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Dons anonymes : « Les méfaits d’un choix qui ne respecte pas l’intérêt de l’enfant »

EMBRYON BIOETHIC

MARCEL MOCHET I AFP

Photo prise du Centre d'étude et de conservation du sperme humain (CECOS) de Rennes montrant la préparation des ovocytes sous hotte stérile, avant la micro-injection des spermatozoïdes dans les ovocytes.

Agnès Pinard Legry - publié le 19/06/19

Un récent sondage souligne que 75% des Français sont favorables à ce que les enfants issus d’un don de sperme ou d’ovocytes « puissent accéder dorénavant à l’identité du donneur ». Pour Blanche Streb, docteur en pharmacie, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance Vita, cela montre que les Français ont conscience que « ces cellules "porteuses de vie" sont tout à la fois un patrimoine génétique, une histoire. Elles disent d’où l’on vient, nous inscrivent dans le temps ».

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Alors que le projet de révision des lois de bioéthique devrait être présenté en conseil des ministres à la fin du mois de juillet, un récent sondage réalisé par l’Ifop pour l’Association des Familles Homoparentales souligne que trois-quarts des Français sont favorables à ce que les enfants issus d’un don de sperme ou d’ovocytes « puissent accéder dorénavant à l’identité du donneur ». « Les premiers à le dire sont ceux qui sont nés de dons de sperme anonyme », confie à Aleteia Blanche Streb, docteur en pharmacie, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance Vita et auteur de Bébés sur mesure, le monde des meilleurs. « On a pensé à leur place qu’il était mieux pour eux que le secret soit bien gardé, ils sont revenus en boomerang nous prouver que non ».


PREGNANT

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Aleteia : 75% des Français sont favorables à ce que les enfants issus d’un don de sperme ou d’ovocytes « puissent accéder dorénavant à l’identité du donneur », révèle un récent sondage réalisé par l’Ifop pour l’Association des Familles Homoparentales (ADFH). Qu’est-ce que ce chiffre vous inspire ?
Blanche Streb : Cela montre que pour les Français, les spermatozoïdes et les ovocytes, ces cellules « porteuses de vie » ne sont pas « rien » ! Elles « sont » tout à la fois un patrimoine génétique, une histoire, elles disent d’où l’on vient, nous inscrivent dans le temps, l’histoire, elles ont vécu dans le corps de quelqu’un et donc en portent des marques épigénétiques qu’on a pas fini de découvrir. Bien sûr, la filiation ne se réduit pas à la réalité biologique mais le lien biologique n’est pas rien pour autant et cela, tout le monde en a conscience. De toute façon, avec les tests désormais disponibles sur internet et les immenses bases de données génétiques, l’anonymat n’existe pour ainsi dire plus, prétendre pouvoir encore le préserver serait une imposture. Les promoteurs de la PMA pour tous et pour toutes le savent, c’est pourquoi ils militent pour cette levée d’anonymat.




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La France a-t-elle déjà des engagements relatifs à « l’accès aux origines » ?
Le premier de ses engagements est celui respecter le droit des enfants. Pour cela, elle a ratifié un texte important, celui de la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce texte a une valeur juridique internationale, et il est contraignant, c’est-à-dire supérieur au droit français, il s’impose donc aux États, à leurs parlements, gouvernements et présidents. Ce texte pose le droit pour tout enfant, dès sa naissance, à un nom, une nationalité et, dans la mesure du possible, au droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Une législation qui organise par avance et de manière délibérée la conception d’un enfant d’une manière qui fait disparaître le père ou la mère ou permet seulement à l’enfant de connaître « l’identité » de son géniteur à sa majorité ne peut pas être considérée comme respectueuse de ce droit.

« Considérer qu’il faut renoncer à l’anonymat est un signal fort qui rappelle la réalité biologique de la filiation que d’autres lois tendent à dénier. »

Est-ce rassurant de savoir que les ¾ des Français sont conscients de l’importance de connaître ses origines et ses racines ?
En effet, et les premiers à le dire sont ceux qui sont nés de dons de sperme anonyme. On a pensé à leur place qu’il était mieux pour eux que le secret soit bien gardé, ils sont revenus en boomerang nous prouver que non ! On mesure ainsi, une génération plus tard, les méfaits d’un choix qui ne respectait pas l’intérêt de l’enfant. Faudra-t-il attendre une nouvelle génération pour qu’on arrête de fermer les yeux sur les problèmes posés par la PMA sans père, la FIV 3 parents etc. ? Plus personne aujourd’hui ne conteste leur besoin, qui n’est pas forcément de remplacer un père, ils ont celui qui les a élevés, mais de savoir qui est leur parent biologique, quelle est leur histoire, origine, l’histoire génétique de sa famille, s’ils ont des demi-frères et sœurs, et parfois aussi pourquoi leur géniteur a fait ce don.

