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Caritas se prépare à la pire pandémie mondiale de l’histoire

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Silvia Costantini - publié le 29/08/20

Aleteia a rencontré le secrétaire général de Caritas Internationalis, Aloysius John. L'organisation caritative de l'Église catholique se mobilise afin de contribuer à endiguer les famines provoquées par le Covid-19.

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L’urgence sanitaire mondiale provoquée par l’épidémie de Covid-19 donne le vertige. Plus de 24 millions de personnes contaminées, 831.000 morts. Les conséquences économiques du virus sont moins visibles mais tout aussi redoutables. C’est particulièrement vrai dans les pays les plus pauvres, où les conséquences du virus sont tout simplement inimaginables pour des millions de personnes. 

Aleteia : Les conséquences de la pandémie pourraient être encore bien plus complexes et mortelles que le virus lui-même, en particulier pour les communautés les plus vulnérables des pays les plus pauvres. Comment Caritas Internationalis fait-elle face à cette urgence ?
Aloysius John : La première moitié de l’année 2020 a été un cauchemar. Avec le Covid 19, des centaines de milliers de personnes sont décédées dans un monde globalisé. Pris par surprise, les hommes politiques et les scientifiques ont commencé à proposer, et dans certains cas à imposer, plusieurs comportements sociaux : confinement, fermeture des frontières, mesures sanitaires importantes, distanciation sociale sont devenus la norme. La population mondiale est aujourd’hui plus que consciente de l’existence de l’autre et de la menace qu’il peut représenter, en raison de la possibilité de la transmission du virus. La population a abandonné les méthodes de travail habituelles pour en adopter de nouvelles. Le télétravail a pris de l’ampleur dans un contexte plus qu’incertain. Nous ne sommes certains que d’une seule chose : l’avenir est inconnu et nous ne savons pas où le virus nous conduira ! « Le pire n’est pas encore atteint. Le pire, ce sera les conséquences de cette pandémie », a déclaré le pape François à l’occasion de notre rencontre au mois de mars dernier. « Nous devons nous préparer pour l’avenir dès aujourd’hui et cela nous concerne tous », a-t-il insisté.

Les plus pauvres seront les plus affectés et cela aura pour conséquence l’appauvrissement des plus vulnérables.

Nous sommes persuadés que le défi le plus important sera l’impact du Covid-19 et les conséquences de cette pandémie dans l’avenir. Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a déjà annoncé que 300 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire dans un avenir proche. De plus, la croissance des pays en voie de développement sera sérieusement affectée par la crise économique dans le nord. Les activités agricoles sont à l’arrêt en raison des difficultés du travail rencontrées pendant la période de confinement. Les plus pauvres seront les plus affectés et cela aura pour conséquence l’appauvrissement des plus vulnérables. L’accès aux services de base tels que l’assistance médicale et les soins de santé de base sera également un problème majeur. Le Covid-19 doit permettre un nouveau départ avec la prise en charge des plus nécessiteux, leurs besoins fondamentaux étant traités en priorité afin qu’ils puissent vivre avec dignité. 

Quelles sont les activités de Caritas Internationalis pour répondre au Covid-19 ?
Caritas Internationalis, en collaboration avec le Dicastère pour le développement humain intégral, a entrepris un certain nombre d’activités pour répondre au Covid-19. En premier lieu, le Fonds de réponse solidaire au Covid-19 a été créé pour soutenir des projets en faveur des communautés les plus vulnérables dans les pays les plus pauvres, en réponse à l’appel du pape François, afin de témoigner par des gestes concrets de la solidarité de l’Église universelle. À ce jour, environ 30 projets ont été financés. Grâce à ces fonds, les Caritas locales ont mis en place différents types d’activités pour distribuer des soins médicaux, comme des kits d’hygiène, d’articles sanitaires, etc. et des denrées alimentaires, les pauvres ne pouvant avoir accès à la nourriture par manque de moyens et de travail.


