« Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde ». Dès le livre de la Genèse, la Bible fait référence à un jardin, le jardin d’Éden. Établi par Dieu dans ce lieu, l’homme y a une fonction, un devoir de le garder, de l’entretenir, de le cultiver. Plus loin, ce sera le jardin des Oliviers qui sera évoqué. Au jour de sa résurrection, Jésus apparaîtra à Marie Madeleine, et elle le prendra pour un jardinier. Est-ce une invitation symbolique envoyée à chacun ? Comment l’image du jardin peut-elle être interprétée dans nos vies ? Dominicain, professeur en théologie fondamentale et systémique et responsable de la gestion paysagère et forestière de la Tourette, abbaye classé monument historique et patrimoine mondial de l’Unesco, le frère Christophe Boureux voit dans le jardin de nombreuses symboliques.
Aleteia : Quels sont les principaux jardins présents dans la Bible ?
Frère Christophe Boureux : Il y a trois jardins fondamentaux dans la Bible et ils forment une parabole, une trajectoire sur trois points. Le premier est le jardin d’Éden, dans le second livre de la Genèse. C’est le jardin du commencement, Dieu y installe l’homme, un homme qui est « terreux », tiré de la terre, de l’humus. Le deuxième est celui de la résurrection. Dans l’évangile de saint Jean, Jésus apparaît à Marie Madeleine qui le prend alors pour le jardinier. Enfin, le troisième jardin fondamental est celui de l’Apocalypse avec un arbre au centre, au milieu d’une place qui est aussi une ville.
Qu’est-ce qu’un jardin ?
Dans l’Apocalypse, le jardin est une ville. Entre ville et jardin il y a le même rapport. Dans le jardin comme dans la ville, chaque créature, chaque plante a sa place : il y a la recherche d’une harmonie au sein de laquelle la violence est canalisée. Un jardin est un lieu clos où les plantes, les animaux, les champignons, sont protégés de l’extérieur par un mur.
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Le mur ne renvoie-t-il pas au contraire à quelque chose de négatif, qui nous coupe du monde ?
Le jardin d’Éden est appelé le paradis originel. Le mot persan « Paradis » veut dire “ce qu’il y a derrière le mur”, donc un lieu clos. Mais cette clôture ne réduit pas la liberté humaine ! Au contraire, Dieu protège l’homme de la violence. C’est un espace favorisant la liberté, l’épanouissement, la créativité qui est très importante dans le jardin.
Cultiver son jardin, est-ce cultiver son humilité ?
Plus que l’humilité, cultiver son jardin revient à prendre conscience de ses limites. En effet, le jardin nous rappelle que nous naissons de la terre, que la terre est une matière périssable. Notre condition humaine est limitée parce que mortelle. Notre esprit est aussi limité, il a besoin de temps pour s’épanouir pour un temps, à l’image de la fleur qui a une durée de vie limitée. Enfin, le jardin nous apprend la contrainte et l’effort : pour obtenir une belle plante, il faut du labeur, de la persévérance. Comme pour la vie chrétienne, il faut l’entretenir.
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La vie chrétienne c’est aussi recevoir la grâce. Comment ce concept est-il présent dans cette image du jardin ?
Nous devons avoir de la gratitude pour l’héritage de la terre que les générations précédentes nous ont laissé : ils l’ont travaillée, protégée par leur travail. De plus, l’eau, la lumière, l’air nous sont donnés, confiés, comme des biens communs pour que nous les transmettions le moins mal possible aux générations futures.
Le chrétien doit-il se faire jardinier ?
Pas obligatoirement bien sûr ! Si on a la possibilité d’avoir un jardin oui, parce qu’on y apprend à se libérer un peu de la consommation à outrance, mais ce n’est pas tant d’avoir un jardin qui est important que d’essayer de respecter le monde qui nous entoure, les entités non-humaines avec lesquelles nous ne pouvons pas vivre. Le temps des vacances peut être un moment de vérité sur les dépenses vraiment importantes de notre vie quotidienne par exemple.
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À titre personnel vous sentez-vous plus proche de Dieu quand vous vous occupez du Domaine de la Tourette ?
Ce n’est pas le fait de jardiner qui me rapproche de Dieu mais de faire attention à ce qui m’entoure. Je m’occupe des arbres, des prairies, des chemins car je sais que des personnes vont venir s’y ressourcer et si les arbres, les oiseaux, les insectes ont l’air d’y être heureux ce sera sûrement communicatif. Le rapport à la beauté est aussi important dans la recherche de l’agrément et peut-être d’une certaine harmonie entre les couleurs, les textures, les formes dans le paysage. C’est l’attention, le soin, le respect, une certaine délicatesse à l’égard des choses et des êtres, qui rapprochent de Dieu.