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« Si nous voulons être heureux, soyons fidèles ! »

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Courtesy of Mgr Guillaume Derville

Guillaume Derville - publié le 06/09/22

A l’heure où la fidélité est parfois mal comprise, Mgr Guillaume Derville, théologien, fait un vibrant plaidoyer en faveur de la fidélité.

Dans le mariage, en amitié, dans la vie professionnelle, envers Dieu… La fidélité est vécue, et parfois éprouvée, en de nombreux endroits. Pourquoi est-il bon de la cultiver? En quoi la fidélité est-elle désirable? Mgr Guillaume Derville, membre du conseil scientifique de l’Université pontificale de la Sainte-Croix (Rome) et auteur de Un seul cœur pour aimer (Le Laurier) apporte à Aleteia de précieuses réponses. Selon lui, la fidélité, à laquelle tout être humain aspire du plus profond de son cœur, mène à la joie et au bonheur. Entretien.

Aleteia : La fidélité n’est pas vraiment « à la mode » aujourd’hui (tout est accessible, comparable, jetable, interchangeable…). Mais selon vous, c’est une vertu à cultiver, pourquoi ?
Mgr Guillaume Derville : Nous vivons un changement de civilisation, mais chaque personne reste fondamentalement humaine. Dans une société où tout change vite, chacun aspire à une certaine stabilité. Nous nous épanouissons si nous sommes aimés. Si la fidélité est une forme de perfection de l’amour, nous constatons que toute personne aspire à un amour pour toujours. Personne ne supporte d’être trompé. L’infidélité engendre le désamour, la méfiance, le pessimisme. Il me semble qu’il y a une forme de paradoxe : d’une part un profond désir de fidélité, inscrit dans le cœur de l’homme, et d’autre part une réalité qui n’est pas à la hauteur, comme le montre le nombre élevé de divorces. La fidélité n’est pas immobile, mais dynamique : elle se cultive.

Vous êtes aumônier d’étudiants à Paris, comment apprendre aux jeunes à être fidèles ? Comment rendre la fidélité désirable à leurs yeux ?
La fidélité s’apprend en respectant le plus petit engagement, comme un rendez-vous, et en évitant les situations d’imprudence. L’amour de la vérité, le respect de la parole donnée, le sens du pardon, l’apprentissage de l’humilité, le sens du sacrifice, la magnanimité, la reconnaissance de ses propres erreurs, une certaine découverte du mal ou simplement de sa propre vulnérabilité, la flexibilité : le jeu, le sport, les études, les repas en famille, les balades avec des amis peuvent contribuer à cet apprentissage. 

La fidélité se construit aussi en découvrant la joie que procure la confiance d’autrui, le fait de pouvoir compter sur quelqu’un, une forme de sérénité. Il est bon de valoriser aux yeux des enfants la primauté de la personne, la vanité des biens matériels, la beauté du don de soi. Si l’enfant a une tendance naturelle à l’égocentrisme et à l’autoréférentialité, il doit apprendre à saisir le point de vue des autres, à grandir en liberté et en générosité : donner sa part de gâteau, prêter ses jouets… Car toute fidélité demande une forme de sortie de soi-même vers l’autre.

Les jeunes accordent une grande valeur à la fidélité, notamment à celle de leurs parents ! Lorsque des enfants ont souffert de leur désunion, il n’est pas rare qu’au moment de se marier ils soient résolus à tout faire pour ne jamais se séparer de leur conjoint, mais il arrive aussi qu’ils ne croient plus au mariage. J’ai célébré cette année les funérailles de personnes qui ont été mariées pendant 76 ans et qui s’aimaient comme au premier jour.

La promesse de don total faite le jour du mariage est actuelle à chaque instant de l’existence. Savoir qu’on nous fait confiance nous réconforte. Même un adolescent qui s’est épris d’une fille de sa classe, par exemple, se sent plus fort pour ne pas engager de relation amoureuse avec une autre. C’est naturel. Il n’aura certes pas la maturité pour comprendre que le mariage est un chemin de sainteté, jalonné de joies et de sacrifices, magnifiés par l’amour mutuel des conjoints, sous le regard de Dieu. Parce que l’amour est là, je fais confiance à l’autre et veux mériter sa confiance.

Fidélité dans le mariage, justement : pourquoi l’Église la considère-t-elle si essentielle ?
Le mariage est d’abord naturel. Le livre de la Genèse évoque, avec le même mot hébreu, le « sommeil profond » dans lequel Adam est plongé lors de la création d’Ève, et le « sommeil profond » pendant lequel l’alliance de Dieu est scellée avec celui qui deviendra Abraham. Le mariage est un mariage à trois : Dieu, un homme, une femme. Le mariage chrétien se fait par le consentement à un don mutuel à l’image du don du Christ à son Église. D’où l’importance de la prière ensemble et quotidienne. Chacun conduit l’autre vers Dieu, vers la sainteté.

