Luigi, avocat romain de la première moitié du XXe siècle, et Maria, femme de lettres diplômée d’une école de commerce, parents de quatre enfants, sont un magnifique exemple de couple profondément uni, dont les buts ultimes étaient la foi, l’espérance et la charité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la fête des bienheureux époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi a été fixée au jour de leur mariage, le 25 novembre. De cette manière, Jean Paul II a montré que la béatification peut être atteinte en couple et que le mariage est un chemin de sanctification. Lors de la cérémonie, le Pape s’est ainsi adressé aux familles : “Nous avons aujourd’hui une confirmation singulière du fait que le chemin de sainteté accompli ensemble, comme couple, est possible, beau, extraordinairement fécond, et qu’il est fondamental pour le bien de la famille, de l’Église et de la société”.
Une relation de couple exemplaire mais pas “toute rose” non plus
On aurait tendance à imaginer que le quotidien d’un couple proclamé bienheureux ne soit que vie de prière intense et communion parfaite entre les époux, le tout auréolé d’un puissant amour à la limite de la mièvrerie. Or il n’en est rien. Si le couple Quattrocchi est d’une incontestable exemplarité, il a dû faire face, comme tout couple, à quelques adaptations.
Exemplarité d’abord dans le profond respect qu’ils se portaient mutuellement et dans l’attention qu’ils prêtaient l’un à l’autre. Après la mort de son mari, Maria écrira :
“Nous avions tout en commun, dans un échange constant de valeurs effectives et affectives, avec une unique vie, faite des mêmes aspirations et des mêmes buts, dans un respect réciproque et un immense amour. Chaque moment de conversation, d’échange, d’attention mutuelle, de proximité, avait une saveur de nouveauté. Au cours de ce presque demi-siècle de vie commune, je l’affirme devant Dieu, nous n’avons jamais connu un moment d’ennui, de satiété, de fatigue”.
Un de leurs enfants renchérit en témoignant de la charité présente au sein même du couple : “Leur vie de couple fut un véritable concours de respect, de donation, de dépendance amoureuse et d’obéissance réciproque, dans une recherche commune de ce qui était le mieux pour l’autre”. Amour et charité qui n’ont pas empêché quelques points de désaccord. Comme par exemple le tabac. Fumeur invétéré depuis sa jeunesse, Luigi a arrêté de fumer à la naissance de leur aîné, pour montrer l’exemple. Puis il a repris une fois les enfants grands, au grand dam de Maria ! Cependant, les dissensions ne duraient guère longtemps, grâce aux pardons demandés et octroyés, et à la force puisée dans leur vie spirituelle.
Autre sujet d’adaptation : leur cheminement spirituel, pas toujours au même rythme. Tous deux membres du Tiers-Ordre franciscain, Luigi et Maria menaient une vie très pieuse. Tous les soirs, la famille récitait le Rosaire, et tous les matins, le couple assistait à la messe. Maria raconte : “La journée commençait ainsi : messe et communion ensemble. Sortis de l’église, il me disait bonjour comme si la journée ne commençait que maintenant”.
Tous les mois, ils faisaient une retraite ensemble à la basilique Saint-Paul-hors-les-murs. Cependant, en août 1918, Luigi passa par une période difficile que l’un de ses fils évoque ainsi : “Notre père a traversé un moment de crise spirituelle aiguë, liée à la rude ascèse spirituelle entamée par sa femme sous l’impulsion apostolique du père Mateo. Il s’est laissé prendre par un moment de découragement et il a fini par avoir “peur de Dieu”, presque comme d’un rival qui, attirant trop haut son épouse, la lui dérobait d’une certaine manière.” Mais le couple avait le ressort nécessaire pour traverser cette épreuve. C’est son épouse, finalement, qui “l’a aidé à dépasser cet obstacle dû à la nature et à se laisser, lui aussi, attirer par l’Esprit”.
Des époux bienheureux mais non dénués d’émotions
Ce n’est pas parce qu’ils sont bienheureux qu’ils n’ont pas éprouvé de sentiments contradictoires, que l’on pourrait juger indignes d’eux ! Oui, Luigi et Maria ont été véritablement ouverts à la vie et l’ont prouvé par le sacrifice admirable qu’ils étaient prêts à faire en refusant l’avortement malgré les complications de la quatrième grossesse. Néanmoins, Maria ne fut pas épargnée par le désarroi qui l’envahit quand elle apprit qu’elle attendait leur deuxième enfant. “Qui me donnera la force de penser à deux enfants? De supporter la fatigue physique et physiologique de la grossesse et du reste? Crois bien que je suis vraiment désespérée”, écrit-elle à son mari en déplacement en Sicile.