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Pensées de la grande Thérèse pour s’ouvrir au Soleil de la grâce

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Peter Paul Rubens, L'extase de sainte Thérèse d'Avila, Rotterdam, Musée Boijmans Van Beuningen.

Jean-François Thomas, sj - publié le 14/10/22

Qui, comme la grande Thérèse d’Avila, n’a pas connu les ténèbres de la tiédeur spirituelle et du découragement ? De son expérience, elle sait que tout homme a en lui la capacité de répondre librement à l’infusion de la lumière. La voie qu’elle propose enseigne que l’âme peut voir autrement que par les yeux du corps : "Dans cette joie spirituelle, nul mélange."

Juste avant de mourir en 1591, le jésuite François de Ribera, confesseur de Thérèse d’Avila, eut le temps de publier une vie de la grande réformatrice. Il décrit ainsi les derniers instants de la sainte le 4 octobre 1582 : « Elle meurt dans le déchirement et la transe de l’amour définitivement vainqueur, / Couchée sur le côté gauche, après une agonie de quatorze heures ! » (Vie de sainte Thérèse, 1590). La violence de cette ultime extase, suprême extase, détacha l’âme du corps, comme une sorte d’écorchement spirituel éliminant tout ce qui n’était plus nécessaire. Telle fut l’entrée dans l’éternité de cette femme forte qui intimide par les grâces extraordinaires dont elle bénéficia et la profondeur de ses écrits.

Allumer une lampe

Pourtant, Thérèse nous dit bien que sa voie n’est pas exceptionnelle et qu’elle peut être emprunté par chacun. Elle souligne que, si nous ne recevons pas la grâce, c’est parce que nous fermons notre fenêtre. Certains hommes rejettent la semence, souvent car pleins déjà d’autre chose qu’ils regardent comme plus nourrissant. Ce fut la réaction du peuple élu face au Messie. Dans le Livre des demeures, sainte Thérèse développe le thème du soleil et de l’âme plongée dans les ténèbres. L’homme est enfermé, par sa faute, dans une geôle obscure. Pour s’en délivrer, deux solutions : allumer une lampe ou bien forcer la porte de la prison. Cette seconde possibilité est la plus efficace mais la plus douloureuse. Thérèse a choisi la liberté… en s’enfermant dans un cloître où elle cultiva la lumière. Paul Claudel, lecteur assidu de ses écrits mystiques, en parlera en ces termes : 

Le poète parlera comme Mère Thérèse dans l’ode qu’il lui consacra : 

« Une porte, une porte, ô mon âme, une porte pour sortir de l’éternelle vanité !

Une porte, n’importe par où, mais dites que dès maintenant il y a une porte pour échapper

À cette vie qui n’est qu’un rêve lourd, un cauchemar entre deux digestions !

Une issue pour ôter notre esprit à ce moulin sans aucune rémission

Des choses arrivant sur nous en une descente inépuisable,

Tout un monde en poudre sur nous pour faire tourner notre roue avec du sale ! » (Feuilles des saints. Sainte Thérèse, 1915.) 

Recevoir le Soleil de l’âme

Thérèse reçut la grâce, terrible, de contempler une âme saisie par le péché. De cette expérience spirituelle, elle en retira l’enseignement suivant, pour ses « filles », les carmélites : 

« Lorsque l’âme, par sa faute, s’éloigne de cette source [de vie] pour se planter dans une autre aux eaux très noires et très malodorantes, tout ce qu’elle produit est l’infortune et la saleté mêmes. Il sied de considérer ici que la fontaine, ce soleil resplendissant qui est au centre de l’âme, ne perd ni son éclat ni sa beauté ; il est toujours en elle, rien ne peut lui ôter sa beauté. Mais si on jetait un drap très noir sur un cristal exposé au soleil, il est clair que si le soleil donne sur lui, sa clarté n’opérera point sur le cristal. » (Le Château intérieur, Première demeure). 

