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Jusqu’où ira l’extension du domaine de la loi ?

ASSEMBLEE NATIONALE FRANCE

Lionel BONAVENTURE / AFP

Guillaume de Prémare - publié le 08/03/21

Quand les moeurs ne suffisent plus à structurer normalement la vie d’une société, c’est la loi qui prend le relais, de manière de plus en plus contraignante.

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« L’homme est un animal social » dit Aristote (Politique 1, 2), et c’est parce qu’il vit en société qu’il a besoin d’être policé, c’est-à-dire d’être « discipliné », « réglementé », de voir ses mœurs « adoucies et affinées par des institutions adaptées, par la culture et la civilisation ». Pour « se policer », une société digne de ce nom maintient alors un certain équilibre entre les lois et les mœurs, les mœurs désignant les manières de vivre portées par une culture commune, avec ses rites, ses us et coutumes. Mais lorsque les mœurs décroissent dans leur capacité à insuffler ce qu’il faut de savoir-vivre, alors la loi s’accroît. Nous vivons aujourd’hui ce mouvement liberticide de décroissance des mœurs et d’accroissement du domaine de la loi, des décrets, des règlements et des normes.

L’ère des masses

Cependant, la crise culturelle et éducative ne suffit peut-être pas à expliquer cette tendance de notre temps. Frank Herbert, l’auteur du célèbre roman de science-fiction Dune (1965), disait : « Au-delà d’un point critique dans un espace fini, la liberté décroît comme s’accroît le nombre. Cela est aussi vrai des humains dans l’espace fini d’un écosystème planétaire que des molécules d’un gaz dans un flacon scellé. » Ainsi, les libertés reculeraient mécaniquement sous l’effet du nombre. Il est vrai que nous vivons l’ère des masses : une société moderne n’est plus vraiment une addition de villages mais un immense village en elle-même ; et l’on parle même aujourd’hui d’un « village-monde ». Dans cette ère des masses, nous finissons par nous demander si l’homme est un animal social ou du « bétail » social… 

L’accélération extraordinaire de la technologie produit un effet mécanique d’extension continue du contrôle des masses et de recul des libertés.

Par exemple, la Chine a mis en place un permis civique à points, un « programme de crédit social basé sur la collecte d’informations sur les réseaux sociaux et des caméras de surveillance » à reconnaissance faciale. Est-ce l’effet du nombre de Chinois ou de la nature totalitaire du régime chinois ? Ou les deux ? Ce qui est frappant dans cette affaire, ce n’est pas seulement l’ampleur de ce contrôle civique, mais aussi son extraordinaire sophistication technologique. Nous vivons un temps où, en Chine comme ailleurs, l’état de la technique permet cela… 

L’accélération de la technologie

C’est ici que se présente peut-être une autre hypothèse, qui viendrait compléter celle de Frank Herbert : l’accélération extraordinaire de la technologie produit un effet mécanique d’extension continue du contrôle des masses et de recul des libertés. D’une certaine manière, ceux qui ont la charge de policer les individus — c’est-à-dire aujourd’hui bien davantage l’État que les familles et les communautés naturelles — ne peuvent résister à la tentation de s’appuyer sur l’extraordinaire sophistication des moyens de contrôle, particulièrement les technologies numériques et les bases de données.


homme technologie

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Si nous n’y prenons garde, la crise sanitaire peut constituer un accélérateur de ce phénomène. Emmanuel Macron a évoqué la mise en place d’un « pass sanitaire », notamment par des moyens numériques, prévoyant un enregistrement pour accéder à certains lieux ainsi qu’une exigence de test négatif au Covid-19 ou une vaccination. Le président de la république explique que la mise en œuvre d’un tel instrument « va poser beaucoup de questions techniques, de respect des données individuelles, d’organisation de nos libertés », « il faut [la] préparer dès maintenant techniquement, politiquement, juridiquement ».

Hyper-normativité

L’enjeu sanitaire peut ainsi constituer une étape décisive dans l’aboutissement d’une société d’hyper-normativité. Déjà aujourd’hui, tandis que « nul n’est censé ignorer la loi », le nombre de lois, de décrets, de règlements et de normes rend en quelque sorte inaccessible —  et de trop haute vertu — de pouvoir les respecter tous, toujours, en tout lieu, quelles que soient les circonstances… Ajoutez à cela le traçage numérique des citoyens, la tendance contemporaine à la sacralisation de la loi, du règlement et de la norme, ajoutez encore la pression morale pour « sauver des vies » ; et vous créez alors une société où les vertus civiques se confondent avec une exigence sociale de  conformation à la norme… Vous vivez alors dans une société invivable… du moins pour une partie de la population.

Il y aura en effet toujours une proportion de citoyens, le quart ou le tiers, peut-être davantage, qui refusera de vivre sous un tel étouffoir et qui aura tendance à faire sécession d’une société jugée invivable au sens où ils conçoivent une vie humaine authentique.

Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 3 mars 2021.


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