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Le libre choix de l’équilibre intérieur

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HOLY FAMILY

Bartolomé Esteban Murillo | Public Domain

Jean-François Thomas, sj - publié le 17/09/21

Entre ceux qui se consacrent aux "affaires" et ceux qui se perdent dans les écrans de la fête permanente, il reste peu de personnes à demeurer dans l'intelligence du concret et l'équilibre intérieur.

Les temps actuels ne facilitent guère l’équilibre personnel de beaucoup, touchés de plein fouet, perturbés par la situation économique, politique, sanitaire, inquiets même au sein de l’Église, isolés et déstabilisés à cause de problèmes familiaux ou affectifs. Il faut dire que tout semble s’unir pour ébranler les âmes et les esprits. Bien des époques de notre histoire furent terribles et catastrophiques, mais, malgré tout, certaines parties de l’édifice tenaient bon et des phares continuaient de briller dans les ténèbres. Aujourd’hui, beaucoup ne savent plus à quel saint se vouer, selon l’expression populaire. La simple solidarité humaine, le soutien d’une communauté ont été aussi menés à mal et beaucoup se retrouvent enserrés dans les filets d’une solitude conduisant à la folie et à la mort.

Des maux nouveaux

Les psychiatres, psychanalystes et psychologues font le plein. Mais praticiens ordinaires et classiques notent aussi à quel point nombre de leurs patients sont affectés par des maux nouveaux, touchant l’esprit. Les réponses médicales ne sont pas la panacée universelle et elles ont désormais montré leurs limites. Lorsque quelqu’un est saisi de bouffées délirantes, le médicament va certes calmer mais non point guérir. Comment raison garder dans une société où les pressions et les interdictions de toutes sortes s’assortissent d’une permissivité morale qui conduit l’individu à ne plus savoir s’il existe un bien ou un mal ?

Le bien édicté par les différents pouvoirs n’est plus celui de la Révélation, ou même celui du bien commun propre à la cité grecque dans l’Antiquité. Il est le produit artificiel, malléable, manipulateur de ceux qui imposent leur programme pour leur propre intérêt idéologique. L’écrivain Philippe Muray a admirablement décortiqué cette toile de l’empire du bien, mais un bien dénaturé et, depuis ses vues prophétiques, la machine n’a fait qu’accélérer son rythme.

Une mentalité uniformisée

Depuis maintenant un an et demi, les mérites du télétravail n’ont pas cessé d’être exaltés. Cependant, combien de personnes, condamnées à être esclaves d’un écran, en ressentent les effets dévastateurs ! Des études sérieuses ont beau prouver que le développement cognitif des enfants en bas âge est sérieusement affecté par la situation sanitaire, par le fait de ne plus avoir de relations normales avec les êtres et le monde, les autorités politiques emboîtent le pas à leurs inspirateurs économiques pour imposer des écrans comme moyen de communication les uns avec les autres, isolant ainsi les hommes et en tirant profit car, ainsi, le risque de rébellion, de révolte, est moindre.

Il est tellement facile de donner ainsi forme à une mentalité uniformisée puisque nourrie par les messages incessants et répétés sur les dits réseaux. L’écran est lisse et la pensée, si pensée subsiste, devient lisse également. Rien de plus pratique pour créer du consensuel car l’écran est silencieux, flatteur, convivial comme on dit. Chacun se cache derrière lui, invisible, mais pour mieux regarder, en voyeur, le reste du monde, soigneusement découpé en tranches, aseptisé, censuré par les propriétaires de ces nouveaux moyens techniques.

Tout est dégoulinant, au nom d’un amour qui est l’antithèse de celui prêché par le Christ, de celui qui découle de son Cœur transpercé.

Les âmes sont perdues, après ou avec les esprits, car elles baignent dans un monde arc-en-ciel d’où toutes les autres couleurs ont été soigneusement évacuées. Les fins dernières, qui ont permis à des générations sur des siècles, à affronter la mort, à se préparer, à réfléchir sur le sens des choses et de la vie, sont désormais au placard pour la plupart. Les funérailles elles-mêmes ne sont plus que des occasions d’hommages d’où les moindres aspérités sont rabotées. Tout est dégoulinant, au nom d’un amour qui est l’antithèse de celui prêché par le Christ, de celui qui découle de son Cœur transpercé.

