Le père George Zabelka a été témoin de l’un des évènements le plus tragiques de l’histoire. Début 19545, il est le soutien spirituel des hommes de la 509th Composite Group, l’unité de l’US Air Force en charge du déploiement de la bombe atomique au Japon. Il espère guider vers la Bien ceux qui lui sont confiés et qui désirent faire du mieux qu’ils peuvent. S’il n’est pas militariste, le chapelain estime comme de nombreux contemporains, que l’usage de la bombe atomique est acceptable pour mettre fin au conflit mondial. C’est pourquoi, il donne la bénédiction du Seigneur à ceux qui s’apprêtent à larguer Little Boy and Fat Man les 6 et 9 août 1945. Les deux bombes au nom de code innocent vont causer la mort de plus de 140.000 personnes.
Plusieurs jours après l’opération militaire, le prêtre entend le récit d’horreur que fait l’un des aviateurs qui a largué “Fat Man”. Ses certitudes sont ébranlées. Plus encore quand il apprend que Nagasaki, un des poumons spirituels de l’Église du Japon, a été frappée par l’arme atomique, c’est le déchirement. Le prêtre se rend compte qu’il a encouragé des frères à tuer d’autres frères en Christ.
Un cœur brisé et humilié
“J’ai vu le Boxcar, piloté par un bon catholique irlandais, lâcher la bombe sur la cathédrale d’Urakami à Nagasaki. Je savais que saint François-Xavier avait apporté la Bonne Nouvelle, là, des siècles auparavant. J’ai su que des écoles, des églises, des congrégations religieuses allaient être réduites à néant. Et pourtant, je n’ai rien dit”, a-t-il raconté en 1985. Si sur le coup le père George garde le silence, son déchirement le remplit de regrets. Il se rend au chevet des rescapés, assiste ceux qui agonisent. Il décide alors de rester au Japon pour servir les habitants de l’ancien ennemi de son pays.
En tant que chapelain de la Air Force, j’ai peint dans les mains de paix du Christ, une mitraillette, puis j’ai partagé cette image perverse au reste du monde comme une vérité. J’ai été le canal ultime qui a communiqué une idole, une fausse image de Jésus aux aviateurs de l’Enola Gay et du Boxcar.
C’est toute sa vie qu’il va finalement consacrer à un apostolat de paix. En conférences ou lors de rencontres internationales, George est un ouvrier infatigable. Il veut éclairer les consciences sur le pouvoir mortifère des bombes atomiques. En 1984, le prêtre alors âgé de 69 ans se rend en pèlerinage à Hiroshima. Il visite à cette occasion les Hibakushas –nom donné aux survivants de la bombe atomique– et leur demande pardon. Quand il arrive au mémorial de la paix il s’agenouille, “face contre terre”. “J’ai prié pour demander pardon pour moi-même, mais aussi pour mon pays, pour mon église”. Il ouvre aussi son cœur aux survivants japonais qui lui demandent pardon pour l’attaque de la base américaine de Pearl Harbor.
Plus de 70 ans après la fin de Seconde Guerre mondiale, son témoignage résonne encore. Dans son encyclique sur la fraternité humaine, le Pape a d’ailleurs cité les paroles du père George Zabelka : “Nous ne pouvons plus envisager la guerre comme une solution parce que ses risques surpasseront toujours les bénéfices qu’elle est supposée apporter”.