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Spiritualité
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Face à la tentation, l’esquive par la grâce

La tentation de saint antoine

© Matthias Grünewald, CC BY 2.0

La tentation de saint Antoine par Grunewald.

Jean-François Thomas, sj - publié le 03/11/21

Face à la tentation, le raidissement et le mépris de soi sont des pièges tendus par le démon qui guette le découragement du pécheur. Il vaut mieux, conseille le père Jean-François Thomas, assouplir sa volonté dans les mains de Dieu.

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Il n’existe pas de vie intérieure sans tentation plus ou moins impérieuse. Cette dernière n’est pas limitée au domaine sensuel puisque des êtres très purs charnellement peuvent être des monstres dans d’autres domaines et les anges déchus, qui n’ont point de corps, ont péché contre Dieu en cédant à l’orgueil démoniaque. Le combat contre les tentations est une expérience commune, universelle, sauf si l’homme décide de céder le terrain une fois pour toutes à ses instincts et à des besoins compulsifs. La vigilance est donc de chaque instant et ne permet aucune faille, d’où la facilité avec laquelle même les âmes les plus enracinées sont secouées par chaque attaque. 

La tentation de saint Antoine

La place accordée aux récits de cette lutte spirituelle dans les Apophtegmes des Pères du désert des premiers siècles ou dans la Vie de saint Antoine le grand par saint Athanase d’Alexandrie est considérable et prouve bien que le problème fut, depuis les origines, un des soucis majeurs des chrétiens attachés à pratiquer les vertus évangéliques. Dans la célèbre Légende dorée de Jacques de Voragine rédigée dans les années 1260, il est rapporté ceci à propos de saint Antoine, le père des moines :

« Alors qu’il était caché dans un tombeau, une multitude de démons le battit avec une telle violence que celui qui lui apportait à manger le transporta comme un mort sur ses épaules : tous ceux qui s’étaient rassemblés pleuraient son trépas, mais Antoine reprit vie aussitôt en présence des assistants désolés, et se fit reporter dans le même tombeau par son serviteur. Comme il était étendu par terre à cause de la douleur de ses blessures, il provoquait encore par force d’esprit les démons à de nouvelles luttes. Alors ceux-ci lui apparurent sous différentes formes de bêtes féroces, et le déchirèrent à coups de dents, de cornes et de griffes. Mais tout à coup, apparut une clarté admirable qui mit en fuite les démons, et Antoine fut guéri sur le champ. Ayant reconnu que Jésus était là, il dit : Où étiez-vous, bon Jésus ? Où étiez-vous ? Que n’étiez-vous ici dès le commencement pour me prêter secours et me guérir de mes blessures !” Le Seigneur lui répondit : “Antoine, j’étais ici, mais je restais te regarder combattre ; or, maintenant que tu as lutté avec vigueur, je rendrai ton nom célèbre dans tout l’univers”. »

La tentation n’est pas péché

Ainsi, même les attaques les plus rudes peuvent cesser si la volonté ne cède pas à l’assaut des sens et accueille la grâce. La tentation n’est pas péché. Bien au contraire, elle est nécessaire pour mettre à l’épreuve la qualité de notre amour de Dieu et elle nous aide à purifier nos attachements et nos habitudes en nous permettant de découvrir ce qui risque de devenir une seconde nature et de nous détourner des biens surnaturels.

En nous, demeure toujours quelque chose de plus fort que la chute, à savoir la grâce à laquelle nous pouvons nous raccrocher à chaque instant, au dernier moment.

Certains diront que seuls les saints et les ascètes peuvent résister et que la plupart d’entre nous n’est pas suffisamment solide pour s’exposer ainsi sur le champ de bataille. Les filets du sensible nous retiennent souvent comme des proies et nous nous habituons à une sorte de fatalité qui, pour le coup, n’est guère chrétienne. N’oublions jamais les mots de saint Paul : 

« Nous savons que la loi est spirituelle, et moi je suis charnel, vendu comme esclave au péché. Aussi ce que je fais, je ne le comprends pas ; car le bien que je veux, je ne le fais pas, mais le mal que je hais, je le fais. Or si je fais ce que je ne veux pas, j’acquiesce à la loi comme étant bonne. Ainsi ce n’est plus moi qui fais cela, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. En effet, le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne l’y trouve pas. Ainsi le bien que je veux, je ne le fais point ; mais le mal que je ne veux pas, je le fais. Si donc je fais ce que je ne veux pas, ce n’est pas moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi » (Rm 7,14-20). 

