Qui est responsable du bien commun ? Nous croyons souvent que c’est l’État, mais en réalité, nous en sommes tous responsables, à tous les niveaux de la société. Les derniers papes insistent sur le fait que l’affaiblissement des corps intermédiaires et de la famille rend beaucoup plus difficile la réalisation du bien commun, qui doit être recherché pour chaque famille comme pour chaque entreprise et pour chaque groupe humain. Les corps intermédiaires sont, en quelque sorte, deux fois dans le bien commun : en tant qu’objet et en tant que condition. Le politique n’est, dans un pays, que le responsable ultime de ce qui permet le bien commun. Plus on a de pouvoir, plus on a de responsabilités, et cela est normal. Mais chacun a sa responsabilité, il faut insister là-dessus.
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Tous responsables
Tous les papes, y compris le pape François, insistent sur le fait que la responsabilité du bien commun incombe à chacun des groupes qui, chacun à sa place et à son niveau, composent la société. Il est très important de prendre conscience que nous sommes tous responsables du bien commun de la société car, à chaque niveau de décision, la question doit se poser de savoir si l’on agit pour le bien commun. Par exemple, quand on vote aux élections, le souci du bien commun, et pas seulement de son bien propre, devrait être déterminant dans les choix politiques, évitant ainsi les motivations purement catégorielles ou corporatistes. Le bien commun ne détruit pas la dimension personnelle, mais prend en compte aussi l’existence des autres personnes. C’est cela, l’équilibre. Il n’y a pas un refus de chercher son bien propre, mais on doit chercher comment concilier son bien propre avec celui des autres personnes. Pour le dire autrement, chaque droit est accompagné de devoirs. L’ensemble des relations sociales et politiques doit ainsi permettre la réalisation du bien de tous et de chacun, le bien commun.
L’impact de l’affaiblissement des corps intermédiaires
Pour permettre le développement des corps intermédiaires, le principe de subsidiarité joue un rôle important. Cela signifie qu’il y a, par exemple, un bien commun au niveau de la cellule de base de la société qui est la famille. Si l’on revient à la définition, c’est l’ensemble des conditions, y compris à l’intérieur du groupe familial, qui vont favoriser le plein développement — le développement intégral — de chacun des membres : les parents comme les enfants. On voit bien que ces conditions peuvent changer d’une famille à l’autre, suivant les situations : par exemple, en fonction du nombre d’enfants, en fonction du fait qu’un des enfants peut avoir des difficultés ou un handicap… Dans ce cas, les décisions à prendre dans la famille, quant au travail ou non des deux parents, par exemple, ou quant au mode d’organisation du fonctionnement de la famille, peuvent varier. Le bien commun implique aussi que la famille s’inscrive dans la durée, offrant un cadre stable aux enfants ; en sens inverse, tout ce qui fragilise ou remet en cause la cellule familiale est donc contraire au bien commun.
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Les conditions peuvent varier mais l’objectif est toujours le même : c’est le plein épanouissement de l’ensemble des membres de la famille, du groupe considéré, de l’entreprise, etc. On peut donc appliquer cette notion à tous les groupes intermédiaires. Il y a donc un bien commun d’une association (sportive, caritative, culturelle ou cultuelle), d’une école ou d’une université, d’un groupe de jeunes, d’une collectivité locale, d’une entreprise, etc. C’est toujours le même critère : qu’est-ce qui va favoriser le mieux le plein épanouissement de chacun des membres de ce groupe ? C’est une notion particulièrement importante en économie à travers l’entreprise.
Le bien commun d’une entreprise
L’entreprise a aussi son bien commun, dont chacun est responsable, mais dont les dirigeants de l’entreprise sont, évidemment, les premiers responsables. Le plein épanouissement de chacun dans l’entreprise veut dire naturellement ceux qui y travaillent, donc les salariés, mais aussi tous ceux qui ont un lien avec elle. On voit bien les conséquences que cela peut avoir sur les fournisseurs, sur les clients et sur tous ceux que l’on appelle plus généralement les « parties prenantes ». Les décisions que doivent prendre les chefs d’entreprise doivent tenir compte de cette question du plein épanouissement de chacun. Même chose pour les collectivités locales : il y a donc un bien commun — si l’on prend l’organisation française — d’une commune, d’un département ou d’une région.
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Une participation proportionnée
Tout le monde — et Rerum novarum le disait déjà — a donc le droit et le devoir de participer au bien commun dans une mesure proportionnelle à son rôle, à son importance. Dans son encyclique Laudato Si’, le pape François insiste lui aussi sur le fait que celui qui a le plus de pouvoir a le plus de responsabilités vis-à-vis du bien commun. Mais il faut bien garder à l’esprit que chacun joue un rôle essentiel dans le bien commun : on ne peut donc pas se débarrasser de cette notion sur le politique au sens le plus élevé, comme si nous n’avions pas, chacun à notre place, un rôle à jouer en vue du bien commun.
Le rôle du responsable politique
Le responsable politique joue donc un rôle effectivement très important, éclairé par ce qu’ont dit les papes, et notamment le pape François, puisqu’ils ont plus de responsabilités et ils ont plus d’engagements à avoir vis-à-vis du bien commun, qui est le bien de l’ensemble des habitants du pays et de l’ensemble des groupes et communautés qui sont dans ce pays. Quand on reprend l’expression de « conditions sociales », on voit donc bien, là aussi, le rôle considérable que les pouvoirs politiques peuvent jouer pour établir des conditions de respect des droits fondamentaux, de la liberté, de l’incitation à la responsabilité et aussi — puisque le bien commun a une dimension spirituelle — de la liberté religieuse : favoriser par exemple la pleine liberté des religions et leur place dans la société.
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Chacun a sa responsabilité
Il faut insister toujours sur l’importance des corps intermédiaires, car c’est la seule façon de sortir du débat individualisme/collectivisme. Si, comme au XIXe siècle en Franc, il n’y a que l’État qui interdit — l’essentiel du tissu associatif, ou encore les syndicats —, on tombe forcément dans le collectivisme (l’État responsable de tout) ou bien on dérive vers son contraire : le chacun-pour-soi et l’individualisme radical. La seule façon d’en sortir par le haut, c’est par le renouveau et le dynamisme de la « société civile » au sens de Tocqueville, autrement dit tout ce qui se situe entre l’individu et l’État, et qui fait que l’individu devient une personne, s’épanouissant au contact des autres.
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