“Reste avec nous car le soir tombe…” disent les disciples d’Emmaüs à leur compagnon de route en qui ils n’ont pas encore reconnu Jésus(Lc 24,29). Nous, chrétiens du XXIe siècle, savons que c’est le Christ qui cheminait avec eux. Connaissant le fin mot du récit, pouvons-nous encore faire nôtre l’invitation des deux pèlerins : “Reste avec nous car le soir tombe” ? Le cri du cœur des compagnons de route du Ressuscité est-il toujours d’actualité ? Certainement, car quand le “soir tombe”, c’est-à-dire quand les ténèbres commencent à gagner sur la lumière, souvent nous sommes découragés, voire déprimés. La foi ne nous prémunit pas toujours contre le moral en berne, l’abattement. Aussi est-ce dans ces moments de trou d’air spirituel et moral qu’il est recommandé de se souvenir du récit évangélique du soir du jour de Pâques, et surtout de reprendre à son compte, du fond du cœur, les propos pressants des deux disciples : “Reste avec nous car le soir tombe.”
Le don de l’Eucharistie
Mais on objectera : Dieu est présent partout et toujours. Pourquoi en appeler à Jésus ressuscité en s’appropriant les paroles des deux compagnons de route d’Emmaüs ? N’est-il pas loisible de prier Dieu à tout instant ? Pourquoi en appeler spécialement au Ressuscité avec les mots de l’invitation du récit du soir de Pâques ? Quel “plus” Jésus revenu du séjour des morts peut-il nous apporter ? Tout simplement la grâce de sa résurrection ! Grâce à elle, Jésus est en mesure de nous transmettre la charité qui fut le moteur de sa vie mortelle. Maintenant qu’il est au Ciel, Jésus est capable de distribuer ses grâces à ses disciples, surtout son amour pour les autres, et cela par le sacrement de l’Eucharistie.
Telle est la raison de sa mystérieuse disparition dans l’auberge, le soir du jour de Pâques, après qu’il eut expliqué à ses deux compagnons, par les Écritures, le sens de sa mort, et après avoir rompu le pain. L’évangéliste indique par le coup de théâtre de cette disparition que le repas d’Emmaüs est une révélation de la signification et de la réalité de l’Eucharistie. Désormais, Jésus fait davantage que nous être présent dans nos ténèbres pour les transformer en lumière. En se donnant à nous en son Corps et son Sang, il nous rend semblables à lui et aptes conséquemment à porter secours à notre prochain et à témoigner de l’Amour de Dieu à ceux qui l’ignorent. Telle est la signification de sa disparition aux yeux des disciples d’Emmaüs. Jésus n’est plus face à eux : il est en eux,de telle sorte que sa charité les poussera à porter l’évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Depuis son baptême, cette feuille de route est celle de chaque chrétien. La Résurrection change tout !
La Résurrection, ou la profondeur des apparences
Quel contraste entre l’importance de cette révélation et le modeste repas pris dans l’auberge d’un humble village de Judée ! Cette disproportion nous enseigne qu’aucune situation n’est trop humble ou trop petite pour ne pas devenir le théâtre de la puissance de la Résurrection. Comme les disciples d’Emmaüs, nous sommes appelés à dépasser les apparences, ou tout au moins à en scruter la profondeur insoupçonnée. Le Très-Haut se révèle dans le quotidien le plus modeste des hommes. Jésus est bien là, non pas au-delà des apparences, mais au creux de la réalité la plus concrète, comme il le fut pour les disciples d’Emmaüs. S’il disparaît “de devant eux” (Lc 24,31), selon les termes du récit évangélique, cela démontre qu’il leur reste présent d’une manière plus profonde, plus intérieure.
Enfin, signalons que les archéologues n’ont toujours pas retrouvé l’emplacement exact du village d’Emmaüs. Ce “nulle part” signifie que tous les endroits de la terre peuvent accueillir la célébration de l’Eucharistie et donc la présence du Ressuscité du jour de Pâques !