Vendredi dernier, Najat Vallaud-Belkacem est parvenue à faire adopter par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) son projet de réforme du collège, malgré l’opposition des principaux syndicats d’enseignants et la consternation des professeurs concernés par le texte. Difficile de se réjouir, en effet, devant la déconnexion des instances de l’Éducation nationale face la réalité préoccupante de l’effondrement du niveau scolaire observée chaque jour sur le terrain.
Le constat de la faillite du collège unique est unanime : la ministre l’a rappelé, la France détient le triste record d’avoir le système éducatif le plus inégalitaire de l’OCDE, c’est-à-dire le moins capable de corriger les inégalités sociales existant entre les élèves. L’école a depuis longtemps cessé d’être ce tremplin social que le monde nous enviait autrefois. Et le collège est communément identifié comme son « maillon faible ».
C’est une évidence : on ne gère pas la diversité depuis le milieu, pas plus qu’on n’aboutira à l’épanouissement de chaque talent à travers une uniformisation des élèves. Au collège, après une école primaire strictement focalisée sur la transmission des fondamentaux, les élèves devraient pouvoir s’engager dans un parcours adapté à leurs capacités et leurs intérêts : dispositifs de remédiation, numérique, arts, sports, découverte des métiers, humanités, sciences, etc., ce qui imposerait, autour d’un noyau dur défini par le socle commun, une véritable diversification de l’offre éducative à l’échelle régionale.
Au lieu de quoi, la réforme proposée ne prévoit que davantage d’uniformité. Il s’agit de supprimer tout ce qui dépasse (allemand LV1, classes européennes, langues anciennes), et de sacrifier au saupoudrage d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), vieille lune pédagogiste maintes fois testée et abandonnée depuis 1973. Les horaires de français, de mathématiques ou d’histoire serviront de variable d’ajustement et seront donc encore une fois réduits à la portion congrue.
Frappée au coin de l’idéologie et du déni du réel qui caractérise trop souvent la politique gouvernementale, cette réforme fait in fine le jeu des établissements privés, qui s’attendent à recevoir des milliers de candidatures supplémentaires, motivées tant par le désir de classes bilingues, de cours de latin et de grec, que par le constat de la déshérence des collèges publics, où des activités occupationnelles à prétexte vaguement éducatif vont prendre le pas sur l’enseignement disciplinaire.
La réforme Haby, en 1975, avait engagé la funeste dynamique de nivellement par le bas qui conduit l’enseignement secondaire de notre pays vers l’abîme. Après la réforme de Najat Vallaud-Belkacem, il ne restera aux parents d’élèves et professeurs que le système de garderie le plus onéreux du monde, et leurs yeux pour pleurer.