Si l’expression “maîtresse de maison” apparaît aujourd’hui quelque peu désuète voire connotée de façon négative, celle-ci garde cependant tout son sens avec sainte Marthe. Infatigable, elle ne recule devant aucune tache, toujours prête à servir. Le jour où Jésus entra dans son village, c’est elle qui le reçut. L’Évangile de Luc rapporte que Marthe était accaparée par de multiples occupations, l’hospitalité en ces temps anciens n’était pas un vain mot et on imagine sans peine le remue-ménage pour que tout soit prêt afin d’accueillir cet hôte singulier. Mais alors que les dernières courses sont faites, les plats lancés et la table prête à être dressée, Marie, la contemplative boit les paroles de Jésus, assise à ses pieds, ce qui n’agrée pas du tout à Marthe.
Un reproche devenu célèbre
Marthe exaspérée adresse cet audacieux reproche à son hôte : “Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider.” (Lc 10, 40) Un acte étonnant venant d’une femme s’adressant à un homme, qui plus est, son hôte, mais révélant toute l’impulsivité et le ressentiment de Marthe. Qui ne s’est jamais trouvé dans sa situation, occupé à de multiples obligations ménagères alors que des proches se complaisent dans une attitude passive ? Jésus, par un retournement de situation dont il a le secret, va lui répondre de manière tout aussi surprenante : “Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée.” (Lc 10, 41)
Une leçon éternelle
Marthe, concentrée sur son service et la bonne marche de la maisonnée en a oublié l’essentiel. Jésus est venu apporter la bonne Parole sur terre, des paroles précieuses qu’en s’affairant elle néglige et laisse s’envoler. Ce récit ne condamne cependant pas les taches du quotidien, elle sera d’ailleurs la patronne des ménagères, cuisinières et de la vie active. Mais, il y a un temps pour chaque chose et “un à propos” à ne pas oublier. Bien des spiritualités insistent sur la valeur spirituelle des occupations jugées souvent ingrates ; une préoccupation de nombreux monastères où la prière et le travail manuel composent à part égale l’emploi du temps quotidien.
Une foi à l’épreuve de la mort
Les évangiles évoqueront une nouvelle fois Marthe lors d’un épisode tragique. Son frère Lazare est mort depuis quatre jours, Jésus l’aimait et en est attristé au point de verser des larmes. Marthe dit alors à Jésus : “Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.” (Jn 11, 21). Jésus est bouleversé et pris par l’émotion. Il sait aussi ce que cette mort signifie pour ses amis, pour la sienne à venir et promet à Marthe que son frère ressuscitera. Celle-ci croit que c’est pour la fin des temps et lui livre alors cette admirable profession de foi : “Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde.” (Jn 11, 27) Jésus demande à ce que la pierre soit roulée et adresse cette prière : “Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé” (Jn 11, 41-42) , et d’une voix forte cria : “Lazare, viens dehors !” (Jn 11, 43). Lazare entouré de ses bandelettes sort du tombeau, et toutes les personnes crurent alors en Jésus.
La légende rapporte, enfin, que Marthe parvint avec sa sœur Marie-Madeleine sur les côtes françaises en Provence, un tombeau — dit-on — fût découvert au Moyen Âge portant le nom de sainte Marthe, celle-ci ayant enfin trouvé le repos éternel.