L’anonymat est l’un des piliers du don de sperme ou d’ovocytes en France. Cela pourrait-il changer ?
Considérer qu’il faut renoncer à l’anonymat est un signal fort qui rappelle la réalité biologique de la filiation que d’autres lois (la PMA sans père par exemple) tendent à dénier. Il est fort probable que l’anonymat en effet soit levé dans la révision de la loi bioéthique, nous verrons. Une récente tribune démontre qu’il y a un fort lobbying en ce sens, de la part des personnes concernées mais aussi de la part des militants pour le droit à l’enfant et à la PMA/GPA pour tous. L’utilisation de gamètes de tierces personnes est indispensable dans le cadre, notamment, de la PMA pour les femmes homosexuelles ou célibataires, donc pour contourner le problème de la quête des origines, les promoteurs de cette pratique considèrent qu’il faut lever l’anonymat, tout en martelant qu’« un donneur est un donneur, rien d’autre » et en réduisant l’éventuel besoin des enfants au fait de simplement connaître l’identité de leur géniteur, s’ils le souhaitent, à leur majorité. Bien sûr que la levée de l’anonymat ne résout pas tous les problèmes, et les conditions de la mise en œuvre de cette levée semblent complexes, voire insolubles. En fait, beaucoup constatent que ni l’anonymat, ni sa levée, ne sont vraiment satisfaisantes, mais si l’un et l’autre posent problème, n’est-ce pas tout simplement le don lui-même qui pose problème ?




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Une levée de l’anonymat pour les dons entraînerait inéluctablement une baisse de ceux-ci…
Il y a déjà moins de dons que de demandes, et cela, en dépit des 800.000 euros que l’agence de biomédecine dépense chaque année sur nos deniers pour des campagnes de pub incitant au don. S’il y a peu de donneurs, cela témoigne, soit dit en passant, que nous savons bien que donner ses gamètes « ce n’est pas rien ». On donne plus que du sperme ou des ovocytes (ce qui est lourd et pas sans risque pour le corps et la santé d’une femme d’ailleurs), on donne une paternité ou une maternité potentielle, on accepte de vivre avec l’idée qu’on a peut-être des enfants biologiques qui vivent quelque part, qu’on peut les croiser sans le savoir… Les dons pourraient baisser, on ne sait pas. Ce qui est sûr c’est qu’il faudra assurer l’approvisionnement si on légalise la PMA à la demande. Si on maintient la gratuité du don, il faudra acheter le sperme à l’étranger, c’est ce qui se passe en Belgique qui achète 90% de son sperme au Danemark ! Ce serait une manière détournée de se soumettre au marché de la procréation. Et si on se met à rémunérer les donneurs, on bascule dans la marchandisation du corps, on fait exploser un principe fondamental du modèle français qui est la non patrimonialité du corps humain. Et dans ce cas-là, pourquoi ne pas rémunérer les donneurs de sang et d’organes ? Il y aussi, chacun le sait, pénurie d’organes et pour le coup, là il y a des questions de vie ou de mort. Ce n’est pas comme pour les gamètes. Personne ne va mourir si les Cecos (Centres d’Études et de Conservation des Œufs et du Sperme) sont à sec… Ce possible basculement vers la PMA pour toutes a des implications majeures qu’il convient de regarder de manière globale. C’est une déstabilisation du modèle bioéthique français, sans parler de la question de l’utilisation des ressources de l’assurance maladie…

Le débat s’est beaucoup cristallisé autour de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Quels autres bouleversements majeurs envisagez-vous (fin de l’anonymat du don…) ?
À l’heure actuelle nous ne savons pas ce que contient ce projet de loi. L’inquiétude est bien sûr réelle, nous avons vu les recommandations souvent catastrophiques pour les droits humains du député Jean-Louis Touraine, ou du CCNE… Il y a des craintes à avoir autour de la procréation artificielle de manière globale, abandonner le verrou du thérapeutique fait basculer vers le droit à l’enfant, c’est mathématique. Ce qui implique la PMA post mortem, post ménopause, la facilitation juridique de la GPA. Je pense aussi à cette idéologie derrière l’autoconservation des ovocytes, qui instaurerait une nouvelle forme d’économie du vivant, sans réel besoins ni bénéfices pour les femmes. La PMA est aussi sur la pente glissante de l’eugénisme : sont évoqués l’extension du contrôle des embryons en éprouvette à plus de critères et plus de couples, l’organisation du dépistage pré-conceptionnel pour tous, bref, une artificialisation de la procréation humaine, un contrôle qualité renforcé, de vraies pertes de liberté et d’autonomie en perspectives au profit d’une utopie qui court une représentation du bébé parfait. L’embryon humain est aussi au cœur de la tourmente, avec ce risque de banaliser de plus en plus son instrumentalisation, son exploitation comme simple matériau de recherche, et cette grave tentation de les modifier génétiquement.


CHINESE GENOMA

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BioéthiqueGPAsondage
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