Plus de 58 ans ont passé depuis la dernière visite d’un président catholique américain au Vatican. Le 2 juillet 1963, quelques mois avant son assassinat, le président John F. Kennedy, lui aussi démocrate, avait été reçu par le pape Paul VI au Palais apostolique. Second président catholique de l’histoire des États-Unis, Joe Biden effectue sa première visite au Vatican en tant que 46e président, quatre ans après le déplacement de son prédécesseur Donald Trump.
Néanmoins, le président actuel est déjà venu à plusieurs reprises au Vatican avant d’entrer à la Maison Blanche. En 1980, bien que jeune sénateur de 37 ans et inconnu du grand public, il passe 45 longues minutes avec le pape Jean Paul II. En 2011 c’est en tant que vice-président de Barack Obama qu’il rencontre Benoît XVI, une audience intense qu’il avait décrite comme “un cours de théologie”.
En 2016, pendant son second mandat de vice-président, il avait été réconforté par le pontife après le décès, quelques mois auparavant, de son fils Beau. Il y a quelques mois, au moment de s’installer dans la Maison Blanche, c’est un portrait du pontife argentin que Joe Biden avait choisi pour orner le fameux bureau ovale.
Des convergences importantes
Pour la Maison Blanche, la visite sera l’occasion de mettre en avant les convergences des diplomaties vaticanes et américaines sur un certain nombre de sujets : la fin de la pandémie du Covid-19, la crise climatique ou encore le soin des pauvres. L’exemple le plus flagrant ces derniers mois est la question de la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19. Le pontife avait encouragé Joe Biden à agir en ce sens et ce dernier avait alors décidé de lever temporairement les brevets en mai dernier.
Par ailleurs, à la veille de l’ouverture de la COP26 à Glasgow, le pape François devrait trouver en son homologue américain un allié dans la lutte contre le réchauffement climatique. Joe Biden s’est en effet illustré par son choix de réintégrer les accords de Paris sur le climat dès sa prise de fonction.
Plus largement, Joe Biden compte aborder les questions qui portent sur la “dignité humaine”, preuve qu’il maîtrise les éléments de langage du Saint-Siège. Éduqué par des religieuses, pas avare en citations bibliques dans ses discours et très pratiquant, Joe Biden a aussi confié avoir envisagé, dans sa jeunesse, d’embrasser le sacerdoce. Son catholicisme revendiqué est néanmoins à l’origine d’importantes dissensions au sein de l’Église catholique aux États-Unis notamment en raison de son désaccord assumé à propos du mariage homosexuel et de l’avortement.
La cohérence eucharistique
Depuis son élection, une partie de l’épiscopat a relancé le débat – ancien – de la “cohérence eucharistique”. Celui-ci oppose ceux qui refusent la communion aux candidats catholiques qui ne soutiennent pas la doctrine – et donc à Joe Biden – à ceux qui prônent une approche pastorale, plus ouverte.
La direction de la Conférence des évêques des États-Unis, dirigée par l’archevêque de Los Angeles Mgr José Gomez, semble pencher pour la première position et a poussé pour une clarification doctrinale. D’autres évêques, guidés par les cardinaux américains Joseph Tobin (Newark) et Blase Cupich (Chicago) ont dénoncé la politisation du débat par une branche conservatrice de l’Église.
Ces derniers mois, Joe Biden et le pape François ont au contraire semblé vouloir s’extraire de cette polarisation. Le président américain, tout en assumant son hétérodoxie, a récemment affirmé “respecter” la position catholique sur le sujet et fait un geste vis-à-vis du Vatican en nommant un ambassadeur près le Saint-Siège “pro-vie”. Interrogé sur la question en septembre dernier, le pape François n’a pour sa part pas semblé vouloir s’impliquer mais a néanmoins critiqué les “dénonciations et condamnations non pastorales” employées pour combattre les défenseurs de l’avortement.
Pas un alignement complet
Outre cette thématique très médiatisée, le Saint-Siège et les États-Unis pourraient trouver matière à discuter sur certains sujets importants, à commencer par la question chinoise. L’administration Biden semble s’être alignée sur celle de Donald Trump qui avait entamé un bras de fer avec la Chine et voyait d’un mauvais œil l’accord sur la nomination des évêques signé par le Vatican et la Chine en 2019. Une question qui a d’ailleurs été évoquée lors de la visite du Secrétaire d’État Anthony Blinken en juin dernier. L’approche de ce dernier s’était toutefois avérée beaucoup moins frontale que celle de son prédécesseur Mike Pompeo.
Autre zone grise diplomatique, la question des migrants, sur laquelle Joe Biden semble avoir en théorie une approche similaire à celle du pontife. Néanmoins, sa gestion de la frontière mexicaine ces derniers mois a été largement critiquée, notamment par certains prélats catholiques américains, tel Mgr Edward Weisenburger, évêque de Tucson.