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Spiritualité
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Pourquoi faut-il se battre spirituellement contre la mollesse ?

Le Christ enfant méditant sur la Crucifixion

Rom1art

Le Christ enfant méditant sur la Crucifixion, Mathieu Le Nain

Jean-François Thomas, sj - publié le 01/08/19 - mis à jour le 16/03/23

La tentation de la mollesse, des sacrifices faciles et du confort des bons sentiments nous éloigne de la réalité de la vie elle-même. La vérité de l’amour sans concession s’apprend dès le plus jeune âge.

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Il est d’usage de dire, souvent trop rapidement et par facilité, que les voies de Dieu sont impénétrables. Ainsi faisons-nous l’économie de la réflexion et de la découverte de conclusions qui dérangent ou qui ne sont pas totalement satisfaisantes. En fait, ce qui nous est révélé de l’œuvre de Dieu en nous et dans le monde, est souvent source de scandale car notre intelligence refuse l’analyse et notre volonté repousse le combat spirituel. Nous avons les nerfs fragiles et nous les soignons à coup d’émotionnel et de sensiblerie, considérant que telle est la nourriture spirituelle dont notre âme a besoin.

Nous affectionnons la mollesse, le juste milieu, comme nous préférons nous agenouiller — si nous le faisons encore — sur des prie-Dieu de velours plutôt que de rude paille tressée. Ainsi, nous nous façonnons un Dieu dont l’amour correspond de façon très lointaine avec ce qu’Il est en vérité. Pourtant tout est dit et signé dans les saints Évangiles. Nous serions de mauvaise foi en affirmant que nous sommes pris par surprise, que nous avons été trompés sur le contenu et la qualité de la marchandise.

L’amour de Dieu est de fer, pas de plume

Toute vie intérieure exigeante se trouve confrontée, un jour ou l’autre, à l’épreuve, tandis que Dieu semble se refuser à celui qui le désire. Nous n’aimons pas regarder cette terrible réalité dans les yeux. Toute l’Histoire sainte, et toutes les vies des saints, montrent que Dieu passe au crible, qu’Il repousse les limites de la souffrance de ceux qui sont choisis. Être capable de Dieu, c’est être capable de souffrance, à l’image du Christ qui fut poussé jusqu’aux limites lors de son Agonie et de sa Passion.

Il n’existe pas d’autre voie pour le chrétien. Seriner frivolement et étourdiment que Dieu est Amour (ce qu’Il est évidemment), sans prendre la mesure de ce que cela signifie est sans doute plus catastrophique que de se battre dans les filets du doute. S’anesthésier avec de bons sentiments, alors que la vision du véritable Amour nous pétrifierait de crainte de Dieu, est un rejet de la réalité. Georges Bernanos écrivait justement à Jacques Maritain, après la parution couronnée de succès de son Sous le soleil de Satan, que « le Christ n’est pas l’infirmière des âmes, il en est le ravisseur, et dans un certain sens le bourreau » (14 février 1926).

Le Christ enfant méditant sur la Crucifixion
Rom1art

Un tableau, récemment découvert et attribué à Matthieu Le Nain, représente l’enfant Jésus méditant sur les instruments de sa Passion, thème cher à la spiritualité du Grand Siècle. Notre Seigneur nous montre ainsi la voie, pas celle de la mollesse, mais celle de l’adhésion libre et consentie à la réalité.

Notre Seigneur n’a pas saisi ses apôtres en leur proposant une vie de mollesse et en leur enseignant des propos sucrés. Il a utilisé le glaive de sa Parole. Il n’a pas annoncé ce que les foules voulaient entendre, bien au contraire. Jésus a enseigné à rebrousse-poil, et voilà pourquoi Il a parlé avec autorité. Nous ne sommes pas ses disciples pour pleurnicher sur son épaule, pour nous plaindre que tout est trop dur et pour exiger de Lui un menu à notre convenance.

Sainte Thérèse de Lisieux, trop souvent représentée en sainte de guimauve, a pourtant compris, et vécu dans sa chair et dans son âme, que le cœur saisi par l’amour de Dieu ne peut connaître que le fer, et non point la plume. Elle se dit prête à tout accepter, même la mort sans sacrements, car tout est grâce à celui qui remet sa confiance en Dieu. La suite du Christ n’est pas de caresser des agneaux et d’élever des colombes. Si nous perdons notre temps à enrober de fards et de baumes tout ce qui nous déplaît, ou nous fait peur, dans les exigences du message évangélique, nous ne pourrons pas cacher très longtemps la pourriture qui nous gagne.

Comme des voyageurs dans l’inconnu

Oui, nous sommes de continuels boiteux, mais nous nous appuyons sur le bâton de la foi et nous n’hésitons pas à tirer l’épée pour combattre l’ennemi. La traversée de l’existence n’a rien d’une joyeuse croisière d’agrément. Chacun le sait, car, rares, très rares, sont les vies à l’abri des coups durs, des épreuves et des échecs. Et puis, subsiste toujours cette rengaine énervante et assourdissante du péché qui va et qui vient, et qui resurgit au moment et là où on ne l’attend pas. Ah, il n’y a pas de quoi être fier ! S’aveugler en prétendant que nous pouvons avancer sans cahots et sans effleurer la boue d’un seul orteil serait bien pitoyable. En fait, les agneaux seront tondus et égorgés, les colombes seront déplumées et rôties.

