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Connaissez-vous le Karakalpakstan?

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Bahtiyar Abdulkerimov / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Checkpoint tenu par les forces de l’ordre après de violentes manifestations dans le Karakalpakstan (Ouzbékistan), 6 juillet 2022.

Jean-Baptiste Noé - publié le 07/07/22

Trente ans après la fin de l’Empire soviétique, les problèmes mal réglés remontent à la surface, comme au Karakalpakstan. Cette région autonome de l’Ouzbékistan est le théâtre de violentes émeutes. Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé explique pourquoi le président ouzbek a dû modifier son projet de réforme de la Constitution pour calmer les esprits.

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À moins d’être un fin connaisseur de l’Asie centrale, le nom du Karakalpakstan ne dit rien au public européen. C’est pourtant dans cette région autonomiste d’Ouzbékistan que se déroulent de violentes émeutes qui ont fait une vingtaine de morts depuis début juillet et ont contraint le président à revenir sur son projet de réforme constitutionnelle. Des émeutes qui montrent la fragilité de l’Ouzbékistan, mais aussi de ces pays d’Asie centrale qui n’ont pas encore surmonté les tensions issues des indépendances (1992). 

Tout commence par un projet de réforme de la Constitution du pays. Le président Mirziyoyev envisage plusieurs changements afin de lui permettre notamment de se représenter à la fin de son second mandat et de modifier la durée du mandat présidentiel, le faisant passer de 5 ans à 7 ans. Profitant de cette réforme qui devrait lui accorder davantage de pouvoir, il a également modifié les articles concernant la région du Karakalpakstan. D’où l’origine des émeutes.

Karakalpakstan ?

Région à l’histoire compliquée et au statut juridique tortueux, le Karakalpakstan est majoritairement peuplé de personnes issues du peuple karakalpak, les Ouzbeks y étant minoritaires. Si elle est la région la plus pauvre d’Ouzbékistan, sa superficie avoisine néanmoins les 40% de la surface du pays. Elle occupe toute la partie ouest de l’Ouzbékistan où elle borde notamment la mer d’Aral, quasiment asséchée à l’époque soviétique par une culture intensive et irraisonnée du coton. Les problèmes écologiques de cette mer intérieure ayant engendré la dépression économique du pays et les revendications des Karakalpaks à l’égard de Tachkent.    

De l’Ukraine au Caucase en passant par l’Asie centrale, trente ans après la chute de l’URSS, les questions mal réglées ou enfouies remontent à la surface, créant des troubles majeurs dans de nombreux États. 

Le Karakalpakstan est un héritier de l’Empire soviétique, une région autonome dont la question du statut a été étouffée au moment de l’indépendance de l’Ouzbékistan (1991). Il a été formé en 1925 comme une entité autonome à l’intérieur du Kazakhstan soviétique. Puis, de 1930 à 1936, bien que toujours autonome, il est administré directement par Moscou, avant d’être transféré à la République socialiste soviétique d’Ouzbékistan. Quand cette dernière devient indépendante, elle hérite du dossier du Karakalpakstan. En 1993, il est décidé que la région pourrait organiser sous vingt ans un référendum sur son indépendance. La souveraineté de la région est alors inscrite dans la constitution ouzbek. Or le référendum désiré par beaucoup ne fut jamais organisé. Le vingtième anniversaire passe en 2013 sans que le sujet ne soit abordé, Tachkent ayant opportunément oublié la question. Or, dans la réforme constitutionnelle proposée par le président Mirziyoyev, il n’est pas question seulement de durée de mandat, mais aussi d’autonomie puisque le passage évoquant le Karakalpakstan a été opportunément réécrit, le terme « souveraineté » disparaissant de celui-ci. D’où les émeutes commencées fin juin, avec une accélération des violences à partir du 1er juillet. 

Le pays qui n’existait pas ?

C’est peu dire que l’Ouzbékistan n’est pas un modèle de démocratie. Ce n’est pas non plus un pays où la presse est libre. Il est donc très difficile d’avoir des informations sur la situation réelle du pays, le niveau des arrestations des opposants et des journalistes et l’état des émeutes. Quelques informations ont pu filtrer via des sites et des blogs tenus par des Karakalpak réfugiés au Kazakhstan, de l’autre côté de la frontière. Impossible donc de connaître l’ampleur des manifestations ni celle de la répression et du nombre de morts, estimés à une vingtaine d’après les différentes sources. Internet a été coupé le 27 juin, puis partiellement restauré depuis. L’ampleur des émeutes a été suffisamment importante pour que le président Shavkat Mirziyoyev se rende dans la capitale régionale, Nukus, annonçant le 2 juillet la suspension des modifications constitutionnelles concernant l’autonomie de la région. Le calme semble être revenu depuis. Jusqu’à quand ? Ces émeutes démontrent néanmoins que, de l’Ukraine au Caucase en passant par l’Asie centrale, trente ans après la chute de l’URSS, les questions mal réglées ou enfouies remontent à la surface, créant des troubles majeurs dans de nombreux États. 

Tags:
AsiecommunismeCrise
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