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Saint Éloi, ce ministre orfèvre inconnu

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Petrus Christus, Public domain, via Wikimedia Commons

Saint Éloi et les fiancés, tableau de Petrus Christus, 1449.

Anne Bernet - publié le 30/11/22

Grand artiste, grand ministre, grand évêque, saint Éloi mérite plus que la légende en chanson. Le roi Dagobert a eu bien raison de lui faire confiance : des ministres et des évêques comme lui, on en redemande !

Ministres prévaricateurs, évêques complaisants, prêtres scandaleux, peuple ruiné et oppressé… La France du VIIe siècle n’offre pas un spectacle réjouissant. Pourtant, il suffira de rois de bonne volonté et d’un saint authentique qu’ils porteront aux plus hautes charges de l’État pour redresser la situation. Ce saint, c’est Éloi et il mérite d’être connu. Pourtant, si celui-ci subsiste dans la mémoire collective, ce n’est pas pour son action politique, sociale, religieuse et missionnaire, remarquable, mais en raison d’une chanson des années 1820, nullement à l’origine destinée aux enfants, caricaturant sous les traits de Dagobert le roi Charles X, et sa supposée soumission à l’Église… Pourtant, Éloi est un parfait exemple de méritocratie qui devrait être donné en modèle. Qu’on en juge !

Orfèvre remarquable et remarqué

Il naît vers 590 à Chatelac en Limousin, dans une famille gallo-romaine catholique, probablement ruinée lorsque, cent cinquante ans plus tôt, les Wisigoths ariens ont pris le contrôle de tout le Sud-Ouest de la Gaule, opprimant les populations autochtones et les dépouillant quand elles refusent de se convertir à l’hérésie arienne. Privés de leur fortune et de leurs terres, les ancêtres d’Éloi sont restés fidèles à leur religion et leur culture. C’est le seul héritage qu’ils ont transmis à leur descendant puisque, à l’adolescence, celui-ci doit être placé comme apprenti chez un orfèvre de Limoges. Éloi se révèle remarquablement doué pour ce métier et doté d’un sens artistique si développé que son maître le recommande au trésorier du roi Clotaire II, qui l’appelle à Paris afin de juger de ses talents. L’on remet au jeune homme lingots d’or et pierres précieuses afin qu’il fabrique un trône. Éloi se met à l’ouvrage et, à la date prévue, livre, non pas un trône, comme demandé, mais deux, d’égale splendeur. Ses commanditaires constatent, stupéfaits tant cela leur paraît improbable, que l’artisan n’a pas profité de l’aubaine pour dérober la moindre pierre ou le moindre gramme d’or. Ce garçon n’est pas seulement un grand artiste, c’est aussi un modèle de probité. Ils en sont tellement surpris qu’ils en informent le roi. Clotaire se fait présenter l’oiseau rare, découvre que cette honnêteté est le fruit d’une piété remarquable, et, ravi, lui déclare : « Vous avez démontré que l’on peut se fier à vous en des affaires plus considérables. »

Ainsi débute une prodigieuse carrière qui mêle aux commandes de cour — car Éloi est désormais orfèvre royal — la gestion du Trésor et des affaires politiques, dans lesquelles, sans avoir rien appris des façons de les traiter, il fait merveille tant son bon sens est grand, son jugement sûr, sa prudence parfaite. Ces vertus, Éloi les tient du Ciel qui l’en comble à la mesure de sa piété et des implacables pénitences qu’il s’impose afin, dans ce milieu corrompu, de se protéger des tentations et de l’orgueil. Quelle plus grande bénédiction pour un pays qu’un principal ministre qui prie, jeûne et se mortifie, pour son salut et celui de tous ?

De cet argent, en effet, Éloi ne se sert que pour faire le bien : il rachète les esclaves et prisonniers de guerre, les affranchit et leur donne les moyens de rentrer chez eux, fonde des hospices pour les pauvres et les pèlerins

Bientôt, Clotaire lui confie son bien le plus précieux : son fils Dagobert, afin qu’il l’éduque. L’élève gardera toute sa vie le maître près de lui, choix judicieux. Les honneurs tombent sur Éloi : palais parisien près de celui du souverain, vêtements de soie et de pourpre brodés, ceintures couvertes de pierreries, sommes considérables. Tout cela représente à ses yeux la pire des infortunes : il vend tout au fur et à mesure qu’il le reçoit, sans que le roi s’en plaigne car il sait ainsi pratiquer, par les mains de son ministre, une aumône perpétuelle. De cet argent, en effet, Éloi ne se sert que pour faire le bien : il rachète les esclaves et prisonniers de guerre, les affranchit et leur donne les moyens de rentrer chez eux, fonde des hospices pour les pauvres et les pèlerins, se fait l’éternel défenseur des veuves et des orphelins, nourrit chaque jour à sa table douze miséreux qu’il comble de plats et de vins fins tandis qu’il mange à genoux un quignon de pain sec, et des centaines d’autres encore qui se pressent à sa porte. Un visiteur s’enquiert-il de savoir où le trouver, la réponse est immédiate : « Là où vous verrez grand nombre de pauvres, là se trouve la demeure d’Éloi. »

