très limité : il n’est pas question que Raul Castro cesse d’être le premier secrétaire du parti communiste (ce qu’il sera jusqu’en 2021). L’organe dirigeant demeure le parti communiste donc cela laisse peu de marge de manœuvre au nouveau président. Miguel Diaz-Canel a été désigné comme successeur de Raúl Castro, cela aurait très bien pu être un de ses avatars issu du parti communiste. Tous ont été récompensés de leur fidélité à la ligne politique tracée par les frères Castro. Aucun élément de discours de la part de Miguel Díaz Canel ne laisse présager une action qui s’éloignerait de cette ligne.

Il n’y a donc aucune surprise ?
Les expressions « tourner la page », « fin de règne » ou encore « changement d’époque » sont des constructions typiquement journalistiques. Il faut regarder sur le long terme : les premiers articles qui parlent d’une chute probable du régime remontent au début des années 60. Le thème de la « transition » est apparu après l’effondrement du bloc soviétique et revient dès que la presse internationale annonce « un changement » à Cuba. En 2018, même si Fidel n’est plus là, le régime tient bon. Cet espèce de discours ambiant de changement à venir se retrouve d’ailleurs aussi dans le marketing touristique : de nombreuses agences communiquent sur cette nécessité de visiter Cuba, « avant la mort de Fidel », « avant que les choses ne changent », « que les Américains arrivent et ne mettent des Macdo partout »…




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Que peuvent attendre les Cubains de cette élection ?
Les Cubains sont assez indifférents à ces processus, ils sont beaucoup plus occupés à résoudre les problèmes de la vie quotidienne : se nourrir, s’habiller, se soigner, se loger…. Le gouvernement cubain s’est toujours targué de garantir le bien-être matériel de ses habitants mais la vie quotidienne est marquée par une grande précarité. Les Cubains sont empêtrés dans « la lutte » et « votent avec les pieds » : le souhait de l’écrasante majorité de la population est d’émigrer. Une plaisanterie assez connue à Cuba est révélatrice de cette réalité : « Quand le dernier partira, qu’il éteigne le phare du Morro ! ».

Quid des relations internationales ?
Depuis le début de la grande crise économique consécutive au tarissement de l’aide soviétique, le régime cubain négocie par intermittence avec l’Union européenne et d’autres organismes internationaux. Le régime donne des gages de son acceptation de certains principes démocratiques, en vue de bénéficier de crédits et de financements.  Même si Raúl Castro s’inquiète avant tout d’assurer sa succession, la « remise du pouvoir » à la jeune génération ou la parité hommes-femmes à l’Assemblée Nationale peuvent aussi servir de gages de bonne volonté dans le cadre de ce petit jeu.

Quelle est la place de l’Église catholique dans ces jeux de pouvoir et, plus globalement, dans la société cubaine ?
Avant l’adoption d’une nouvelle constitution en 1992, un cubain ne pouvait pas être membre du Parti Communiste s’il avait des convictions religieuses. Depuis le début des années 1990, l’Église catholique a retrouvé une légitimité, mais à un certain prix. En échange du rôle d’intermédiaire qui lui est reconnu dans le dialogue avec la « communauté émigrée » et d’autres interlocuteurs étasuniens, l’Église catholique accompagne le « processus d’actualisation du socialisme » mis en place depuis 2011 par le gouvernement de Raúl Castro et se voit autorisée à renforcer son activisme social. Elle continue à cet égard de palier l’incurie de l’État, notamment à travers l’organisation Caritas, qui fournit des repas, des médicaments et des produits de première nécessité aux personnes âgées et aux indigents. La hiérarchie de l’Église catholique s’est par contre nettement distanciée des revendications des dissidents et est tenue de se situer « à l’intérieur de la Révolution » : pour le gouvernement cubain, l’allégeance des citoyens doit d’abord aller à la Révolution avant d’aller à l’Église.




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