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Guerre en Ukraine : le mal doit être appelé par son nom

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AFP

Benoist de Sinety - publié le 06/03/22

Curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, le père Benoist de Sinety commente chaque dimanche l’actualité de l’Église et du monde. Devant le drame de la guerre en Ukraine, il rappelle les exigences de la vérité, condition de la justice et de la paix.

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Est-ce donc si compliqué de dire les choses simplement ? Dire que le tonnerre des armes qui fracasse le ciel européen et menace celui du monde tout entier ne saurait trouver ni justification, ni encore moins d’excuse, malgré toutes les tentatives désespérantes de ceux qui nous expliquent tout en même temps, l’incommensurable bonne volonté des Russes et l’insupportable duplicité des gouvernants ukrainiens. On nous présente les premiers comme les défenseurs du front du refus de l’ordre libéral, amoral et cynique.

On nous démontre doctement que les seconds étaient corrompus et mafieux, violents avec les minorités et quasi fascisants. On finasse pour trouver un peu rapide de condamner trop fermement un agresseur qui n’est peut-être pas si méchant que cela et qui nous sauverait sans doute de cet avachissement moral dans lequel nous sombrons, entraînés par des maîtres de la finance qui auraient fait de nous leurs esclaves consommateurs…

Tragique « Holodomor »

C’est amusant comme ceux-là même qui invoquent jour et nuit l’Histoire à la rescousse de leurs pensées et de leurs programmes, semblent l’ignorer lorsqu’elle met à mal leurs théories. Qu’il soit permis de rappeler en ce 5 mars 2022 qu’il y a soixante-neuf ans, en 1953, mourait le plus grand criminel de tous les temps, Joseph Staline. Celui-là même qui, délibérément, décida de cet Holodomor (en ukrainien, « extermination par la faim »), qui entre 1932 et 1933 entraîna la mort de cinq millions de personnes. Le gouvernement soviétique, afin de respecter son objectif d’industrialisation de masse du pays, se devait d’acheter quantité de machines à l’étranger. Pour cela il fallait des devises, beaucoup de devises : on se tourna vers le grenier à blé de l’URSS, l’Ukraine.

La collectivisation de l’agriculture y fut décrétée et la confiscation de toutes les ressources naturelles afin de trouver l’argent nécessaire. Des brigades de choc furent envoyées par le tyran pour mater les révoltes paysannes. Le 7 août 1932, la « loi des épis » fut promulguée interdisant à tout paysan de conserver le moindre épi sur lui sous peine de mort. Les habitants de l’Ukraine se virent interdire de sortir de leur État. L’hiver glacial qui suivit s’abattit sur des greniers vides et des familles faméliques. L’URSS exportait massivement des céréales produites par des millions de personnes qui, elles, mouraient de faim.

Reprendre ses esprits

L’Holodomor rendra possible le ralliement d’une partie des survivants aux troupes allemandes dix ans plus tard, tant était encore présente la mémoire de ce génocide qui n’en reçut jamais le nom. Il ne l’excuse pas : la vengeance ne justifie pas l’horreur, mais elle en est l’histoire. J’ai participé dans la cathédrale Notre-Dame à ces messes solennelles célébrées naguère par les archevêques de Paris et les fidèles gréco-catholiques, en mémoire de ce peuple innombrable de pauvres gens affamés. J’ai vu, comme beaucoup d’autres, la grande dignité d’une assemblée qui chante et prie pour le pardon et pour la paix. Comment ne pas comprendre leur défiance devant ce voisin qui les a d’abord voulus morts de faim avant de réprimer dans le sang, à la fin de la guerre, leur « trahison » de leurs anciens bourreaux ? Comme l’écrit Pierre Jova La Vie, 3/3/22, il y a entre les deux peuples plus qu’une proximité géographique : les liens humains sont omniprésents, les peuples sont frères au plein sens du terme. Mais l’un des deux a appris, dans sa chair, à se défier de l’autre.

À l’heure où le président russe, que d’aucun continue de présenter comme un chantre de la chrétienté, ne craint pas d’envoyer ses bandes de barbouzes tchétchènes islamisés déguisés en soldats, mater les poches de résistance ukrainiennes, il est assez urgent que tous reprennent leurs esprits. Et d’abord ceux qui, chez nous, enferment dans leur parc d’attraction le géant Soljenitsyne, en oubliant ce que celui-ci disait à propos d’une possible séparation de l’Ukraine (Comment réaménager notre Russie, 1990) :

« Si le peuple ukrainien désirait effectivement se détacher de nous, nul n’aurait le droit de le retenir de force. Il faut choisir clair et net : entre l’Empire, qui est avant tout notre propre perte, et le salut spirituel et corporel de notre peuple. »

La lumière de la vérité

Quelques-uns jugent bon de s’offusquer que l’on puisse fournir à ceux qui se défendent, des armes, pour y parvenir. Sans doute, dans les années quarante, les ancêtres de mêmes trouvaient un peu vulgaire que l’on parachute des armes aux maquis d’alors. Des belles âmes devaient même y voir un appel à une surenchère de la violence… On aimerait entendre d’autres voix pieuses rappeler au cœur de notre pays que rien ne justifie de détruire des villes et d’y ensevelir vivants des milliers de gens.

Que la guerre est un crime que nul n’a le droit moral de justifier, que le mal doit être appelée par son nom et qu’il faut s’éviter, si l’on se prétend légitime à prêcher l’Évangile, de lui trouver des excuses. Cela n’empêche nullement de prier ou de jeûner pour que cesse les combats : la lumière de la vérité est la condition de la justice et donc de la paix.

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