Le droit de la filiation français s’apprête à vivre l’un de ses plus gros bouleversements. Le projet de loi bioéthique adopté par les députés dans la nuit de mercredi à jeudi 10 juin, est souvent réduit à l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Mais au-delà de cette mesure sociétale, c’est un chamboulement du droit français de la filiation qui s’annonce. En voici les nouveaux contours.
Principe de “vraisemblance biologique”
La filiation est établie, à l’égard de la femme qui accouche, conformément à l’article 311-25, c’est-à-dire par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. Elle est établie, à l’égard de l’autre femme, par une reconnaissance anticipée conjointe. En d’autres termes, la mère biologique voit sa filiation reconnue par l’accouchement tandis que pour la conjointe, il s’agit d’une filiation reconnue par un acte signé devant notaire.
En ouvrant la possibilité d’une double filiation maternelle, fondée sur la volonté, le texte de loi bouleverse une réalité humaine fondamentale, celle de la double filiation paternelle et maternelle. Jusqu’à présent, le principe de “vraisemblance biologique” prévalait. Deux types de filiation vont désormais cohabiter : celui de la “vraisemblance biologique” pour les couples hétérosexuels, et celui de la volonté, traduite par une reconnaissance anticipée conjointe, pour les couples de femmes.
Une fois la PMA avec tiers donneur effectuée et la reconnaissance anticipée conjointe déposée devant notaire, la conjointe peut-elle se rétracter ? “Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant”, précise le projet de loi bioéthique.
Pour les couples de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger avant la publication de cette loi, ils peuvent faire, devant le notaire, “une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché”, indique le texte. “Cette reconnaissance établit la filiation à l’égard de l’autre femme”.