Dieu a de la suite dans les idées. En premier lieu, la place de la Vierge à l’intersection des deux Testaments nous révèle la continuité du dessein de Dieu tout au long de l’histoire du peuple d’Israël, et plus largement de l’ensemble de l’humanité. La généalogie du Christ, dans l’évangile de saint Luc, remonte en effet à Adam. Jésus-Christ est annoncé dès la chute du couple primordial, dans ce que l’on appelle le Protévangile (Gn 3, 15), c’est-à-dire dans la victoire du lignage de la femme sur le serpent. Le premier livre de la Bible prophétise le combat gagnant de la Vierge contre Satan. Marie est la preuve que la promesse messianique est inscrite dans l’histoire. Dieu ne s’est pas contenté d’intervenir dans le cours des événements uniquement à l’occasion de l’Incarnation. C’est tout le long de l’Alliance avec Israël qu’Il s’est impliqué. La venue de l’Esprit-Saint au-dessus de Marie ne fera que mettre le comble à cette sollicitude de Dieu pour son peuple dans le temps humain.
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La position de Marie entre les deux Testaments signifie également la fidélité de Dieu à son dessein de salut. De plus, en prenant chair de la fleur la plus précieuse de l’Alliance, la vierge de Nazareth, le Messie assume toute l’histoire sainte, mais également tous les hommes venus avant lui, qu’ils soient pécheurs ou pas. Le Sauveur n’est pas un corps étranger greffé sur l’humanité. Il est l’un de nous. Et cette parenté, c’est à la Vierge que nous le devons. Grâce à elle, qui fut sa mère selon la chair, Jésus est un homme assumant pleinement notre condition.
La Vierge résume les attentes de son peuple
Il est une autre dimension à considérer dans l’Avent pour prendre la mesure de la place qu’y tient la Vierge. Le temps de préparation à Noël représente comme une condensation de la préparation spirituelle de l’humanité à la venue de Dieu parmi nous. Or, dans cette pédagogie divine, la Vierge se situe, avec Saint Jean Baptiste, à l’extrémité au-delà de laquelle seul peut survenir Celui après lequel soupirent tous les siècles. Marie a été préparée par la longue histoire de Dieu avec Israël. En sa personne, la vocation du peuple de l’Alliance atteint son apogée. Mais en elle se condense également l’élan de prière de toutes les nations païennes. Un peu comme si toute l’humanité se résumait en sa personne.
Une synthèse des perfections de l’Ancienne Alliance
De surcroît, Marie ne porte pas seulement le désir de son peuple, mais aussi toutes les perfections des saints de l’ancienne Alliance. Elle représente l’accomplissement de la sainteté du régime de la loi, avant que Dieu ne recrée l’homme en Jésus-Christ. Là aussi, la Vierge se situe dans l’entre-deux : fille et fleur de son peuple, elle soupire à l’unisson de son peuple après le Messie ; toutefois, par son Immaculée Conception, elle a déjà un pied dans la Création nouvelle. Avant que son Fils ne vienne rétablir la circulation entre le Ciel et la terre, en Marie, nous contemplons et prions toutes les beautés spirituelles et religieuses de l’histoire du peuple dont naîtra le Messie.
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Au XVIIe siècle, Jean-Jacques Olier, fondateur de la compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, écrivait : “Dieu réunit et renferme en elle (Marie) toutes les perfections qu’il avait répandues dans les âmes justes de l’ancienne loi, ou plutôt elle a seule plus de l’Esprit de Jésus-Christ que n’en avaient possédé tous les prêtres, les patriarches, les juges, les prophètes, les rois, que tous les saints de l’ancien Testament et les justes de la gentilité tous ensemble. […] La puissance du Père la rend plus forte que Judith ; la sagesse du Fils la rend plus belle mille fois que Rachel ; l’amour du Saint-Esprit plus aimable qu’Esther.”
Attendre Quelqu’un
La méditation du temps particulier de l’Avent est une invitation à ouvrir la Bible, afin d’y discerner les préparatifs des perfections de la Vierge et de celui qu’elle enfantera à Bethléem. La Vierge est l’accompagnatrice idéale durant le temps de l’Avent, parce qu’avec elle l’attente de Jésus-Christ se fait plus ardente, plus passionnée, plus charnelle aussi. En effet, avec Marie, l’espérance est davantage qu’un sentiment ou qu’une conviction : elle a les traits d’une personne. À quelques jours du premier Noël, la Vierge n’attendait pas une révélation abstraite, mais un visage : celui de Jésus qu’elle portait en son sein.
En priant la Vierge de l’Avent, l’attente du Sauveur n’est pas moins fervente du fait que nous connaissons déjà Celui qui vient. Au contraire, le désir est décuplé par le souvenir de la voix et du visage de l’Aimé. Le chant d’amour du Cantique des Cantiques ne raconte pas la première rencontre du bien-aimé et de la bien-aimée, mais leur lancinant désir de se retrouver. Pareillement, durant l’Avent, la première venue du Verbe dans la chair ne doit pas refroidir notre attente du Désiré des nations dans nos coeurs.