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Un autre domaine dans lequel Caritas se concentre aujourd’hui est la promotion d’activités de plaidoyer qui permettraient de faire face à la crise économique de l’après-Covid-19 d’un point de vue de la justice sociale. Aujourd’hui, il est temps d’agir avec conviction, en demandant l’annulation ou la réduction de la dette internationale et en utilisant ces fonds pour le développement des communautés locales. Les organisations confessionnelles, en particulier les centres Caritas, sont bien placées et peuvent avoir un rôle efficace dans la promotion du micro-développement local grâce à ces fonds. Caritas entreprendra des activités de plaidoyer dans ce domaine, en motivant les décisionnaires à s’engager à cet égard.

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Caritas
Aloysius John, secrétaire général de la confédération mondial des Caritas.

Les membres des organisations Caritas ont également contribué à la mise en œuvre de projets bilatéraux d’une valeur d’environ 15 millions d’euros dans différentes parties du monde afin de sensibiliser et de mobiliser des aides immédiates : aides alimentaires, distribution de kits d’hygiène et d’articles sanitaires et autres articles de première nécessité aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables.

Le Covid-19 ne risque-t-il pas d’affecter et d’influencer la réponse humanitaire ?
Si je regarde les trois dernières décennies, il y a trois moments importants qui ont influencé les activités humanitaires. En 1992, le cyclone et les raz-de-marée au Bangladesh ont introduit la préparation aux catastrophes naturelles et, au fil du temps, celle-ci a été intégrée aux activités humanitaires. Ensuite en 2001, avec le tremblement de terre du Gujarat en Inde, on a franchi une étape supplémentaire dans la préparation aux catastrophes et on a mis l’accent sur le lien entre l’aide humanitaire, la réhabilitation et le développement. C’était un pas important notamment pour travailler aux activités de développement dans une perspective différente. Et le troisième moment a été l’expérience du Tsunami qui a frappé les côtes de la Thaïlande en 2004 et qui a permis un grand pas en avant. 

Avec Caritas, vous avez supervisé les opérations après le tsunami en Asie de 2004. Nous sommes maintenant confrontés à une sorte de tsunami mondial. Le Programme alimentaire mondial prévoit que le nombre de personnes au bord de la famine doublera à la suite du Covid-19 et pourrait atteindre 230 millions de personnes. Quels sont les enseignements que vous avez tirés du tsunami et qui vous aideront à faire face à la situation actuelle ?
L’expérience du tsunami a été importante. Elle a été une synthèse de tout ce qui avait été entrepris depuis le début des années 1990 et qui nous avait amené à réfléchir à la réduction des risques de catastrophe. L’expérience du tsunami a permis en outre de mettre en œuvre une action adaptée aux besoins des populations. Elle a fait comprendre l’importance de renforcer les protagonistes locaux. Aujourd’hui, le Covid-19 nous fait franchir une étape supplémentaire. Il met en évidence la nécessité de renforcer les capacités des acteurs locaux dans le pays du Sud et d’établir une relation de confiance. Cette catastrophe va certainement accélérer le plan de localisation, dans lequel les Caritas locales seront habilités à mettre en œuvre des projets et à agir avec des moyens appropriés. 


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On est maintenant conscient que la réponse aux catastrophes ainsi que les projets de développement ne peuvent être l’invention des pays du Nord. D’autre part, le Covid-19 a également fait comprendre que la réponse aux catastrophes doit être entreprise dans un esprit de co-responsabilité. Il faut donner priorité aux acteurs locaux qui doivent être rendus autonomes afin qu’ils développent et mettent en œuvre leurs propres projets, en associant les communautés locales. 

L’avenir de la logique humanitaire sera différent : on donnera plus d’espace aux pays du Sud afin qu’ils jouent leur rôle légitime. Cela amènera également les acteurs humanitaires traditionnels des pays du Nord à redéfinir leur rôle dans ce nouveau paradigme de partenariat. La réponse au Covid-19 nécessitera davantage de moyens et de volonté politique pour faire face à la pandémie, mais malheureusement les moyens disponibles sont loin d’être suffisants et il est nécessaire d’aider les organisations, dont Caritas, pour soutenir les plus vulnérables.

