Le couronnement de la Vierge, dont la fête a été instituée par Pie XII en 1954, ne présente pas le même éclat que l’Assomption, car il n’est pas un dogme, même s’il figure comme l’un des cinq mystères glorieux de la prière du Rosaire. Il n’est d’ailleurs pas cité dans les Écritures si ce n’est dans le Livre de l’Apocalypse de saint Jean, lu justement le jour de l’Assomption, dans lequel il est mentionné (Ap 12, 1) :
Un signe grandiose apparut dans le ciel ; une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et, sur la tête, une couronne de douze étoiles.
À partir du XIIe siècle
Le thème du couronnement de la Vierge a tout d’abord inspiré l’art occidental à partir du XIIe siècle avant de donner naissance à la tradition des Vierges couronnées. Les premières représentations du couronnement de la Vierge apparaissent en Grande-Bretagne avec le tympan de l’église de Quenington, datant vraisemblablement de 1140 et le chapiteau de l’église de Reading. Ces représentations se sont ensuite développées en France où elles ornent les façades des plus grandes cathédrales comme celles de Notre-Dame de Paris, Laon, Amiens et Reims.
Plus tard, au XVe siècle, le thème est apparu dans les miniatures et la peinture, avant de décliner au siècle suivant sous l’effet de la Réforme protestante, ce qui n’empêcha pas de grands maîtres comme Rubens ou Velázquez de s’en emparer. Il faut attendre le XIXe siècle, plus particulièrement en France, pour retrouver le couronnement de la Vierge, essentiellement dans l’art du vitrail. En 1906, Maurice Denis, fasciné par le chef d’œuvre d’Enguerrand Quarton de 1453 conservé au musée de Villeneuve-les-Avignon, s’en inspire pour peindre son propre Couronnement de la Vierge.
Le droit de couronner les statues
De leur côté, les Vierges couronnées doivent leur origine au comte Sforza qui, en 1631, afin de montrer sa piété envers la Mère de Dieu, envoya à ses frais des couronnes d’or aux statues de la Vierge les plus célèbres de leur temps. Depuis, de par la coutume, c’est au souverain pontife ou au chapitre de Saint-Pierre qu’est réservé le droit de couronner les statues de la Vierge. La plupart du temps, un dignitaire apostolique est délégué pour présider la cérémonie. Cette pratique s’est surtout répandue au XIXe siècle, soit que la couronne est ajoutée à une statue existante soit qu’elle est sculptée dans la statue elle-même comme la monumentale représentation de Notre-Dame de France au Puy-en-Velay : “La Vierge est couronnée parce qu’elle est reine, reine du sanctuaire, de la ville, de la province, de la France, du Monde. Couronnée d’étoiles, ainsi que Jean l’a vue dans l’Apocalypse, parce qu’elle est reine des douze apôtres et de l’universalité des anges et des saints”, écrit à son propos le père Nampon dans son Histoire de Notre-Dame de France publié au Puy en 1868.
La gigantesque statue auvergnate, érigée en 1860 et dont on dit qu’elle fut fondue avec le métal des canons pris à la bataille de Sébastopol, n’est pas la première des vierges couronnées en France au XIXe siècle. Cet honneur échoit à la statue de Notre-Dame des Victoires à Paris. La statue, installée en 1809, a été couronnée en 1853 à la demande du pape Pie IX pour rendre grâce de la délivrance de Rome par les soldats français quatre ans plus tôt. Ce couronnement sera suivi, la même année, par celui de Notre-Dame de Rocamadour dans le Lot. D’autres couronnements ont eu lieu immédiatement après comme en 1855 Notre-Dame du Laus à Saint-Étienne d’Avançon dans les Hautes-Alpes, en 1856 Notre-Dame de Verdelais en Gironde et en 1857 Notre-Dame de Liesse dans l’Aisne.
Le retentissement du dogme
Cet enchaînement des couronnements s’explique par le retentissement du dogme de l’Immaculée Conception promulgué en 1854 mais le phénomène se poursuivra encore pendant de longues années. Il permet aussi la reconnaissance de grands pèlerinages comme celui de Chartres dont la Vierge est couronnée en 1855 ou la renaissance de pèlerinages plus modestes. L’édification de nouveaux sanctuaires, dont la statue de Notre-Dame est tout de suite couronnée, participe aussi à l’œuvre de rechristianisation. Notre-Dame de Lourdes est ainsi couronnée en 1878 et Notre-Dame de La Salette en 1879.
On compte aujourd’hui environ 400 vierges couronnées mais depuis le concile Vatican II, la pratique du couronnement a beaucoup diminué. Toutefois, en décembre 2022, la statue de Notre-Dame de Fourvière à Lyon a de nouveau été ceinte d’une couronne après que la précédente ait été dérobée cinq ans plus tôt. Comme le dit le cantique marial traditionnel :
Chez nous, soyez Reine, nous sommes à vous, régnez en souveraine, chez nous, chez nous !