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Donald Trump veut-il vraiment conquérir l’espace ?

PRESIDENT TRUMP,NATIONAL PRAYER BREAKFAST

Mandel Ngan | AFP

Paul De Maeyer - publié le 03/07/18

Les rêves spatiaux du président américain inquiètent les Russes qui promettent "une dure réponse" en cas d'une violation américaine du traité international de 1967.

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Si cela ne dépendait que du président américain Donald Trump, les États-Unis auraient bientôt une force spatiale. Donald Trump a ordonné le 18 juin au département de la Défense et au Pentagone de commencer le processus nécessaire « pour établir une force spatiale comme sixième branche des forces armées ». La création d’une US Space Force serait inédite dans la mesure où l’organisation de l’armée américaine n’a pas évolué depuis 1947 et la création de cinq forces distinctes [1].

« Pour défendre l’Amérique, une simple présence dans l’espace ne suffit pas, nous devons dominer l’espace », a lancé Donald Trump, le 18 juin dernier, avant une réunion de l’US Space Council, organisme créé en 1989 par George H.W. Bush puis dissout en 1993 et qu’il a remis en fonction en juin 2017. « Je demande donc au département de la défense et au Pentagone de commencer immédiatement le processus nécessaire pour créer une Space Force comme sixième branche des forces armées américaines », a ordonné le président, affirmant une fois de plus « nous aurons une armée de l’air, et une force armée de l’espace, séparée mais égale ».

Un débat loin d’être évident

Ce n’est pas la première fois que le président des États-Unis aborde le thème de la création d’une force spatiale. « Nous devenons très grands dans l’espace, à la fois militairement et pour d’autres raisons, et nous pensons sérieusement à une Force spatiale« , avait-il déjà avancé le 1er mai dernier, lors d’une cérémonie à la Maison-Blanche. Le 13 mars, lors de sa visite à la Marine Corps Air Station Miramar à San Diego, en Californie, il avait confié aux militaires : « Ma nouvelle stratégie nationale reconnaît l’espace comme un domaine de guerre possible, au même titre que la terre, l’air et la mer, nous pourrions même avoir une force spatiale ». Au cours de ce même mois de mars, le vice-président de l’administration Trump et président du Conseil National de l’espace, Mike Pence, expliquait dans le Wall Street Journal, que la lune restait un « objectif stratégique vital » pour les États-Unis dont la domination doit « être aussi importante dans les airs que sur terre ». À cette occasion, le vice-président avait aussi mis en garde les adversaires des États-Unis suspectés de brouiller ou pirater des transmissions satellitaires de plus en plus fréquemment.


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Mais tout n’est pas acquis pour le président Trump. La création de la nouvelle force armée exige nécessairement l’approbation du Pentagone — le Département de la défense des États-Unis — et du Congrès de Washington. Et comme le souligne Garrett M. Graff dans Wired, ce processus « ne sera pas facile ». L’été dernier, le Congrès avait rejeté cette idée soutenue par deux membres du Parti républicain, Mike Rogers (Alabama) et Mac Thornberry (Texas). Le secrétaire à la Défense, Jim Mattis, s’était lui aussi opposé à telle proposition. « Je ne veux pas ajouter une force armée séparée qui a probablement une approche plus étroite et même provinciale des opérations spatiales », avait-il écrit à Mike Turner, membre de la Chambre des représentants de l’État de l’Ohio.

La course à l’armement spatial a déjà commencé

Pour en revenir à la proposition de Donald Trump, un débat public est nécessaire, estime l’historien Barry Strauss, professeur à l’Université Cornell d’Ithaca, dans l’État de New York. Ce débat, s’il se tient sera « très controversé », a-t-il confié sur le site Space.com, car « si les questions logistiques sont controversées, les questions de financement le sont aussi », rappelant que les ressources sont limitées. Et puis, « pourquoi avoir besoin d’une force spatiale ? Que ferait de plus une force spatiale que ne fait déjà l’US Air Force ? », s’interroge de son côté Joan Johnson-Freese, professeur au département des affaires de sécurité nationale à  l’U.S. Naval War College a Newport (Rhode Island), citée par Space.com. Celle-ci est sceptique sur l’idée même du Président Trump de « dominer » l’espace. Peut-on dominer l’espace, vu que celui-ci est infini ?

Dans les médias prévaut la crainte que la création d’une Space Force ne soit que la première étape d’une nouvelle course aux armements dans le domaine spatial, ou plutôt une « guerre froide de l’espace », comme l’écrit Ramin Skibba sur Politico.com. Mais la question est de savoir si cette course n’a pas déjà commencé. En effet, explique Garrett M. Graff, un événement, survenu le 11 janvier 2007 a redistribué les cartes. Ce jour-là, la Chine a testé avec succès un missile antisatellite. Le missile balistique a été tiré du centre spatial chinois de Xichang, dans le Sichuan, détruisant un vieux satellite météo désaffecté. Ce test « change tout », a commenté le général William Shelton de l’US Air Force. Car, si les Chinois parviennent à détruire un vieux satellite à eux, ils pourront aussi se débarrasser des satellites des autres, et cela inquiète profondément l’armée américaine.

Craintes sur le système GPS

Le monde d’aujourd’hui est en effet de plus en plus dépendant des satellites. Cela vaut surtout pour les États-Unis et probablement plus encore pour leurs forces armées. Car les satellites sont aujourd’hui irremplaçables dans divers domaines de la vie, et pas seulement dans la communication et dans la navigation tant militaire que civile. Le Système de positionnement mondial (GPS, Global Positioning System) est sans aucun doute un joyau du fonctionnement par satellite, « l’outil le plus indispensable jamais conçu par l’homme », souligne Garrett M. Graff sur Wired. Lancé dans les années 1970 et pleinement opérationnel depuis 1994, le GPS agit sur les téléphones mobiles, les cartes de crédit. « Toute défaillance du système GPS menace de plonger l’économie mondiale dans le chaos », ajoute M. Graff.


