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Depuis quand (et pourquoi) le repos dominical existe ?

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MYCHELE DANIAU / AFP

Thérèse Puppinck - publié le 12/07/20

Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche : voici le début de l’article 2 de la loi du 13 juillet 1906 qui définit, après de nombreux et houleux débats, le jour de repos hebdomadaire. Si personne n’eut jamais l’idée de contester le repos dominical sous l’Ancien Régime, il n’en est pas de même depuis 1789. En effet la Révolution française marque le début d’une contestation récurrente, jusqu’au dernier coup de griffe du mois de mars 2020. Petit retour sur l’histoire du dimanche.

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L’origine du repos dominical est liée au Décalogue : Tu sanctifieras le jour du Seigneur. Si les Juifs sanctifient le samedi, dernier jour de la création, jour du repos de Dieu, les chrétiens choisissent avec logique le dimanche, jour de la résurrection, premier jour de la semaine. L’assistance à la messe empêche de facto le travail, au moins une partie de la journée. Pour les chrétiens, l’assistance à la messe ne suffit pas pour honorer Dieu, et le dimanche est un jour tout entier consacré à la vie spirituelle, à la relation personnelle avec Dieu ; un jour où l’on se préoccupe davantage de son prochain, un jour sans activité rémunératrice. C’est aussi le jour où on ne fait pas travailler les autres, on évite ainsi d’aller faire ses courses le dimanche.

Dès le IIe siècle, le dimanche devient progressivement chômé parmi les chrétiens, et, en 321, l’empereur Constantin fait du dimanche le jour de repos légal au sein de l’Empire romain, ordonnant que « les fonctionnaires et tous les habitants se reposent, et que tous les ateliers soient fermés ».




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Sous l’Ancien Régime, le travail est interdit le dimanche, sous peine de sanctions. Même si ces dernières s’allègent au cours des siècles, le principe de l’interdiction est maintenu et réaffirmé par diverses ordonnances et édits royaux. Bien sûr, les contrevenants existent, ils sont même de plus en plus nombreux, cependant, il est impossible d’obliger quelqu’un à travailler un dimanche. La contestation commence au XVIIIe siècle avec Voltaire et Montesquieu qui réprouvent l’institution d’un jour chômé et dénoncent ses « effets pervers » dans le domaine économique.

Le dimanche remplacé pare le décadi

Au nom de la laïcité, la Révolution française met fin à la tradition pluriséculaire du dimanche. En 1792, le calendrier grégorien est remplacé par le calendrier républicain organisé sur un système décimal : les mois sont tous d’égale durée, divisés en trois décades de 10 jours. Le décadi remplace le dimanche. Le Corps législatif impose le repos décadaire et ordonne que tout ouvrier qui souhaite s’arrêter le dimanche et non le décadi soit renvoyé. À peine promulgué, ce nouveau calendrier entraîne l’incompréhension et le mécontentement de la population. En effet, le nombre de jours fériés sur l’année réduit considérablement et passe à 36 jours, au lieu des quelques 75 jours chômés sous l’Ancien Régime (52 dimanches plus environ 25 jours de fêtes religieuses). Ce changement pose en outre de nombreuses difficultés dans les régions frontalières pour les échanges économiques.


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Par la loi du 18 novembre 1814, Louis XVIII rétablit l’obligation du repos dominical et des jours fériés. Sous la Restauration, l’observation du texte de loi semble avoir été rigoureusement respectée : toute manifestation extérieure d’activité le dimanche est réprimée par les préfets. Après la révolution de 1830, les poursuites se sont de plus en plus rares, cela entraîne une ambigüité dans l’application de la loi et, dans les faits, de plus en plus de magasins sont ouverts le dimanche. Napoléon III réaffirme cependant son caractère obligatoire en 1851, estimant « le repos du dimanche nécessaire à la santé et au développement intellectuel des classes ouvrières ».

La IIIe République abroge le repos dominical

Sous la IIIe République, un mouvement en faveur de l’abrogation de la loi de 1814, et donc du repos dominical, voit le jour. Un projet de loi est déposé dans ce sens à la fin de l’année 1879. L’argumentaire du rapporteur est révélateur de la pensée anticléricale de la nouvelle majorité : tout en approuvant le principe du repos hebdomadaire, il fustige le choix du dimanche, lui reprochant de rendre hommage « à un culte particulier », c’est-à-dire lui reprochant d’être rattaché aux racines chrétiennes de la société. Parmi les opposants à l’abrogation, on retrouve les députés catholiques, royalistes, et de grandes figures comme Victor Hugo et Victor Schoelcher. Cependant, leurs voix ne sont pas entendues et l’obligation du repos dominical est supprimée au printemps 1880, sans être remplacé par un autre jour. Désormais, les patrons sont libres de donner ou non un jour de congé hebdomadaire, n’importe lequel, à leurs salariés.




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Cette initiative anticléricale des républicains français désavantage les entreprises qui accordent un congé hebdomadaire, car elles se trouvent alors en position d’infériorité, en termes de rendement, par rapport aux entreprises qui font travailler les employés 7 jours sur 7. D’autre part, elle place la France très en retard en matière de protection sociale, montrant bien, une fois de plus, que la IIIe République se préoccupe davantage de transformations sociétales que de lois sociales.

Ouvriers et employés, par l’intermédiaire du Conseil supérieur du Travail, réclament le repos dominical. À l’Assemblée nationale, ils sont soutenus par les catholiques sociaux comme Albert de Mun, particulièrement féconds en matière de projets législatifs dans le domaine de la protection sociale. Plusieurs projets de loi sont ainsi rapidement présentés par les députés catholiques, mais toujours refusés. Dans une approche à la fois libérale et anticléricale, les républicains considèrent en effet l’obligation du repos hebdomadaire comme « contraire à la liberté individuelle, contraire à la liberté du travail à la fois du patron et de l’ouvrier. »

Les débats sont une fois de plus relancés en 1906 dans un contexte social particulièrement tendu. Le mécontentement ouvrier est à son comble en raison de la terrible catastrophe de Courrières, le 10 mars 1906, explosion d’une mine de charbon qui fait plus de 1.000 morts. Si les républicains refusent la journée de 8 heures proposée par la CGT, ils sont conscients de l’importance de donner satisfaction à une partie des revendications. Après avoir précisé que le choix du dimanche n’est pas un choix religieux mais sociologique, ils proposent un repos hebdomadaire, mais du dimanche midi au lundi midi. Cette conception particulière du jour de congé empêcherait l’assistance à la messe puisque les messes étaient à l’époque uniquement célébrées le matin, en raison du jeûne obligatoire. La droite catholique attaque avec force ce projet et réussit à faire affirmer le caractère purement dominical du repos.

Ratifiée par le président de la République le 13 juillet, la loi Sarrien sur le repos dominical fait d’emblée l’objet de nombreuses dérogations, malgré les remarques de députés de tout bord, soulignant l’importance d’offrir un jour de repos commun à tous les membres de la famille. L’institution dominicale est aujourd’hui remise en cause par la banalisation dans le cadre du week-end et la pression des impératifs marchands, comme le montre une fois de plus l’arrêté gouvernemental de mars dernier qui autorise le travail dominical pour les entreprises de la logistique. Pourtant, l’expérience humaine valide la sagesse du Décalogue : le repos dominical pour tous correspond parfaitement aux besoins de l’homme et permet de développer les liens de fraternité.

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