Le règne du Sacré Cœur n’est point de guimauve, de consensus, de médiocrité, un règne qui ne produiraient que des muets, immense troupeau ruminant, et quelques rebelles, vite muselés. Ce règne est celui qui permet aux esprits et aux âmes de ne point vivre dans l’angoisse permanente, dans la passivité, dans l’hédonisme mortellement ennuyeux. Nous n’avons rien appris de la décadence de l’Empire romain, pourtant bien lente mais nourrie de pain et de jeux. Nous baignons toujours dans un culte identique pour l’uniformité, les loisirs, l’état de clients assistés vis-à-vis de maîtres condescendants et perversement généreux.

L’équilibre intérieur

Alors que la cellule familiale bisexuée explose de part en part, volontairement remplacée par les groupes décomposés et recomposés au gré des genres et des identités sexuelles interchangeables, que reste-t-il donc à ceux qui, plus vulnérables, se retrouvent uniquement confiés aux mains de la nouvelle technique et des idéologies matérialistes ? Ne demeure que le refuge de la dépression, de la démission, de l’oubli dans des excès. Lorsque nous contemplons un tableau tel celui de Murillo représentant la Sainte Famille, qui pourrait être n’importe quelle famille chrétienne de son époque, nous sommes aussitôt habités par la nostalgie face à un monde perdu. La joie simple y règne. Pourtant, l’oisillon dans la main de l’Enfant Jésus est aussi un symbole de la Passion qui l’attend. Il n’empêche qu’une telle atmosphère, si éloignée de ce que nous impose maintenant les écrans, nous donne aussitôt l’impression vraie d’un équilibre des êtres en présence et aussi du monde qui les entoure, même si les adversités n’en sont point effacées.

Ce n’est pas en meuglant que la paix intérieure peut être recouvrée. Tonitruer ne fut point le style de Notre Seigneur dans sa prédication. Notre monde hurle car il a hérité du hurlement de haine et de terreur des démons. Il hurle car il ne sait plus parler, car il ne sait plus contempler, car il ne sait plus prier. Il galope dans la fête, et aussi dans les lendemains qui déchantent, et dans le présent contrôlé par les suppôts de Satan. Honoré de Balzac avait vu se dessiner le mariage forcé de ce que l’humain a de plus peccamineux avec l’illusion d’un Bien désincarné et construit par l’être humain. Il écrit par exemple (Le Faiseur) :

« Comme jamais, il n’y a plus de positif dans les affaires, on a senti le besoin de l’idéal dans les sentiments. Ainsi moi, je vais à la Bourse et ma fille se jette dans les nuages. »

Entre ceux qui se consacrent aux « affaires » et ceux qui se perdent dans des « nuages » colorés, il reste peu de personnes, de nos jours, à demeurer in gamba, comme disent les Italiens avec cette belle expression qui recouvre à la fois l’intelligence pratique et l’équilibre intérieur.

Se protéger

Le devoir de chacun est de se défendre contre une telle dénaturation de ce que nous sommes. Certes, le chrétien est plus armé que d’autres, puisque, depuis deux mille ans, l’Église n’a cessé de l’avertir sur les ruses du Malin qui rôde comme un lion autour de sa proie, pour reprendre l’image utilisée par saint Pierre. Cependant, être averti ne signifie pas être protégé car la protection dépend de l’attitude libre de chacun. Si nous essayons de vivre les commandements et les préceptes évangéliques, si nous mettons en pratique les vertus, si nous prenons au sérieux la vérité et la charité, si nous nous nourrissons des sacrements et de la prière, sans oublier la pénitence et les sacrifices, nous serons nécessairement mieux armés pour résister aux pressions et pour ne pas nous laisser recouvrir par les sucreries anesthésiantes et empoisonnées du moment. Et, également, il ne faut pas oublier de tendre la main à ceux qui sombrent et qui appellent au secours. Bref, choisir, comme toujours, la voie de la perfection à la suite du Christ, être un saint.

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