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« Baptiser l’opération militaire contre le covid-19 ‘Résilience’ est porteur d’espoir »

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AFP

Des patients touchés par le covid-19 évacués d'un hôpital de Besançon, dans le nord-est de la France, vers le CHU de Grenoble, dans l'est de la France, dans le cadre de l'opération militaire Resilience. Mars 2020.

Agnès Pinard Legry - publié le 02/04/20

Lancée le 25 mars par Emmanuel Macron, l’opération militaire ‘Résilience’ mobilise les forces armées contre la propagation du covid-19 dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. « Le choix du mot résilience pour baptiser cette opération traduit une volonté de montrer qu’on utilise tout pouvoir pour faire fonctionner le pays correctement », assure à Aleteia le colonel Jean-Luc Cotard. Entretien.

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Un choix politique pour une portée symbolique. Lancée par Emmanuel Macron le 25 mars depuis l’hôpital militaire de Mulhouse (Haut-Rhin) déployé dans le but de renforcer la lutte contre l’épidémie de covid-19, l’opération militaire ‘Résilience’ est dédiée au soutien des services publics et des Français dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. « Alors que la Nation a plus que jamais besoin du concours de chacun, les armées sont et seront au rendez-vous », assure le ministère des Armées. Si le nom de l’opération en a surpris plus d’un, il s’agit surtout « d’une dénomination purement politique qui traduit une volonté de montrer qu’on utilise tout pouvoir pour faire fonctionner le pays correctement », détaille à Aleteia le colonel Jean-Luc Cotard. Colonel à la retraite ayant servi dans l’arme du génie, il est aujourd’hui consultant en communication. « Si on voulait qu’elle incarne la définition du terme de résilience, ce n’est pas maintenant qu’on la lancerait mais à l’issue de l’épidémie, au moment de relancer l’action de la société française ».

Aleteia : Comment est choisi le nom d’une opération militaire ?
Jean-Luc Cotard : C’est le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), qui s’occupe de la gestion des opérations au quotidien, qui réfléchit au nom des opérations militaires. En fonction de la taille de l’opération, ce nom est ensuite proposé au sous-chef opération, au chef d’état-major des armées ou au chef de l’État. Dans le cadre de l’opération ‘Résilience’, c’est le président de la République qui a dû choisir le terme parmi plusieurs propositions. En général les opérations sont baptisées du nom d’un vent, d’une plante ou d’un animal endémique ou mythique. De ce point de vue, on peut dire que l’opération ‘Résilience’ est une anomalie.

À quoi cela sert-il de baptiser une opération militaire ?
D’un point de vue pratique, quand vous envoyez un message « sur les ondes », préciser le nom d’une opération permet de trier plus rapidement les messages et donc les adresser le plus rapidement possible à la bonne personne. Dans le cas présent, toutes les informations concernant l’emploi des A330 Phénix, du service de santé des armées etc seront ainsi directement envoyées vers ceux qui en ont la responsabilité au sein de l’opération ‘Résilience’. Au-delà de l’aspect pratique, le nom de baptême d’une opération a aussi un rôle de cohésion pour les militaires qui en font partie et qui ne sont pas forcément issus de la même arme ou du même régiment. Enfin, le nom d’une opération a un aspect éminemment symbolique, d’affichage. Quelle image souhaite-t-on renvoyer ? À l’instant T, c’est-à-dire au moment où l’opération est lancée, mais aussi après la fin de l’opération. Quelle image souhaite-t-on transmettre a posteriori ?

« Si on voulait que cette opération incarne la définition du terme de résilience, on la lancerait au moment de relancer l’action de la société française. »

Avez-vous été surpris qu’une opération militaire ait été baptisée ‘Résilience’ ?
Il s’agit d’une dénomination purement politique qui traduit une volonté de montrer qu’on utilise tous les moyens possibles pour lutter contre l’épidémie de covid-19 et pour faire fonctionner le pays correctement. Mais si on voulait que cette opération incarne la définition du terme de résilience, ce n’est pas maintenant qu’on la lancerait mais à l’issue de l’épidémie, au moment de relancer l’action de la société française.