Notre tentation face à la tentation

Ne serions-nous pas totalement responsables de notre péché ? Non bien sûr, mais les circonstances sont atténuantes car, en nous, demeure toujours quelque chose de plus fort que la chute, à savoir la grâce à laquelle nous pouvons nous raccrocher à chaque instant, au dernier moment. La fragilité qui est en nous est celle des sens mais la force de la volonté éclairée par la grâce peut renverser la vapeur. Point besoin d’être un anachorète confit en macérations pour cela. Tout chrétien est revêtu de cette cuirasse. Tout au moins, tout chrétien a reçu cette cuirasse en héritage. À lui de l’endosser lorsque la chair essaie d’endormir ou de vaincre l’âme. Les paroles de l’apôtre devraient nous encourager et nous empêcher de désespérer lorsque nous considérons que le combat n’est pas à armes égales. En fait, nous sommes mieux équipés que l’adversaire.

Notre tentation face à la tentation — car le Malin est rusé et nous empêtre dans un écheveau sans fin — est de nous cabrer, de nous raidir, pensant ainsi que, aussi résistant que l’acier le mieux trempé, nous pourrons transpercer celui qui nous assaille. Or il n’en est rien, car une vague déferlante ne s’affronte pas de face mais en l’esquivant par en-dessous si cela est possible. Dans ses Dialogues des carmélites, Georges Bernanos fait ainsi parler la prieure, sur le point de mourir avant que ses religieuses ne soient emportées par la Révolution, conseillant la jeune et innocente novice Blanche de la Force : 

« Mon enfant, quoi qu’il advienne, ne sortez pas de la simplicité. À lire nos bons livres, on pourrait croire que Dieu éprouve les saints comme un forgeron une barre de fer pour en mesurer la force. Il arrive pourtant aussi qu’un tanneur éprouve entre ses paumes une peau de daim pour en apprécier la souplesse. Oh ! ma fille, soyez toujours cette chose douce et maniable dans Ses mains ! Les saints ne se raidissaient pas contre les tentations, ils ne se révoltaient pas contre eux-mêmes, la révolte est toujours une chose du diable, et surtout ne vous méprisez jamais ! Il est très difficile de se mépriser sans offenser Dieu en nous » (Deuxième tableau, scène VIII). 

Être souple dans les mains de Dieu

La force de l’acier, celle d’un Goliath, n’est que de peu de poids. Il est en effet plus efficace d’être souple et de ruser avec le Tentateur en s’abandonnant en Dieu. Ce qui nous blesse dans la tentation lorsqu’elle nous submerge est moins le risque de blesser Celui qui nous aime que de voir notre vanité atteinte. Voilà pourquoi nous nous méprisons tant lorsque nous sommes battus à plate couture, péchant ainsi doublement car cela conduit au désespoir.

Tiraillé entre le mystique et le débauché, l’homme n’est jamais condamné au pire et, sans forcément atteindre la sainteté la plus éclatante, il peut contrôler ses désirs et restaurer ses habitudes, à condition d’être souple dans les mains divines.

Nous ne vivons pas avec un monstre en nous, impossible à apprivoiser et ne souffrant aucune privation. Nous sommes maîtres de la stratégie, malgré les efforts du Malin pour nous faire croire l’inverse. Et si, d’aventure, nous faillissons, il n’y a aucune raison de se regarder comme plus méprisables que le néant. L’expérience nous prouve qu’à trop vouloir placer son bonheur dans des choses extérieures et dans nos plaisirs égoïstes, nous fonçons tout droit vers le précipice, choisissant par nous-mêmes les pavés du chemin conduisant à notre échec et à notre perte. Ce n’est qu’en devenant souple comme cette peau de daim dont parle la prieure carmélite que nous pourrons esquiver les obstacles. La dureté de l’acier finit par trouver plus forte qu’elle et elle ne sert plus de rien. Il demeure toujours en nous une partie, aussi infime soit-elle, permettant de réaliser que l’affrontement n’est pas perdu. Le triomphe de Satan n’est qu’apparent et provisoire et il est nécessaire de le remettre à sa juste place, très relative, comme nous y invite de le faire l’apôtre des Gentils. L’inquiétude et l’angoisse ne résolvent pas l’agressivité des tentations. En revanche, la paix du cœur, la confiance éclairée, le repos en Dieu pèsent lourd dans la balance de la victoire. Il est faux de croire que notre consentement nous est arraché avant même que nous puissions réagir. Notre volonté doit veiller et agir, et encore davantage notre abandon. Tiraillé entre le mystique et le débauché, l’homme n’est jamais condamné au pire et, sans forcément atteindre la sainteté la plus éclatante, il peut contrôler ses désirs et restaurer ses habitudes, à condition d’être souple dans les mains divines.

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