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Les chasseurs de sexe des disciples de Néron

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Photo Josse / Leemage via AFP

Jean Duchesne - publié le 21/12/21

Tous les mardis, l’essayiste Jean Duchesne décrypte les mouvements de fond qui traversent la société. Il revient cette semaine sur la campagne qui a visé l’archevêque de Paris, où il voit à la manœuvre des disciples de Néron, le sinistre bouffon impérial : ceux qui aujourd’hui chassent la vie privée de leurs proies, s’imaginant qu’il n’y a pas d’amour sans sexe.

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Personnalités (du fait de leur rang social) et célébrités (en raison des émotions et passions qu’elles suscitent) sont du gibier pour cette race de chasseurs que, depuis le film La Dolce Vita de Federico Fellini en 1960, on appelle paparazzis. Ils sont armés de super téléobjectifs et vendent leurs prises à une presse qui en tire parti en cuisinant ce butin au moyen de commentaires qui en font la révélation d’affaires jusque-là cachées parce qu’étrangères à la notoriété publique des individus visés, mais propres à remettre en cause leur réputation et en conséquence leur statut.

La dictature du sexe

L’archevêque de Paris et une amie ont ainsi été récemment des proies. À partir d’images capturées en catimini et qui, en soi, ne « prouvent » rien d’incongru, on a déduit une relation amoureuse, secrète parce qu’illicite. Ce qui est prodigieux dans cet épisode est l’idée que, si un homme se trouve en compagnie d’une femme, c’est forcément parce qu’il y a entre eux une attirance physique, tacitement présumée irrésistible. C’est une opinion assez répandue, mais qui ne s’affiche guère et n’est donc que peu contredite, mais qui n’a, à vrai dire, pas grand-chose et de nouveau et est même fort ancienne. C’est ce qu’en effet pensait déjà l’empereur Néron, fameux (entre autres) pour l’intensité et la variété des appétits sexuels qu’il assouvissait sans frein.

Au chapitre XXIX du livre qu’il lui consacre dans sa Vie des douze Césars, Suétone le dit avoir été « persuadé qu’aucun être humain n’est chaste ni pur […], mais que la plupart dissimulent leurs vices et ont l’art de les masquer ». Une quarantaine d’années après la fin piteuse du tyran histrionique, l’historien romain assure tenir cela de plusieurs témoins directs. Néron n’était pas sans doute pas le seul de cet avis à l’époque, comme le suggèrent le Satyricon attribué à son courtisan Pétrone, des épigrammes du poète Martial ou certaines fresques de Pompéi. Indépendamment de ces allégations et de la dénonciation ultérieure du dernier descendant de Jules César comme persécuteur des premiers chrétiens de Rome, son amoralité foncière est confirmée par Tacite, Pline l’Ancien ou Dion Cassius.

Survivance du « néronisme »

La théorie de l’omniprésence aussi impérieuse que mal camouflée du sexe n’est bien sûr pas ouvertement néronienne. Mais le préjugé est toujours là et, pour le valider, il ne suffit pas d’ignorer le patronage de ce mégalomane sanguinaire et lubrique sous prétexte qu’il n’est plus en vedette dans l’actualité. Il ne suffit pas non plus de refuser le parrainage de ce sinistre bouffon parce qu’on réprouve ses turpitudes en tout genre, y compris libidineux, et que le consentement de ses « partenaires » comme de ses sujets était le cadet de ses soucis. 

L’histoire chrétienne abonde d’exemples de collaborations et même de vives et fécondes amitiés entre des hommes et des femmes, sans que nul n’y ait jamais soupçonné la moindre ébauche ou même envie de relation charnelle.

Qu’il soit inconscient ou dûment distancié, le « néronisme » fait de l’attirance sexuelle une vérité universelle, qui n’est refoulée que par hypocrisie et qui doit être reconnue, acceptée, voire encouragée et célébrée, à la seule condition d’être réciproque. Tout cela n’est pas si simple et pose déjà pas mal de problèmes : aux niveaux de la symétrie et de la synchronisation rarement spontanées des désirs, de l’âge et des expériences, des conditionnements socio-culturels et donc de la liberté des individus, des répercussions sur le psychisme et dans la durée, pour autant que le corps n’est pas qu’une machine ou un objet commercialisable et jetable, etc.

