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Père Jean-Marc Balhan, témoin de Dieu en Anatolie

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© Paroisse catholique d'Ankara

Le père Jean-Marc Balhan célèbre la messe à Konya avec deux enfants irakiens et un jeune africain comme servants d'autel. À côté de lui, un jésuite arménien de passage.

Domitille Farret d'Astiès - publié le 17/08/18

« Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples », nous dit l’Évangile de Matthieu. Depuis ses origines, l’Église a pour vocation d’annoncer l’Évangile. Asie, Amérique, Afrique, Europe… Chaque continent est terre de mission. Durant le mois d’août, Aleteia propose de vous montrer différents visages de missionnaires. Découvrez aujourd’hui le père Jean-Marc Balhan, jésuite, curé de la paroisse catholique d’Ankara, en Turquie.

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Ankara, au cœur du plateau anatolien. Ankara, capitale de la Turquie. Ankara et ses cinq millions d’habitants, symbole du renouveau du pays, cité moderne aux styles architecturaux variés. C’est dans cette ville cosmopolite qu’a été envoyé le père Jean-Marc Balhan, serviteur de Jésus, durant l’été 2001. Né en 1966, ce Belge de 52 ans a grandi dans une famille de commerçants, aux confins de la Belgique et de la Hollande. « J’ai toujours été attiré par les questions de sens », confie-t-il. Adolescent, il fréquente les collèges jésuites. « Petit à petit est née en moi l’idée de répondre à un appel. En lisant le livre de François Varillon Beauté du monde et souffrance des hommes, j’ai découvert un Dieu amour, un Dieu “qui s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu”. C’est à partir de cela que j’ai cheminé. J’ai alors compris que pour devenir Dieu, il fallait se mettre à sa suite ». Il entame des études de médecine et fait un stage au Congo, qui le marque durablement. Ce qui l’attire dans la vie jésuite, c’est « la disponibilité pour faire n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand ». « À l’époque, j’étais un grand romantique et je rêvais de partir au loin », précise-t-il avec humour. Le jeune homme entre dans la Compagnie de Jésus en 1987.

© Jean-Marc Balhan
Père Jean-Marc Balhan

De 1993 à 1995, il est envoyé en Égypte. Sur place, il enseigne le français au collège de la Sainte-Famille du Caire. Alors qu’il s’était déjà un peu intéressé à l’islam, son intérêt pour cette religion s’accroît là-bas. « J’étais en crise à ce moment-là. Petit à petit, ma foi avait commencé à vaciller. J’étais en quête d’un Dieu plus grand car je pensais à ce moment-là que mon Dieu n’était qu’une idole, une projection parentale ». L’appel à la prière des musulmans, cinq fois par jour, l’interpelle. De même que les vastes mosquées qui lui font pressentir ce qu’il cherche de tout son cœur. « J’ai été attiré par ce que j’ai alors perçu de l’islam : la grandeur de Dieu. L’islam a peu à peu pénétré en moi et m’a aidé à soutenir mon questionnement. Je m’interrogeais : “Si Dieu est plus grand, qui est-il ?” », témoigne-t-il. Cette expérience est un véritable tournant pour lui car elle lui permet de rencontrer le réel. « C’est elle qui a fait l’homme que je suis aujourd’hui », affirme-t-il. Il quitte ensuite l’Égypte pour entamer son cycle de théologie, ce qui lui permet de construire sa foi sur de nouvelles bases. Il entame ensuite des études d’arabe et d’islamologie. « Je me suis concentré sur le Coran, j’ai essayé d’apprendre à le goûter, à le réciter, à le chanter, de le comprendre de l’intérieur ». Puis, lors d’un voyage en Turquie, il rencontre des jeunes du renouveau musulman. « Là-bas, j’avais l’impression de rencontrer des jeunes modernes. L’islam de Turquie me semblait très différent de celui d’Égypte, plus conservateur ».




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La Turquie, « un melting-pot au niveau chrétien »

Il est envoyé en Turquie durant l’été 2001. Les jésuites ont un lien historique fort avec ce pays. Ils y étaient présents dès la fin du XVIe siècle, d’abord au service des chrétiens prisonniers de guerre, puis auprès des Arméniens à la fin du XIXe siècle. En 1983, ils quittent les lieux, puis sont rappelés en 1985 à l’occasion d’un échange académique entre l’université grégorienne de Rome et la faculté de théologie musulmane à Ankara. « En tant qu’ancien centre de l’Empire ottoman, la Turquie a toujours été ouverte aux influences extérieures et s’est sentie une vocation universelle. Or, l’Église catholique aussi est universelle », explique le prêtre. En 2000, les jésuites succèdent aux assomptionnistes au service de la paroisse catholique d’Ankara.

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© Paroisse catholique d'Ankara

En Turquie, la présence catholique est faible et très diversifiée. Le pays compte 100.000 chrétiens locaux dont 15.000 catholiques. Ce sont essentiellement des Levantins, c’est-à-dire des descendants d’Italiens et de Français émigrés dans l’Empire ottoman au fil des siècles. Les autres sont des convertis. On compte également quelques centaines de milliers de chrétiens étrangers (catholiques latins, russes orthodoxes). « La Turquie est un melting-pot au niveau chrétien », explique l’homme de Dieu. Là-bas, l’Église catholique est divisée en trois diocèses : le vicariat apostolique d’Istanbul (dont fait partie Ankara), l’archidiocèse d’Izmir et le vicariat apostolique d’Anatolie. La plupart des chrétiens catholiques résident à Istanbul et à Izmir. La Turquie est assez pauvre en religieux catholiques : ils ne sont qu’environ 130 pour tout le pays, dont deux tiers résident à Istanbul. Mais « nous sommes au service de communautés chrétiennes isolées », affirme-t-il.




