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Charles Péguy, le consolateur

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AFP

Blanche Streb - publié le 09/01/23

Soldat de la Vérité, pèlerin de l’Espérance, Charles Péguy savait trouver les mots qui consolent, car il avait conscience de nos misères. Avec lui, nous dit l’essayiste Blanche Streb, nous pouvons entrer dans la grâce. La France fête ce mois-ci le 150e anniversaire de sa naissance.

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À la mort de Benoît XVI, emboîte discrètement un anniversaire, celui des 150 ans de la naissance de Charles Péguy, le 7 janvier, cinq jours après celle de Thérèse de Lisieux qui a fait plus de bruit. Je ne sais pas si cela produit en vous ce même effet, mais pour moi, dans le sillage de l’évocation de Péguy, des mots se mettent à flotter dans l’air de mes pensées : foi, espérance, courage, prophète, amour de la vérité… de la Vérité, avec un grand V, celle qui, sûrement depuis longtemps déjà, ne l’appelait plus serviteur, mais ami. 

« Une flamme percera »

Voilà une source d’espérance extraordinaire à se remémorer en ce début d’année : Dieu ne cesse d’envoyer dans le monde des personnes aux destins ineffables, dont certains auront marqué l’histoire dans la plus grande discrétion ou au contraire, comme Péguy, dont l’héritage traversera les âges. Il était lieutenant, mort au champ d’honneur en 1914 dans une bouleversante et exemplaire offrande de lui-même, mais aussi pèlerin de l’espérance. On connaît tous sa « petite fille espérance » qui sublime cette immense vertu dans un poème dont les vers intemporels résonnent merveilleusement en ce lendemain de l’Épiphanie (Le porche du mystère de la deuxième vertu, 1911.) : 

Comme l’étoile a conduit les trois rois du fin fond de l’Orient. 
Vers le berceau de mon fils. 
Ainsi une flamme tremblante. 
Elle seule conduira les Vertus et les Mondes. 
Une flamme percera des ténèbres éternelles.

« Son heure sonnera », disait de lui un autre prophète, Bernanos, en 1943. 

La guerre du chrétien

L’actualité de sa pensée nous dérouterait si nous n’avions pas conscience de la capacité de prophétie accordée divinement à ceux qui vivent dans l’Esprit. Péguy dénonçait vigoureusement certaines inepties de la Modernité, qui n’en étaient pourtant qu’à leurs balbutiements : l’illusion dans un progrès tout puissant, le règne de l’argent, l’idolâtrie de la science et de la technique conduisant à un homme se croyant tout puissant… et l’avènement d’un « monde qui fait le malin. […] Un monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre, […] de ceux qui ne croient à rien, pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien, […] de ceux qui n’ont pas de mystique. Et qui s’en vantent ». Pour lui, « la même incrédulité, une seule incrédulité atteint les idoles et Dieu, atteint ensemble les faux dieux et le vrai Dieu, les dieux antiques, le Dieu nouveau, les dieux anciens et le Dieu des chrétiens. Une même stérilité dessèche la cité et la chrétienté. La cité politique et la cité chrétienne. La cité des hommes et la cité de Dieu. C’est proprement la stérilité moderne. Que nul donc ne se réjouisse, voyant le malheur qui arrive à l’ennemi, à l’adversaire, au voisin. Car le même malheur, la même stérilité lui arrive » (Notre Jeunesse, 1910). 

Avec lui, on comprend qu’on peut être vaincu, et non battu.

Péguy avait les yeux grands ouverts sur le visible et l’invisible et cherchait les mots pour dire l’indicible. Dans le cœur de cet amoureux de Jeanne d’Arc, quelque chose semble invincible. Avec lui, on comprend qu’on peut être vaincu, et non battu. Qu’être vaincu ne condamne ni à la résignation, ni à la faiblesse, encore moins à la soumission. Car un vainqueur peut s’être compromis, et donc perdu… Animé d’un sens de l’honneur profondément chrétien, il était un résistant, au sens le plus noble qui soit, car il savait qu’il y a plusieurs sortes de guerre, et que l’adversaire de la guerre chrétienne est le mal et tout esprit de complicité qui s’y soumet. « Se vaincre soi-même est la seule manière infaillible d’être vaincu. La seule parfaite » (Note conjointe sur Descartes, 1914). 

Cette entrée de la grâce qu’est le péché

Péguy gagne à être rencontré. Il est aussi capable de nous consoler face à nos faiblesses et nos pauvretés car il nous invite à regarder la nature humaine dans sa réalité, celle de ses failles, car la conscience de notre misère est une ouverture à la grâce (Note conjointe sur Descartes) :

On a vu les jeux incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui paraissait perdu. Mais on n’a pas vu mouiller ce qui était verni, on n’a pas vu traverser ce qui était imperméable, on n’a pas vu tremper ce qui était habitué… Les “honnêtes gens” ne mouillent pas à la grâce. Ils n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché.
Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables.

Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout. La charité même de Dieu ne panse point celui qui n’a pas de plaies. C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé.

Tags:
Charles PéguyEspérance
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