Hommes et femmes dans l’Évangile

Il ne peut être question de nier la réalité des pulsions sexuelles, ni des abus qu’elles peuvent occasionner et qui doivent indubitablement être non seulement punis, mais encore, autant que faire se peut, évités grâce à la prévention et réparés. Cependant, la principale difficulté réside dans la croyance que la chasteté et la continence sont impossibles. L’histoire chrétienne abonde d’exemples de collaborations et même de vives et fécondes amitiés entre des hommes et des femmes, sans que nul n’y ait jamais soupçonné la moindre ébauche ou même envie de relation charnelle. Commencer par en supposer rétrospectivement une entre Jésus et Marie-Madeleine en dit plus sur qui développe ce soupçon que sur ceux qu’il met en cause : cela ressemble à Néron s’imaginant que tout le monde était comme lui. 

Par la suite, les Actes des apôtres et les épîtres de Paul mentionnent quantité de femmes qui ont joué un rôle apprécié : Lydie (Ac 16, 11-15), Damaris (Ac 17, 34), Priscille (Ac 18, 2), Phoebé, Marie, Junia, Tryphène, Tryphose et Persis (Rm 16, 1-12), Chloé (1 Co 1, 11), Évodie et Syntychè (Ph 4, 2), etc. Il ressort là que celui pour qui « vivre, c’est le Christ » (Ph 1, 21) ne convoite pas plus les femmes qu’il ne les méprise et que celles qui s’associent à sa mission ne pensent pas à se l’attacher.

L’amour n’est pas forcément charnel

De même, il n’est venu plus tard et depuis à personne de juger équivoque ce qui a pu lier François et Claire d’Assise ou Thérèse d’Avila et Jean de la Croix. Dans la mouvance de l’« école française de spiritualité », il y a eu François de Sales et Jeanne de Chantal, Pierre de Bérulle et Barbe Acarie, Vincent de Paul et Louise de Marillac, ou Jean Eudes et Marie des Vallées… Plus près de nous, il faut signaler l’extraordinaire proximité entre Hans Urs von Balthasar et Adrienne von Speyr. Il est incontestable qu’il est arrivé que des compagnonnages au départ analogues dérapent, suscitant alors le scandale. La foi ne met pas à l’abri des tentations. Mais il doit être admis qu’elle permet aussi d’y résister, comme dans Léon Morin, prêtre (roman de Béatrice Beck en 1952, porté trois fois au cinéma : en 1961, 1991 et 2016). L’Évangile a aussi délivré de la dictature du sexe qu’invoquait Néron pour justifier sa luxure dans le cadre général de sa tyrannie : non, tout n’est pas gouverné par des désirs érotiques ; oui, ce que l’amitié et même l’amour ont de plus beau est la gratuité ; et non, l’Église n’a pas diabolisé la chair.

Fécondité

Sans doute y aura-t-il jusqu’à la fin des temps des résurgences de l’amoralité païenne, sous des formes perpétuellement renouvelées. Mais celles-ci demeurent marquées par le christianisme. Ainsi, l’idéal actuellement sous-jacent de l’épanouissement sexuel dans le consentement mutuel entre adultes n’a pas de réalisation plus achevée que dans le sacrement du mariage. Car celui-ci ajoute à la relation par nature précaire entre l’homme et la femme la liberté de l’engagement total qui, avec l’aide de Dieu pourvu qu’on l’accueille, affranchit des conditionnements sans les nier et fait entrer dans la durée où la fécondité devient possible.

C’est cette même fécondité que permet la continence des prêtres, religieux et religieuses ou personnes consacrées. Elle a sa source dans le même don irrévocable de soi et le même renoncement à la possession égoïste et passagère d’autrui. La différence réside dans la vocation personnelle, quand les époux reconnaissent que c’est Dieu qui les donne l’un à l’autre. Tout cela n’est pas de l’angélisme, mais l’intuition, voire l’expérience, que la vie qu’on s’approprie n’est pas celle qu’en vérité on attend.

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