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Quel avenir pour les chrétiens de Corée du Nord ?

SUMMIT

AFP PHOTO / POOL / Anthony WALLACE

Paul De Maeyer - publié le 14/06/18

Après le sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un, il est à espérer que les chrétiens de Corée de Nord ne seront pas les oubliés des promesses de "paix durable et stable" dans la péninsule.

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Pas de revirement de dernière minute. Le sommet tant attendu entre le président américain Donald Trump et son homologue nord-coréen, Kim Jong-un, a bien eu lieu le mardi 12 juin dans la ville-État de Singapour. Comme prévu, les deux chefs d’État se sont rencontrés sur l’île de Sentosa. Cet historique face-à-face, et la poignée de mains non moins historique entre les deux chefs d’État, après 65 ans de gel presque total entre les deux pays, est destinée à ouvrir une nouvelle étape entre Pyongyang et Washington.

Un premier geste a été posé. Le président Trump et le président Kim ont signé un document dans lequel ils s’engagent à « unir leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et stable dans la péninsule coréenne », ouvrant la voie à une « complète dénucléarisation de la péninsule coréenne » en échange de garanties de sécurité.

Un pas en avant significatif

La communauté de Sant’Egidio, connue pour son engagement au service de la paix à travers le monde, s’est félicitée de l’accord signé à Singapour par Donald Trump et Kim Jong-un. « La décision d’aboutir enfin au désarmement nucléaire dans cette région stratégique de l’Asie » permet selon elle « d’espérer la fin définitive du lourd héritage de la guerre froide, mais représente en même temps un pas important pour la paix dans le monde entier ». Dans un communiqué diffusé sur son site, elle accueille donc avec joie ce « pas en avant significatif vers une réduction plus générale des arsenaux militaires », et espère que les engagements pris favoriseront « le développement », et marqueront « la fin de nombreuses difficultés » pour la population coréenne, « à commencer par les couches sociales les plus faibles ».




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Le monde catholique attendait ce moment avec impatience. En particulier le pape François qui n’a pas perdu une occasion pour lancer des appels à la paix dans la région. Tout récemment encore, à l’Angélus du 10 juin, veille de la rencontre entre les deux chefs d’État, il a souhaité « une nouvelle fois adresser au cher peuple coréen une pensée particulière dans l’amitié et la prière ». « Puissent les discussions qui auront lieu ces prochains jours à Singapour contribuer au développement d’un parcours positif, qui assure un avenir de paix pour la péninsule coréenne et le monde entier », a-t-il exhorté. Le Saint-Père a ensuite invité les fidèles à se joindre à lui pour « prier tous ensemble, la Vierge Marie, Reine de la Corée, afin qu’elle accompagne ces entretiens » .

Un déni quasi-total de la liberté religieuse

Dans son cœur, le Pape pensait certainement aussi aux chrétiens persécutés en Corée du Nord. Ce pays « ermite » comme on l’appelle souvent pour sa fermeture presque hermétique à la plupart des autres pays du monde. Sa réputation déplorable en matière de droits de l’homme en général et de liberté religieuse en particulier le place, depuis dix-sept ans, à la tête du classement annuel des pays du monde où il est le plus difficile d’être chrétien, selon l’agence missionnaire chrétienne Portes Ouvertes. Un rapport publié en 2008 par l’USCIRF, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde du Département d’État à Washington, n’a pas hésité elle aussi à définir ce pays une « prison sans barreaux ».


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En 2013, les Nations-Unies ont décidé de créer une commission pour enquêter sur les « violations systématiques, généralisées et graves » des droits de l’homme en Corée du Nord (CoIDPRK). Après quoi, dans son rapport final, paru en février 2014, ladite commission a dénoncé le régime de Pyongyang de « crimes contre l’humanité ». La situation en Corée du Nord, souligne le rapport, se caractérise par « un déni quasi-total du droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et du droit à la liberté d’opinion, d’expression, d’information et d’association » (n° 26). En dehors des quelques églises organisées et contrôlées par l’État, ajoute-t-il, « les chrétiens ne sont pas autorisés à pratiquer leur religion et font l’objet de persécutions » et « les personnes dont on découvre qu’elles pratiquent cette religion sont sévèrement sanctionnées, en violation du droit à la liberté de religion et de l’interdiction de la discrimination religieuse » (idem).