L’amour humain vrai mène souvent à Dieu. C’est normal, puisque c’est une participation à l’amour divin. Encore faut-il comprendre qu’aimer, c’est vouloir aimer. En ce sens, la fidélité est créative, inventive. L’amour est appelé à grandir dans l’estime, la confiance, l’admiration : dans la découverte jamais terminée de l’autre, dans la connaissance du cœur. Il y a une forme de saine curiosité de l’autre qui dure toute la vie. La liberté et la vérité du don mutuel exigent des moments de dialogue, l’amour de l’autre tel qu’il est avec ses qualités et ses défauts, le respect des libertés.

La fidélité est mieux vécue si l’on connaît les psychologies féminine et masculine, du moins telles qu’elles se présentent d’ordinaire. Un excellent apprentissage s’en fait dans la famille, quand elle existe : frères, sœurs, cousins, cousines.

Fidélité en amitié : est-ce important d’entretenir les liens d’amitié et pourquoi ?
Avoir des amis donne une grande joie. C’est un facteur d’équilibre et de consolation. Jésus lui-même nous a appelés « amis ». Beaucoup de formes d’amitiés existent. Chaque ami entre en résonance avec tel ou tel aspect de notre personnalité. Entre prêtres, l’amitié est fraternité dans le Christ prêtre. Vous dites justement qu’il faut « entretenir » les liens. De nombreux saints en ont donné l’exemple, comme – pour ne citer que deux « modernes » –, John Henry Newman et Josémaria Escriva. Le premier voyait dans l’amitié des proches une préparation pour aimer le monde entier. Quant à saint Josémaria, il évoque Béthanie comme le foyer des amis de Jésus.

Chaque personne est aimée de Dieu et elle est à son image. En chacune il y a du bon et du mystérieux. Passer de bons moments ensemble, rire, accompagner la souffrance, se faire des confidences : l’amitié conduit aussi à Dieu. Un barbecue, un bon repas, du bon vin : Dieu est là aussi, comme à Cana, où Jésus partageait la joie des amis de la Vierge Marie. Et c’est lors de cette fête qu’il donne le premier signe de sa divinité, c’est là que le mariage devient sacrement, que la joie des noces annonce l’Eucharistie et le bonheur du Ciel.

Vous exercez également votre ministère dans le monde du travail. Doit-on fidélité à son entreprise ? à sa mission ? 
Chaque situation mérite prière et réflexion. Mon grand-père avait fait toute sa carrière d’ingénieur dans les mêmes chantiers navals, une stabilité rare de nos jours. Bien sûr, ce n’est pas un modèle, les temps ont changé. Simplement, avant de quitter une entreprise où l’on vient de passer cinq années, ne peut-on pas se demander : est-ce juste de partir maintenant ? Mon travail est-il un service aux autres, à la société ? J’ai été formé, j’ai beaucoup reçu, et maintenant je veux faire fructifier tout cela ailleurs, par exemple pour gagner plus d’argent. Suis-je loyal, honnête, à l’heure de prendre ma décision ? C’est une question de formation de la conscience, de prudence, de liberté et de responsabilité.

Enfin, comment, concrètement, demeurer fidèle à Dieu ?
Dieu est celui qui est fidèle. L’image du rocher en est le symbole ; Dieu est un appui solide, il ne ment jamais, son alliance avec l’homme est assortie d’une promesse irrévocable : le bonheur éternel. C’est Dieu qui nous donne d’être fidèles, il respecte en même temps notre liberté.

La première formule de canonisation est dans l’Évangile : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25, 23). La bonté conduit à la fidélité, qui se construit dans les petites choses. Chaque geste, chaque chose, ont une valeur en soi, et cela me semble important. Leur richesse ultime se trouve dans l’amour de Dieu pour nous, dans l’amour que nous y mettons nous-mêmes. 

C’est l’amour de Dieu qui donne un sens ultime à notre liberté. L’Esprit Saint nous infuse l’amour dont nous avons besoin pour aimer Dieu et les autres en lui, pour être fidèles jusqu’à la fin, comme l’a été la Vierge Marie, qui est Mère du bel Amour, et aussi la Mère de l’espérance qui naît de cet amour : celui dont la mesure est de se donner sans mesure. Si nous voulons être heureux, soyons fidèles !

Propos recueillis par Mathilde de Robien.

Pratique :

Un seul cœur pour aimer : Anthropologie de l’amour, Guillaume Derville, Le Laurier, juillet 2021, 20 euros.

Mgr Guillaume Derville et Arnaud Bouthéon donneront une conférence au Collège des Bernardins le 14 septembre 2022 sur le thème : La fidélité : rêve ou réalité ?
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