Amy Edmondson, professeur de leadership et de management à la Harvard Business School, a été désignée en 2019 “personnalité la plus influente en matière de ressources humaines” par le HR magazine (HR pour Human Ressources). Dans sa thèse universitaire sur le management en milieu hospitalier, Amy Edmonson voulait montrer qu’un faible nombre d’erreurs dans un service était un critère de qualité du management. Or c’est le contraire qu’elle observe : dans un service, peu d’erreurs répertoriées ne donnent pas un bon signal. Pourquoi ? Parce que reconnaître ses erreurs, c’est prendre le risque d’être mal jugé : on préfère donc se taire. Ce silence conduit à des malentendus, des impasses ou des retards de diagnostics…
La peur, mauvaise conseillère
Le grand mérite de sa réflexion est à mon avis de souligner la puissance de l’émotion dans le management : en particulier, quand la peur guide les comportements, on préfère naturellement masquer ses erreurs plutôt que se montrer fautif. Une attitude qui nuit forcément à la performance. Cependant, on peut comprendre que chacun défende sa légitimité en dissimulant ses faiblesses ou ses erreurs. Comment sortir de cette impasse ?
Dans son livre The fearless organization (Wiley, 2018), Amy Edmondson défend le concept de sécurité psychologique. Pour créer une saine dynamique dans une équipe, c’est la toute première mesure à mettre en place. Elle se fonde sur trois postulats qu’on croit trop souvent acquis : premièrement, les collaborateurs peuvent s’exprimer librement, sans crainte d’être jugés ou disqualifiés ; ensuite, ils peuvent se tromper sans craindre de perdre leur emploi. Les erreurs sont signalées sans délai afin de trouver une solution pour qu’elles ne se reproduisent plus ; enfin, l’échange sur les bonnes pratiques et les innovations est encouragé. Donc, plus fort est le climat de confiance, plus les erreurs sont dévoilées, et mieux on peut y remédier.
Encadrer la sécurité
Faut-il pour autant choisir une forme de management de type “Laisser faire” où chacun agit comme il veut ? Certainement pas : là où les conflits sont inévitables dans le monde du travail, la sécurité psychologique rend possible un échange loyal et responsable. Le rôle du manager consistera précisément à soutenir et défendre la prise de parole de chacun tout en sachant arbitrer dans la prise de décision.
La sécurité psychologique n’est pas un but, mais une condition nécessaire à la confiance et finalement à l’engagement des collaborateurs.
Faut-il abandonner les objectifs de performance pour que chacun se sente libre ? La sécurité psychologique n’est pas un but, mais une condition nécessaire à la confiance et finalement à l’engagement des collaborateurs. Elle constitue en quelque sorte un préalable à la performance, non son sommet. Ne la négligeons pas sous prétexte que les objectifs de performance sont impératifs.
Une réponse à notre monde “VUCA”
Notre monde est désormais VUCA, acronyme deVolatilité, Incertitude (Uncertainty), Complexité et Ambiguïté, selon les théoriciens du management. Volatile, parce que les événements s’enchaînent de plus en plus vite comme s’ils étaient poussés par une accélération de l’histoire. Incertain, parce qu’il est de plus en plus difficile de choisir parmi les opinions divergentes sur l’avenir. Complexe, parce que nous sommes submergés d’informations dont nous ne maîtrisons pas toutes les interactions. Ambigu car il est de plus en plus difficile de donner une interprétation consensuelle de l’environnement. De quoi devenir anxieux ! La bonne attitude dans ce tourbillon consiste à ne pas céder à ses peurs, à créer de la sécurité autour de soi pour solliciter l’intelligence collective. Une dynamique positive peut alors se mettre en place.