La constatation n’est point désespérante car, justement, tout homme a en lui la capacité de répondre librement à l’infusion de la lumière. La grande Thérèse secoue la timidité et la crainte de ses religieuses qui ont parfois tendance à abandonner la partie : 

« Il est très important pour nous, mes sœurs, de comprendre que l’âme n’est pas quelque chose d’obscur ; car comme nous ne la voyons pas, nous pouvons croire, d’ordinaire, qu’il n’existe pas d’autre lumière intérieure, sauf celle que nous voyons, et qu’il règne dans notre âme une certaine obscurité. Je parle de l’âme qui n’est pas en état de grâce, ce n’est pas la faute du Soleil de Justice qui est en elle et qui lui donne l’être, mais c’est elle qui est incapable de recevoir la lumière, et je crois avoir dit dans la première demeure ce que certaine personne a compris à ce sujet : ces âmes infortunées sont comme dans une prison obscure, les pieds et les mains liés, aveugles et muettes, pour qu’elles ne puissent faire le bien qui les aiderait à acquérir des mérites. Nous pouvons les plaindre, considérer qu’il fut un temps où nous nous sommes vues dans le même état, et que le Seigneur peut leur faire miséricorde, à elles aussi. » (Le Château intérieur, Septième demeure). 

Pas de découragement

Elle est bien sûr cette « certaine personne », alors plongée dans les ténèbres. Dans son autobiographie, elle avoue : « J’ignorais à ce moment que l’âme pût voir autrement que par les yeux du corps » (Vie par elle-même). Une fois cette libération accomplie, l’âme ne connaît rien de comparable à une telle jouissance : 

« À peine arrivée là, elle perd soudain, et, il faut en convenir, sans grand mérite, le désir des choses de cet exil. Elle voit clairement qu’un seul instant de cette joie surnaturelle ne peut venir d’ici-bas, et que ni richesses, ni puissance, ni honneurs, ni plaisirs, ne sauraient lui donner, l’espace même d’un clin d’œil, ce contentement seul vrai, et seul capable, comme elle en a conscience, d’étancher sa soif de bonheur. En vain chercherait-elle à saisir ce contentement parfait dans les plaisirs de ce monde ; jamais ils ne sont sans mélange. Mais dans cette joie spirituelle, nul mélange, tant qu’elle dure : la peine vient ensuite, il est vrai, mais c’est de la voir finir » (Ibidem).

Cependant, cette mystique est réaliste, ô combien, et elle sait que le soleil se cache souvent derrière les nuages et que notre état peccamineux repend le dessus. Elle est très ferme en ce domaine : pas de découragement conduisant à fléchir dans l’oraison et la dévotion. Bien au contraire, il faut se mobiliser : 

« Je le répète donc, que nul de ceux qui ont commencé à faire oraison ne se décourage jamais, en disant : si je retombe dans mes fautes, il serait pire pour moi de continuer ce saint exercice. Et moi, au contraire, je suis persuadée que le pire serait d’abandonner l’oraison et de ne pas se corriger. Mais quiconque y persévérera, on peut m’en croire, arrivera au port du salut. Le démon me tendit à ce sujet le piège le plus perfide : il me persuada qu’étant aussi imparfaite que je l’étais, je ne pouvais, sans manquer d’humilité, me présenter à l’oraison. Je l’abandonnai alors pendant un an et demi, au moins pendant un an, car pour les six mois de plus, je ne m’en souviens pas bien. Par-là, de moi-même, je m’étais mise en enfer, sans qu’il fût besoin du démon pour m’y entraîner. » (Ibidem).

Rentrer en amitié avec Dieu

L’équilibre est instable pour celui qui baisse les bras et qui n’essaie pas de se relever lorsqu’il a trébuché, mais il demeure stable pour l’âme qui s’accroche à la prière, quelles que soient les adversités et les fautes. Magnifique message d’espérance pour tous ceux qui luttent et qui pleurent des larmes de sang : 

« Il [Dieu] oublie nos ingratitudes, du moment où, touchés de repentir, nous voulons rentrer en amitié avec lui. Les grâces qu’il nous a faites, loin de provoquer ses châtiments, le portent à nous accorder plus promptement le pardon ; car il nous regarde comme des enfants de sa maison, et se souvient que nous avons, comme on dit, mangé le pain de sa table. Que ces âmes se rappellent les paroles de ce divin Maître, et considèrent la manière dont il en a usé envers moi. Je me suis plutôt lassée de l’offenser qu’il ne s’est lassé de me pardonner. Non, jamais sa main ne se fatigue de donner, et jamais la source de ses miséricordes ne peut être épuisée. Ne nous fatiguons donc jamais de recevoir. » (Ibidem).

La grande Thérèse, bien loin de nous confondre par ses élans mystiques, nous prend par la main et nous conduit de plus en plus haut, en nous relevant de la médiocrité de notre vie intérieure. Elle vient nous chercher au plus bas car elle-même a été longtemps embourbée dans une tiédeur mortelle. Elle nous fait gravir l’escalier, marche après marche.

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