Comment avez-vous décidé de donner votre vie au service de nos frères et sœurs à travers Caritas ? Pouvez-vous nous parler de votre appel à aider les autres ?
C’est une question complexe. Tout remonte à la fin des années 1970. C’était en 1977, à Vijayawada, une ville de l’Andhra Pradesh en Inde, qui avait été touchée par une tempête suivie de raz-de-marée et le nombre de morts avait été assez élevé. Certains de mes amis étaient allés aider les plus pauvres. Le père Ceyrac, un jésuite français que je connaissais bien, était en première ligne pour organiser un soutien aux victimes. Sa motivation pour agir était la suivante : « Comment une personne humaine peut-elle trouver le bonheur et l’épanouissement quand son frère se trouve dans la souffrance et la tribulation ? ». Les mots qui le guidaient étaient « compassion, service, responsabilisation ». Un jour, en 1978, je l’ai rencontré et nous avons discuté pour trouver une réponse à apporter à la ville de Vijayawada. Il m’a expliqué ce qui suit : « Le désir de servir vient de la compassion. Par le service, nous apprenons l’autonomie à celui qui est servi. Une fois que la personne est responsabilisée, nous constatons qu’elle réalise que la dignité lui est due ». Cela me guide toujours dans ma mission au sein de Caritas

C’est la rencontre avec les plus démunis, la rencontre avec ceux qui sont laissés sur le bord de la route de la société qui a nourri mes valeurs et a donné un sens à ma foi.

En 1980, j’ai rejoint un centre Caritas à Chennai, en Inde, pour aider les plus pauvres parmi les pauvres, les lépreux et leurs enfants. Le slogan de ce centre était le suivant : « Personne n’a le droit d’être heureux seul ». Cette réflexion m’a aidé à aller vers les plus pauvres et à les servir. C’est la rencontre avec les plus démunis, la rencontre avec ceux qui sont laissés sur le bord de la route de la société qui a nourri mes valeurs et a donné un sens à ma foi. Je peux dire que la rencontre avec les pauvres mène à la conversion et à la transformation de nous-mêmes et de nos comportements. Le service aux frères les plus nécessiteux est devenu une partie intégrante de ma foi et, aujourd’hui encore, il anime et conditionne mon comportement professionnel.

Quel a été le moment le plus émouvant de votre vie au service de Caritas ?
Les moments les plus émouvants dans mon service à Caritas, c’est quand je vois que les communautés qui ont été aidées deviennent autonomes et libérées. On y ressent un sentiment d’accomplissement, car la communauté a trouvé sa dignité humaine et les membres peuvent vivre pleinement leur vocation d’êtres humains. L’expérience la plus émouvante a été le développement des tribus Chakma dans le Chittagong Hill Tract au Bangladesh. J’ai soutenu ce projet avec Caritas Bangladesh de 1989 à 1994-95. J’ai rencontré ces communautés à de nombreuses reprises et j’ai pu constater leur croissance et leur développement concrets. 

Quelle est la valeur ajoutée de Caritas ? Comment Caritas fait-elle la différence dans le monde d’aujourd’hui ?
Caritasest bien plus qu’une ONG. C’est une organisation au service de l’Église avec une vision claire. Le pape Benoît XVI a écrit un jour : « Le travail de la charité fait partie intégrante des trois missions de l’Église catholique. La liturgie, la proclamation de l’Évangile et le travail de la charité sont interdépendants ». Le travail de la charité est la mission confiée à CaritasLe but de cette mission confiée par l’Église est de servir, d’accompagner, de défendre et d’exprimer la solidarité et l’amour par des actions concrètes sous forme de projets ou d’autres activités. C’est exactement ce que nous faisons pour répondre au Covid-19.




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