Nous sommes des voyageurs aventuriers, ne sachant rien de l’étape suivante. Tout peut s’arrêter à la prochaine gare. En attendant, nous ne sommes pas appelés à ramasser les pâquerettes et à en composer de petits bouquets noués d’une faveur rose ! Nous sommes des laboureurs, des moissonneurs, des vignerons, des ouvriers de la première ou de la dernière heure — qu’importe — mais pas des êtres mous nous laissant porter par les plaisirs fugaces et rares de l’existence. Évidemment, les voix, dans le monde et aussi dans l’Église, ne manquent pas pour nous inviter à baisser notre vigilance, à nous réfugier dans une bonbonnière, à écarter l’ombre de la Croix et de tout sacrifice.

Les sacrifices de pacotille

Paul Claudel, dans Partage de midi, fait ainsi parler Mesa en un monologue mystique :

« Parce que je Vous ai aimé
Comme on aime l’or beau à voir ou un fruit, mais alors il faut se jeter dessus !
La gloire refuse les curieux, l’amour refuse les holocaustes mouillés. Mon Dieu, j’ai exécration de mon orgueil !
Sans doute je ne Vous aimais pas comme il le faut, mais pour l’augmentation de ma science et de mon plaisir.
Et je me suis trouvé devant Vous comme quelqu’un qui s’aperçoit qu’il est seul.
Eh bien ! j’ai refait connaissance avec mon néant, j’ai regoûté à la matière dont je suis fait.
J’ai péché fortement.
Et maintenant, sauvez-moi, mon Dieu, parce que c’est assez !
C’est Vous de nouveau, c’est moi ! Et Vous êtes mon Dieu et je sais que Vous savez tout.
Et je baise votre main paternelle, et me voici entre vos mains comme une pauvre chose sanglante et broyée !
Comme la canne sous le cylindre, comme le marc sous le madrier. »

Satan sait combien nous sommes sensibles aux enchantements du péché, et la voie royale qui y mène est toute tapissée de fleurs, sans une pierre pour écorcher la plante de nos pieds. Nous nous laissons aller aux charmes d’un tel chemin si nous transformons Dieu à notre image et si nous l’ornons de toutes nos fantaisies sulpiciennes. Se redire, avec Mesa, que Dieu n’accepte pas les sacrifices de pacotille, qu’Il n’aime pas les vaniteux, et qu’il est préférable de reconnaître son néant car nous croquons sans cesse dans le fruit du péché, sans nous lasser. La miséricorde panse le cœur broyé mais ne peut rien pour celui qui choisit la route ombragée. Cela rejoint ce que Léon Bloy exprimait ainsi, rudement certes mais ciblant juste, dans Le Désespéré : « Une complainte horrible du péché, sans amertume ni solennité, mais grave, mais orthodoxe et d’une inapaisable véracité. »

Ne pas flancher dans la tempête

Sans se lasser, et sans concession, nous devons poursuivre la chevauchée, menés là où nous ne pensions pas aller, beaucoup plus loin et au travers de multiples obstacles que nous arrivons à franchir lorsque nous nous abandonnons. Le soir viendra où il sera nécessaire de dresser, pour la dernière fois, le camp, moment où nous serons peut-être plongés dans des ténèbres semblables à celles du Jardin des oliviers, mais où finira par luire la lumière promise. À quoi servirait une intelligence vigoureuse si notre sensibilité était pourrie au moment de l’acte final ?

L’habitude doit être prise de ne pas mollir, de ne pas s’attendrir sur soi-même (mais de garder l’attendrissement pour les autres), de ne pas laisser notre sel s’affadir et notre lampe faiblir, de ne pas flancher dans les tempêtes et de ne pas être écervelés dans les moments de quiétude et de joie. Nous sommes faits pour la mesure, le contrôle, l’équilibre, l’harmnie, y compris au cœur de la bataille qui, justement, essaie de mettre à bas ce que nous avons construit sur le roc ou sur le sable. En revanche, nous ne sommes pas faits pour l’équivoque et le faux semblant, pour ce qui est mièvre et doucereux. Nous sommes créés pour mener des combats de front.

À l’école élémentaire, autrefois, les maîtres nous parlaient de ces rois fainéants, rois francs mérovingiens, qu’ils nous présentaient comme dévorés par la mollesse. Ils furent sans doute moins fainéants que ne le laissa entendre Eginhard dans sa Vita Karoli, mais le message frappait les esprits des enfants que nous étions. Nous comprenions, confusément, que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. À plus forte raison la vie spirituelle ! Pour un baptisé, il n’y a pas d’autre issue que de céder à Dieu. La révolte qui consiste à se draper dans la soie ou à se protéger avec une cuirasse ne fonctionne pas. Le dépouillement s’apprend dès l’enfance, il est part de la pédagogie divine et de l’éducation donnée par les parents à leurs enfants, sauf à vouloir en faire des êtres sans colonne vertébrale, sans cesse capricieux et insatisfaits, tournés uniquement vers leurs satisfactions et leurs désirs de l’instant.

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