Que signifie la résilience dans le monde militaire ?
La résilience c’est la capacité d’un individu à supporter psychiquement les épreuves de la vie. C’est la capacité qui va lui permettre de rebondir, de prendre un nouveau départ après un traumatisme. Au sein de l’armée française, il y a un principe que chaque militaire a en tête : quoiqu’il arrive la mission doit être remplie. J’ai appris très tôt que si mon chef tombait, je devais être en mesure de prendre sa place. De la même manière que mon adjoint et mon chef de groupe devaient être en mesure de le faire si je tombais. Dans l’accomplissement de nos missions, ce n’est pas l’individu qui compte mais le collectif. Ce n’est pas le chef qui remplit la mission mais le collectif dont l’action est orientée par le chef. Par essence, la structure militaire est ainsi résiliente car malgré les situations éprouvantes, difficiles voire traumatisantes dans lesquelles elle intervient, les missions sont accomplies et elles le sont jusqu’au bout. À l’issue d’une mission il y a ce qu’on appelle le « RETEX », c’est-à-dire le retour d’expérience, qui permet de comprendre ce qui s’est passé, ce qui a été bien fait, ce qui aurait pu être amélioré etc. C’est aussi cela, la résilience au sein des armées. Lors de ma mission en Bosnie en 1992, j’ai appris beaucoup de chose sur la manière dont je travaillais mais aussi dont mon régiment et mon bataillon fonctionnaient. J’ai eu l’occasion de faire un compte rendu de retour de mission dans lequel, par exemple, je soulignais que le sapeur, quel que soit son grade, ne devait pas oublier qu’il était un combattant avant d’être un technicien du génie mais que tout en étant soldat et en se déplaçant, il devait être curieux de son environnement pour pouvoir, le cas échéant, trouver des ressources lui permettant de servir dans l’accomplissement de sa mission. Et j’ai pu constater que ma remarque a été prise en compte par la suite dans la formation des hommes du génie. C’est un exemple de résilience.

PATRICK HERTZOG / AFP
Des unités de soins intensifs dans un hôpital militaire de campagne monté à Mulhouse, le 22 mars 2020.

Comment la traduire dans le monde civil ?
Dans le cadre de l’opération ‘Résilience’, il s’agit d’éviter localement des engorgements des services de réanimation pour faire en sorte que toutes les personnes atteintes du covid-19 puissent être soignées au plus près de chez elles et éviter de contaminer d’autres personnes. Concrètement, l’armée va soit apporter un moyen qui permet de renforcer localement une structure comme c’est le cas à Mulhouse ou elle va mettre en place un système afin de désengorger comme elle le fait actuellement par voie aérienne. Ce système, purement logistique, va créer des flux permettant aux différentes villes d’assurer la survie du système sanitaire. Les lieux saturés pourront absorber de nouvelles arrivées et les lieux où les malades sont déplacés peuvent absorber ces venues progressivement. Dans ce cas-là il s’agit bien d’une résilience sanitaire.


EMMANUEL MACRON

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La résilience est-elle pour aujourd’hui en France ?
Au niveau national, elle ne commencera réellement qu’après la crise, quand il faudra que la Nation se remette à vivre normalement, quand elle sera capable de repartir au niveau économique, social, démocratique. C’est là que commencera réellement la phase de résilience. La résilience ce n’est pas faire la même chose que ce qu’on faisait avant, c’est faire quelque chose qui prend en compte ce qui existait avant la crise et ce qui a existé pendant pour en faire quelque chose d’autre. Il s’agit d’un processus de réorganisation, de régénération, de recréation. En ce sens on peut dire que baptiser l’opération militaire contre le covid-19 ‘Résilience’ est porteur d’espoir.

Quel sens chrétien donner à la résilience ?
Par essence, le chrétien est quelqu’un qui a conscience qu’il est dans un environnement qui s’appelle la Création et qu’il en est un acteur. Il doit faire fructifier ce qui lui est confié mais il ne le fait pas seul, il le fait en communauté. La société est ainsi composée d’une multitude de communautés qui s’entrecroisent et dont leur action, toujours dans une perspective chrétienne, est tournée vers le bien commun. J’entends ici bien commun comme le définit l’Église catholique à savoir l’ensemble des conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection, d’une façon plus total et plus aisée. Il comporte trois éléments essentiels : le respect de la personne, le bien-être social et le développement du groupe, et enfin la paix, c’est à dire la durée et la sécurité d’un ordre juste. Quand nos communautés arriveront dans la phase de résilience, la société qu’on aura connu avant la crise n’existera plus. Elle va se transformer et ce sera à chaque individu, à chaque communauté, de l’orienter vers le bien commun. Comment ? D’abord en faisant face, ensuite en se posant la question de savoir ce qui a été bien et mal fait, ce qui est améliorable. Si chaque individu et chaque communauté fait remonter les informations, nous n’en serons que meilleurs car nous aurons réussi à tirer les leçons et nous nous sentirons responsables de cette amélioration.

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Covidmilitaire
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