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Alors que la Russie avec Glonass, la Chine avec BeiDou et l’Europe avec Galileo ont développé leurs propres systèmes de positionnement par satellite, les États-Unis sont peut-être les plus vulnérables. En effet, non seulement ils ont beaucoup de satellites en orbite — une trentaine rien que pour le système GPS — mais beaucoup d’entre eux ont déjà un certain âge, comme l’a reconnu d’ailleurs le général Shelton lui-même qui les a qualifiés « d’archaïques ». Certains satellites GPS sont même plus âgés que les personnes qui les gèrent. Il y a quelques temps, rapporte Garrett M. Graff, l’ensemble du système GPS était géré par deux jeunes membres de l’aéronautique américaine d’à peine 19 ans tandis que leur chef, le lieutenant-colonel Peter Norski, avait à peine 30 ans. Les forces armées américaines sont bien inspirées de réapprendre à travailler unwired, c’est-à-dire sans l’aide du GPS.

Ces menaces qui pèsent sur les satellites

Il existe quatre méthodes pour mettre un satellite hors d’usage, explique le directeur de l’Aerospace Security Project du Center for Strategic and International Studies à Washington DC. Todd Harrison. La première, utilisée par la Chine en 2007, est une attaque cinétique physique, c’est-à-dire détruire le satellite avec une arme ASAT ou antisatellite. La deuxième méthode consiste à réduire au silence le satellite sans le toucher physiquement, par exemple avec des micro-ondes ou des rayons laser.

La troisième méthode est l’attaque électromagnétique, en brouillant les transmissions satellitaires. À titre d’exemple, quelques 1 000 avions et 700 navires ont signalé des problèmes avec leur signal GPS près de la Corée du Nord en 2016. Pyongyang est soupçonnée d’avoir acheté des brouilleurs (jammers) à la Russie. Autre méthode de type électromagnétique, la tactique du spoofing qui consiste à donner de fausses informations au satellite pris pour cible. La dernière méthode est celle de l’attaque informatique ou cyberattaque. En janvier dernier, comme le rapporte Symantec , l’éditeur de l’antivirus Norton, des hackers chinois se sont introduits dans les satellites utilisés par des entreprises américaines et asiatiques. Ils ont infecté les ordinateurs qui contrôlaient les satellites et auraient donc pu changer les orbites et même interrompre le trafic de données.


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Les débris spatiaux sont la dernière grande menace pour un satellite. Appelés aussi déchets en orbite, ils constituent un phénomène qui a connu, ces dernières années, une augmentation vertigineuse. Lorsqu’on parle de déchets spatiaux, il s’agit soit de fragments assez gros, c’est-à-dire de vrais déchets spatiaux, comme des morceaux de satellites explosés ou des étages de fusées, soit d’outils perdus lors de missions spatiales — comme par exemple un appareil photo perdu par l’astronaute américain Michael Collins — ou de fragments beaucoup plus petits, comme de la poussière ou des paillettes de peinture. Ces derniers, que l’on appelle micro-débris, créent des nuages dont l’action abrasive est source de grande préoccupation.

Si, selon certaines estimations, il y a plus de 100 millions de débris spatiaux en orbite, le test antisatellite chinois de 2007 a provoqué à lui seul 150 000 nouveaux fragments, petits et moins petits qui, à leur tour, ont gravement endommagé et probablement mis hors d’usage le satellite russe Blits en 2013. Et en 2009, un satellite russe désaffecté est entré en collision avec un satellite de télécommunications américain Iridium. L’impact a provoqué un nuage d’au moins 500 nouveaux fragments.

Dans la tête de Donald Trump

Il reste une grande question : que prévoit exactement le projet du Président Trump ? Pour l’instant nous l’ignorons. Ce projet relève de « la sécurité nationale », écrit Ramin Skibba. Le président américain, souligne-t-il, n’a pas précisé, par exemple, si cette US Space Force poursuivrait les activités de l’US Air Force ou en lancerait de nouvelles, comme le développement de nouveaux systèmes d’armes offensives ou défensives.


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Dans un sens, les États-Unis ont déjà des systèmes ASAT. En 1985, un missile ASM-135 ASAT lancé par un chasseur F-15 a mis en orbite un véhicule qui, à plus de 500 kilomètres d’altitude, a intercepté puis détruit le vieux satellite américain Solwind P78-1. Alors que ce programme a été annulé, un missile SM-3 de l’USS Lake Erie, un croiseur lance-missiles Aegis de la classe Ticonderoga, a détruit en 2008 le satellite US-193 hors de contrôle à une altitude de 240 kilomètres.

La Russie a déjà réagi à l’initiative Trump, promettant une «  dure réponse » en cas de violation par les États-Unis du Traité de l’espace — Outer Space Treaty — en vigueur depuis 1967, qui régit les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. « Si les États-Unis se retirent des accords de 1967 qui proscrivent le déploiement d’armes nucléaires dans l’espace [cette décision] appellerait une réponse forte de la part de notre pays, mais également d’autres États, il en irait de la préservation de la sécurité internationale », a averti le président du Conseil de défense et de sécurité russe, Viktor Bondarev.


[1] Les autres branches sont : US Army (armée de terre), US Navy (marine), US Marine Corps (Corps des marines), US Air Force (aéronautique) et enfin US Coast Guard (garde-côte).

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