Une bourse inépuisable

Il se ruinerait en charités inépuisables si le Ciel ne s’en mêlait. Un jour que le vin manque tandis qu’il le verse à ses hôtes mendiants, le pichet se remplit miraculeusement et reste inépuisable aussi longtemps que dure le repas ; un autre jour, alors qu’il donne l’aumône, c’est sa bourse, vide avant d’avoir soulagé toutes les souffrances qui se pressent à sa porte qui se remplit et pourvoit à tout. Plaie du monde mérovingien, et d’une justice impitoyable aux faibles, surtout quand ils ne sont pas de souche germanique, les prisons sont pleines de gens qui n’ont rien à y faire, emprisonnés pour dettes, pour avoir déplu à quelque puissant, ou sous l’accusation de crimes imaginaires. D’autres saints de ces temps « barbares », tels Geneviève ou Léonard, se sont donné mission de les libérer ; Éloi se fait leur imitateur. Il prend aussi en charge les obsèques des condamnés à mort, veillant à leur donner une sépulture décente, priant et faisant prier pour leur salut.

Le roi le dérange-t-il alors qu’il est en oraison, il lui fait répondre : “Vous lui direz que je suis en compagnie de plus grand Maître que lui.” »

Dagobert ne lui refuse rien, même lorsqu’il lui demande de quoi élever un monastère à Salignac en Limousin, un couvent de moniales à Paris, une église dédiée à Saint-Paul dans ce qui deviendra le quartier du Marais, affirmant au roi qu’il est en train « de lui construire l’échelle par laquelle ils monteront un jour tous deux au Ciel ». Et Dagobert donne, avec la même générosité que son ancien précepteur. Celui-ci sait pourtant lui rappeler les priorités. Le roi le dérange-t-il alors qu’il est en oraison, il lui fait répondre : « Vous lui direz que je suis en compagnie de plus grand Maître que lui. » C’est auprès de ce Maître qu’il apprend aussi la diplomatie, mettant fin au conflit qui oppose depuis des générations le royaume franc à celui de Bretagne.

Réformer un clergé indigne

En parallèle de son rôle de conseiller et de ministre, Éloi travaille toujours les métaux précieux mais désormais seulement pour la gloire de Dieu et de ses saints. Il possède le charisme d’identifier et retrouver les sépultures perdues des grands martyrs ou évangélisateurs gaulois. Les tombes de Lucien, premier évêque de Beauvais, Colombe, martyrisée à Sens, Piat, apôtre de la Beauce, Quentin sont grâce à lui redécouvertes et, pour leurs reliques, il crée des châsses qui sont autant de pures merveilles. Il fabrique encore celles de Denis et Geneviève, Germain de Paris et Séverin, patrons de la dynastie franque et de la capitale, remplace celles de saint Martin et de son disciple Brice à Tours.

Insatiable, il a le sentiment de n’en jamais faire assez, voudrait se donner tout à Dieu. Dagobert y consent. Ordonné prêtre, Éloi est sacré évêque de Noyon, évêché tentaculaire qui s’étend jusqu’à la Frise. Deux missions l’attendent : réformer un clergé indigne, convertir les païens. Éloi va jusqu’au Danemark et en Suède prêcher l’évangile, dans une quête effrénée du martyre dont il rêve, mais n’obtient jamais, à son grand regret. Ramener les prêtres de mauvaises mœurs et leurs ouailles aux vertus chrétiennes s’avère plus difficile, d’autant que le nouveau maire du palais, ennemi juré d’Éloi qu’il tient pour un rival, prend leur défense. Dieu s’en mêle. Un prêtre vit publiquement dans le péché et, bien que frappé d’excommunication, poursuit son ministère : il tombe mort en montant à l’autel. Un autre, dans le même cas, mais moins endurci dans ses fautes, s’aperçoit que les cloches restent muettes quand il les fait sonner, interdisant d’appeler les fidèles au sacrifice célébré en pareilles dispositions ; elles se tairont tant qu’il n’aura pas fait pénitence.

Patron des orfèvres et des vétérinaires

À la fin de l’automne 659, usé par la besogne et les pénitences, Éloi tombe malade et meurt, âgé de 70 ans, le 1er décembre. Patron des orfèvres et de toutes les professions qui, de près ou de loin, travaillent les métaux, mais aussi des vétérinaires, pour avoir, dit-on, rendu sa jambe amputée à un malheureux cheval mutilé par un maréchal-ferrant maladroit, Éloi reste avant tout le ministre intègre, animé par le seul souci du bien commun et du salut des âmes. Une bénédiction que nous devrions tous réclamer à cor et à cris !

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