Logrogne, 951. En cette journée glaciale de janvier, un chariot et son escorte prennent le chemin de l’Aquitaine. Mais au lieu d’admirer les paysages du nord de l’Espagne, l’évêque Godescalc ne peut détacher son regard de sa dernière acquisition : une copie du manuscrit De Virginitate de saint Ildefonse. Ce traité défendant l’éternelle virginité de la sainte Mère de Dieu a été recopié par le moine Gomez. Ce dernier lui en a fait cadeau lors de son passage à l’abbaye Saint-Martin d’Albelda, à son retour de Saint-Jacques-de-Compostelle. Car oui, Godescalc s’est rendu depuis le Puy-en-Velais, dont il est l’évêque, en Espagne pour aller se recueillir sur les reliques de l’apôtre du Christ.
On ne sait pourquoi au milieu de l’année 950, l’évêque du Puy-en-Velay décide de se rendre en Galice. C’est un homme d’influence, respecté des comtes d’Auvergne et qui œuvre pour la paix en Aquitaine lors des conflits politiques. Selon le besoin, il se fait notaire, médiateur ou conseiller des gouverneurs de la région.
Peut-être veut-il profiter du répit dans la région pour entreprendre ce pèlerinage ? Est-ce la visite de Mayeul de Cluny au Puy la même année qui l’a inspiré ? Certains osent croire que c’est le saint homme qu’il y a poussé. Selon les écrits de Gomez, Godescalc s’y rend pour « implorer humblement la miséricorde de Dieu et le suffrage de l’apôtre Jacques. » Mais nul historien ne peut le confirmer.
L’héritage de Godescalc
Toutefois, Saint-Jacques-de-Compostelle semble tenir à cœur à l’évêque. Il serait né un 25 juillet, jour de la fête du martyre de saint Jacques. Il aurait également été ordonné prêtre à la même date. Ceci pourrait expliquer ce désir de se rendre à Compostelle. Pour s’y rendre, son cortège est pour le moins impressionnant. Outre les membres du clergé qui l’accompagnent, on peut y voir troubadours, pages, seigneurs et, bien entendu, des gens d’armes.
Sur le chemin du retour, Godescalc obtient le fameux manuscrit de saint Ildefonse. Les livres à l’époque sont rares et considérés comme de véritables trésors. Surtout lorsqu’il s’agit d’écrits de saints. Ce manuscrit se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France.
À l’été 962, Godescalc bénit et pose la première pierre de la fameuse chapelle Saint-Michel. Celle-ci domine encore aujourd’hui le Puy-en-Velay depuis le mont Aiguilhe. L’évêque s’éteint malheureusement en décembre de la même année, sans savoir qu’il laisse derrière lui un grand présent aux chrétiens de France : la via Podiensis.
Il faut attendre le XVe siècle avant que les pèlerinages ne prennent un caractère officiel. Parmi les quatre chemins de France pour entreprendre le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle, la via Podiensis est le premier et le plus emprunté. Et sans surprise, il part du Puy-en-Velay. En 1548, la fameuse place du Plot est construite pour marquer le lieu de départ du pèlerinage.
En somme Godescalc a ouvert la voie de Saint-Jacques-de-Compostelle pour des millions de pèlerins, français et autres. Voilà d’où le fervent évêque tient son titre de “premier pèlerin”.