Qui ne s’est pas trouvé en situation de se projeter inconsciemment dans l’avenir, en imaginant le futur proche ou lointain ? L’anticipation est l’exécution anticipée d’un acte, l’imagination sur un avenir. Elle répond inconsciemment au besoin de prospective, de prévision, de lumière sur l’avenir. Émotion de base, elle s’oppose à la procrastination, à la lutte contre la surprise ou la négligence. Elle occupe l’intelligence et l’imagination, pour éviter stress ou fatigues inutiles, pour intégrer les imprévus et tenir compte de contraintes qui envisagées à l’avance seront d’autant plus faciles à supporter. Très présente dans les entreprises humaines à connotation rationnelle excessive, elle n’a pas sa place dans le registre de l’amour et de ses surprises, de la famille et de ses imprévus, de la foi et de son absence de signes.
L’espérance corrige déjà cela en nous faisant vivre dès aujourd’hui ce que nous serons demain, en nous plongeant dans le Royaume pas encore là et pourtant déjà là, mais dans la confiance et la prévoyance, vertu qui fait travailler sans inquiétude à ce qui peut s’anticiper, qui renvoie à l’instant présent pour tout le reste, et qui donne une sérénité plus profonde.
La prévoyance prend des dispositions en vue de ce qui doit ou peut arriver, elle rejoint la finalité sans faire l’économie des moyens à pratiquer. Vivre l’aujourd’hui en sachant où l’on se dirige à peu près. Par exemple, économiser l’argent sans avarice ni prodigalité. Se faire ni cigale, ni fourmi, car la vertu est toujours une moyenne heureuse entre deux excès. Vierges sages et prévoyantes comme dans la parabole, dans la nuit de ce temps mais tournées vers l’aube qui vient.
Ainsi le chrétien ne peut anticiper la venue du Christ, “vous ne savez ni le jour ni l’heure” (Mt 25, 13), pourtant il en vit déjà dans l’espérance, dans la prudence, vertu cardinale, dans la prévoyance heureuse. Il y a tant de bonheur à ne pas tout calculer à l’avance et pourtant en étant prêt à tout.