Les camps  « kwan-li-so »

Les chrétiens découverts ne serait-ce qu’en possession d’une Bible — crime considéré comme particulièrement grave [1] — risquent de finir dans un camp de rééducation ou dans l’un des fameux camps de travail Kwan-li-so nord-coréens, réputés « aussi terribles voire pires » que les camps de concentration du régime nazi par un survivant des camps d’Auschwitz et de Sachsenhausen, le juge Thomas Buergenthalqui a participé à la rédaction d’un rapport de l’Association internationale du barreau sur les camps de prisonniers politiques nord-coréens, en 2007. « Il n’y a pas de situation comparable dans le monde, passé ou présent », assure un autre auteur du rapport, le magistrat sud-africain Navi Pillay. Lui qui a été président du Tribunal international pour le Rwanda, fait écho au juge : « C’est vraiment une atrocité au niveau maximum, où toute la population est soumise à l’intimidation ».

Actuellement, entre 80.000 et 130.000 Nord-Coréens — Portes Ouvertes parle même de 250.000 prisonniers, dont 50.000 chrétiens — sont détenus dans des conditions épouvantables à l’intérieur de ces camps. Les auteurs du document ont recueilli de nombreux témoignages, y compris ceux d’anciens gardiens de prison et d’anciens prisonniers qui ont réussi à s’évader. Les chrétiens « sont lourdement persécutés et subissent des traitements particulièrement durs dans les camps de prisonniers », confirment-ils, car considérés comme des « réactionnaires à éliminer ». [2].

Une présence impossible à chiffrer

Mais combien de chrétiens vivent (encore) dans le pays ? Selon l’association de droit pontifical Aide à l’Église en Détresse (AED), les statistiques sur le nombre de croyants en Corée du Nord « sont impossibles à vérifier ». Alors que les Nations-Unies estiment qu’il y a entre 200 000 et 400 000 chrétiens, rapporte l’AED en citant les sources de l’International Religious Freedom Report for 2017  du département d’État américain, l’organisation non confessionnelle Cornerstone Ministries International (CMI) affirme être en contact avec 37.000 chrétiens pratiquants. Pour sa part, la commission ONU sur la Corée du Nord estime que le pourcentage de personnes qui adhèrent à une religion dans le pays est passé d’environ 24% en 1950 — l’année du déclenchement de la guerre de Corée — à presque zéro, soit 0,016%, en 2002.


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Concernant le nombre de lieux de culte nord-coréens, la capitale Pyongyang compte cinq églises, toutes strictement contrôlées par les autorités : trois églises protestantes, une église catholique, et une église orthodoxe. Selon le Centre de données sur les droits de l’homme en Corée du Nord (Database Center for North Korean Human Rights, NKDB), organisme basé en Corée du Sud, il y aurait en tout 60 temples bouddhistes et 52 temples cheondoïstes (le chéondoïsme est un mélange d’éléments issus du bouddhisme, du taoïsme, du confucianisme, du chamanisme et même du christianisme).

Il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi, en 2001, les États-Unis ont qualifié la Corée du Nord de « pays particulièrement préoccupant », expression peu flatteuse pour définir les pays reconnus coupables de violations particulièrement graves de la liberté religieuse, en vertu de la loi 1998 sur la liberté religieuse dans le monde (International Religious Freedom Act (IRFA). Reste à voir maintenant si, après le Sommet de Singapour, quelque chose changera dans la politique de Pyongyang envers les croyants, et les chrétiens en particulier qui, sous le régime de Kim Jong-un, doivent « littéralement choisir entre la vie et la mort », rapporte un Nord-Coréen, évadé d’un camp de travail, cité par Portes Ouvertes.

Paul De Maeyer


1] Cf. http://dotheword.org/2014/02/17/the-reason-why-possessing-a-bible-really-is-a-worse-crime-than-murder-in-north-korea/

2] pour en savoir plus sur la réalité des camps nord-coréens, voici un article publié en avril 2017 par Daily Mail : http://www.dailymail.co.uk/news/article-4458844/Thousands-North-Korea-s-prisons-face-butchered.html

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ChrétiensCorée
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