Arrivées mercredi 30 novembre au soir dans un décor de neige fondue, les huit fondatrices et leurs sœurs de Boulaur ont été gratifiées au réveil d’un ciel lumineux pour leur première journée “aux Neiges” : comme si la nature elle-même communiait à leur joie de succéder aux frères trappistes présents en ces lieux jusqu’à cet été. “Nous sommes ici en bordure des Cévennes, aux marges de la Lozère et de la Haute-Loire : une région sauvage et magnifique, s’émerveille une sœur. Depuis certains cols, qui culminent à plus de mille mètres, on voit les Alpes !” Il fait froid sur ces hauts plateaux du Vivarais à 1.100 mètres d’altitude, mais “pas dans le monastère, où il fait bon partout, grâce à un efficace système de chauffage aux copeaux de bois. Sur ce point, plaisante notre interlocutrice, nous ne regretterons pas Boulaur, où l’église est parfois glaciale !”
La priorité ? S’enraciner !
L’ambiance est paisible et détendue en ce matin du 1er décembre, alors même que des centaines de participants sont attendus dans l’après-midi à la messe inaugurale des sœurs. Pour marquer le coup de leur arrivée, elles ont choisi la première fête liturgique de saint Charles de Foucauld, leur prédécesseur en ces lieux. Elles accueilleront dès janvier les visiteurs désireux de se recueillir devant ses reliques, et tous ceux qui voudront faire halte au monastère.
“Si nous ignorons encore précisément quels seront nos moyens de subsistance à l’avenir, admet sœur Marie-Clotilde – exploitation forestière, mise en culture des champs alentours, peut-être une autre activité de production dans la tradition de ce que firent jadis les moines… —, nous sommes d’ores et déjà sur le qui-vive pour réouvrir l’hôtellerie, conformément à la tradition d’accueil bénédictine.” Une hôtellerie qui risque de ne pas désemplir, car Notre Dame des Neiges se trouve sur les chemins de Stevenson, très fréquentés de Pâques à la Toussaint. D’autant que la gare n’est qu’à deux kilomètres : “Notre priorité est de nous enraciner dans la vie locale, de prendre humblement possession des lieux. La Providence fera le reste !”
Différentes branches, une seule famille
Providence qui a permis qu’aujourd’hui soient rassemblés autour des sœurs une cinquantaine de prêtres et de nombreux consacrés : à commencer par les anciens occupants des lieux, frères trappistes désormais dispersés en plusieurs abbayes (Tamié, le mont des Cats…), l’abbé général des cisterciens et le représentant de celui des Trappistes. Mais aussi : abbés et abbesses d’autres monastères, clarisses de Vals-les-Bains (seules autres contemplatives restant en Ardèche), carmélites de Mende, sœurs cloîtrées de Lozère, les trois branches des fils de Saint-Benoît : cisterciens, trappistes et bénédictins, etc. Plusieurs évêques aussi, dont celui des Neiges, Mgr Balsa, de Mende (Mgr Bertrand), du Puy-en-Velay (Mgr Baumgarten), de Nîmes (Mgr Brouwet), d’Avignon (Mgr Fonlupt) et deux autres venus de loin : Norvège (Mgr Varden, évêque de Trondheim) et Pérou (Mgr Perez, évêque émérite de Cuzco). Des personnalités civiles enfin, les préfets de région et d’Ardèche étant représentés par leurs épouses.
Les mots pleins d’affection du Pape
L’évêque de Viviers et la mère-abbesse de Boulaur, sœur Emmanuelle ont pris la parole au début de la messe (“nous avions toutes nos mouchoirs !” s’émeut l’une des sœurs fondatrices) ainsi que l’artisan ayant édifié la toute nouvelle chapelle dédiée à saint Charles de Foucauld. Deux temps forts ont suivi : la lecture par Mgr Varden d’une lettre personnelle du pape François aux sœurs et la lecture de la Charte de Fondation par Mère Emmanuelle. “Quel cadeau, cette lettre du Saint-Père s’enchante sœur Marie-Clotilde ! Notre nouvelle prieure, sœur Anne, lui avait adressé une lettre manuscrite avec une photo de nous toutes, et il y a répondu personnellement. Il évoque Charles de Foucauld, insiste sur l’importance de la vie monastique pour l’Église universelle et nous envoie en mission : croissez, croissez ! nous enjoint-il.”
Jubilation et envoi en mission
À l’issue de la célébration, l’évêque de Viviers a béni solennellement les huit sœurs, agenouillées devant l’autel. Ces dernières ont alors entamé des chants en grégorien, puis des chants polyphoniques en français dont le célèbre “Mon père, mon père, je m’abandonne à toi…”, avant de quitter l’Église sur un éclatant “Jubilez, criez de joie.”
Il faut embraser le monde par votre prière et l’offrande de votre vie.”
“Une grande joie et une grande paix régnaient témoigne la doyenne des sœurs. C’était extrêmement fraternel. Avant de nous bénir, l’évêque nous a incitées à prier Claire de Castelbajac pour que le diocèse ait des vocations. Je garde en mon cœur son exhortation finale : Il faut embraser le monde par votre prière et l’offrande de votre vie.” Une journée traversée par une Espérance contagieuse, dont chacun peut prendre la mesure via les réseaux sociaux.