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Une terre aux périphéries

« Le pape François aime beaucoup parler de périphéries », continue le père. « Si vous voulez comprendre la Turquie, il faut penser en termes de périphérie. Ici, nous sommes en périphérie de l’Europe, de la Russie, de l’Asie occidentale et du Moyen-Orient. Et en même temps, nous sommes au centre de tout cela. La Turquie accueille quatre millions de réfugiés, dont quelques dizaines de milliers de réfugiés irakiens chrétiens. L’une de nos missions est d’aller les rencontrer. Ils habitent au milieu de nulle part. Parfois, il n’y a pas de religieux à 200 ou 300 kilomètres à la ronde. Il est nécessaire de vivre en lien avec ces communautés isolées et de les “dés-isoler” ». En effet, poursuit-il, si la Turquie est officiellement un pays laïc, son peuple est également très nationaliste. « Ici, il y a d’abord des gens qui appartiennent à des nationalités, avant d’appartenir à une religion. Vous êtes turc ou non-turc. Dans l’imaginaire, être pleinement turc, c’est être musulman sunnite. Être chrétien, c’est appartenir à une minorité, même si les mentalités commencent à changer. À Istanbul, à Antioche, être chrétien ne pose pas de problème. En revanche, si vous habitez dans une petite ville du centre de l’Anatolie, c’est plus stigmatisant ».

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© Père Jean-Marc Balhan
Avec des étudiants à Konya.

Des missions plurielles et variées

La mission du père Jean-Marc est variée. Accompagné du père Alexis Doucet, jésuite également, il s’occupe aussi bien de former ses ouailles, de visiter les communautés isolées, de coordonner les religieux qui travaillent sur place, de donner les sacrements, d’aider les réfugiés, de participer au dialogue inter-religieux… Sa paroisse est composée de deux églises. L’une, Azize Tereza (Sainte Thérèse), au service de la communauté locale, accueille des chrétiens orientaux et des étrangers qui parlent turc. « Le grand défi a été de faire communauté avec toute cette diversité. Cela n’a pas été simple au début. Nous avons des convertis. Or, c’est compliqué pour un chrétien oriental de comprendre que l’on peut se convertir et devenir chrétien. Un de nos grands défis est celui de la formation en langue turque. Nous n’avons pas beaucoup d’ouvrages de formation, même si la Bible a été traduite en turc ». L’autre église, Meryem Ana (Notre-Dame), accueille des étrangers d’un peu partout : personnel de maison philippin, étudiants africains, diplomates, universitaires, militaires, fonctionnaires. Le dimanche, on compte entre 200 et 250 personnes. L’ambiance y est très chaleureuse. Une riche diversité que bien des paroisses pourraient leur envier, note le curé.

© Stefan Meier
La communauté internationale à l’église de Meryem Ana en présence se son évêque, Ruben Tierrablanca, mexicain.

« Nous passons beaucoup de temps à “ne rien faire” car notre mission, est aussi d’être simplement présents. Mes journées sont très variées. En vingt-quatre heures, je peux être amené à parler turc avec des gens qui visitent l’église ou veulent être délivrés d’un mauvais sort, puis anglais avec des étrangers qui me demandent de les marier ou avec des Philippins auxquels je donne une formation, et en italien pour coordonner une rencontre de religieux ».




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Sa mission est également beaucoup sur les routes : « Une fois par mois, je vais à Konya, à 300 kilomètres au sud d’Ankara, qui accueille de nombreux réfugiés. Là-bas, il y a une église, mais pas de prêtre. Deux religieuses font l’accueil. La petite communauté chrétienne compte une trentaine de personnes : des étudiants originaires d’Afrique ainsi que des réfugiés irakiens, iraniens et africains. Quand j’arrive le matin, je donne un cours de formation aux étudiants. Ensuite, je déjeune avec les sœurs. En début d’après-midi, je rencontre les uns et les autres et je donne le sacrement de réconciliation à ceux qui me le demandent. Puis nous célébrons l’Eucharistie en jonglant entre français, anglais, turc et arabe. Après la messe vient le temps des agapes et nous passons une heure ou deux à parler. Parfois, j’en profite pour rendre visite à des “Derviches tourneurs” [ou Mevlevis, un ordre musulman soufi, ndlr] que je connais ». Une journée haute en couleurs au sein de laquelle se mêlent sacrements, formation, dialogue inter-religieux, rencontres…

© Paroisse catholique d'Ankara
Le père Jean-Marc Balhan joue au ballon avec une petite réfugiée irakienne à Konya.

Et le pasteur de conclure : « Ma plus grande joie, c’est la joie des rencontres, toujours porteuses de fruits. Par exemple quand je rencontre un chauffeur de taxi. Ma mission m’enracine dans ma foi. Dès que je m’exprime dans une autre langue, par exemple si je donne un cours sur les Pères de l’Église en langue turque, je dois réfléchir à la formule que je vais utiliser. C’est toujours stimulant. Je dis la même chose, et en même temps je dis autre chose. Je me vois plus comme un témoin du Royaume que comme un missionnaire. Mon rôle est celui du levain dans la pâte. Il est d’aider cette communauté à devenir un arbre dans lequel les oiseaux du ciel pourront faire leur nid, d’aider l’Église locale à se construire et s’affermir et de faire en sorte que Turcs, étrangers et religieux qui viennent d’horizons différents puissent faire communauté ».


Père Hervé de Penfentenyo

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