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Rencontre avec Élise Boghossian : « Les réfugiés, c’est nous »

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Aliénor Gamerdinger - publié le 13/01/16

Acupunctrice en zone de guerre, fondatrice de l'association médicale Shennong-Avicenne, Élise Boghossian dédie sa vie à soigner les réfugiés chrétiens et yézidis au Kurdistan.

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Le vendredi 8 janvier 2016, Élise Boghossian présente son livre Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, à la cathédrale arménienne Saint Jean-Baptiste de Paris. Acupunctrice en zone de guerre, fondatrice de l’association médicale Shennong-Avicenne, Elise Boghossian dédie sa vie à soigner quelques milliers des 2,5 millions de réfugiés chrétiens et yézidis au Kurdistan. Avec son association, elle a transformé un grand camion en dispensaire, leur permettant de se rendre dans 30 camps de réfugiés par semaine, dont certains sont espacés de 300km.

Au Kurdistan, toutes associations confondues, ce sont 4 médecins pour 10 000 personnes. Et les anecdotes racontent l’enfer sur Terre : 2500 soins par mois, 7 à 10 enfants à soigner par jour pour des brûlures (eau bouillante, chaudières qui explosent, dans des chambres où ils vivent à 10). Les conditions climatiques : 57 degrés certaines semaines d’été, créant des cloques sur la peau des patients, les yeux des nourrissons collés, pleins de mouches. Sans compter les épidémies de gale et de poux. Mais il y a aussi les femmes qui ont réussi à s’échapper des mains de leurs ravisseurs, violées et sexuellement torturées, elles n’ont plus qu’une envie, le suicide. Sans parler des jeunes enfants, effrayés lorsqu’ils voient un homme adultes, ils se tapent la tête contre les murs, ne supportent plus qu’on les touche. Le paroxysme du traumatisme.

Le but de Daesh : le génocide, à la fois idéologique et conquérant.

Jusqu’à l’été 2014, Mossoul et Qaradosh étaient les villes où les chrétiens en Irak vivaient les plus nombreux. Aujourd’hui il n’en reste plus aucun. Hommes abattus, femmes violentées sexuellement à des fins politiques (éradication d’un peuple), enfants enlevés : ce sont bien quelques uns des facteurs d’un génocide, selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948.

Descendante d’un survivant du génocide arménien (son grand-père entouré de cadavres a du feindre d’être mort pour ne pas être à son tour abattu par les Turcs), Elise Boghossian tisse facilement des liens avec les réfugiés arméniens. Ils sont plus de 2000, descendants de familles protégées par les chrétiens et les yézidis à Mossoul et Alep, lors de leur arrivée dès 1915. 100 ans plus tard c’est leur tour de passer au fil de l’épée… Ils racontent tous la même chose : à la messe le dimanche matin, Daesh entre dans les églises avec des Kalachnikovs, et leur explique qu’ils ont 6 heures pour se convertir à l’Islam ou partir. Dans l’heure, les habitants chargent toutes leurs affaires dans leur voiture où ils montent à 10 personnes. Arrivés à la frontière, on les fait tous sortir, ils sont dépouillés de tout, même de leurs alliances, ainsi que de leurs voitures, et arrivent dans les camps de réfugiés au Kurdistan en chemise, après 50 km de marche.

En demandant innocemment à Élise pourquoi les Arméniens n’allaient pas refaire leur vie en Arménie, la réponse qu’elle formule est tragique : ces arméniens, c’est nous. Mossoul et Qaraqosh étaient des villes comme Lyon ou Marseille, et les Arméniens dont il est question étaient avocats, architectes, médecins. Ils ont tous fait des études, parlent parfaitement l’arménien, sont cultivés, et pour beaucoup étaient très riches. Et l’Arménie ? Un pays pauvre, avec un gouvernement honteusement corrompu, qui rackette ses citoyens. Certains des réfugiés ont tentés de s’installer en Arménie, un échec. Ayant fait des études supérieures, les rivalité avec les arméniens locaux, qui vivent dans la pauvreté s’enveniment, tant leurs difficultés à trouver du travail sont criantes. Imagineriez-vous des Parisiens, Lyonnais ou Bordelais, débarquer à Erevan, avec leurs diplômes français ?

L’été 2014, l’été de l’exode ne date que d’un an. Pourtant, psychologiquement, les arméniens, les chrétiens d’orient de façon plus générale, et les yézidis, sont cassés. Élise ne les vois jamais sourire. Ils ne vivent que du mince espoir de retourner à Mossoul et Qaradosh (encore aux mains de Daesh), et de retrouver leur maison, leur compte en banque (car tout leur argent est encore là-bas), et leur métier. Un espoir perdu ? La guerre contre Daesh est une guerre de perte et de reconquête de territoires. Une guerre de positions. Tout espoir est donc permis.

Qui peut juger les réfugiés arrivant en Europe ?

Certains disent que les hommes devraient rester sur place et se battre contre Daesh. Certains blâment les réfugiés arrivant d’Irak et de Syrie, parce qu’ils n’ont pas l’air pauvre, parce que comme nous l’a montré un récent article du Monde, ils ont des smartphones, ils échangent sur Whatsapp, vont chez Starbucks en Allemagne… Les réfugiés, c’est nous, voilà le problème. Des personnes qui ont fait de bonnes études, qui lisent les même médias que nous, qui vont chez Starbucks, qui ont un iPhone, qui vivaient dans des villes modernes, et qui du jour au lendemain se sont retrouvés avec la lettre Noun peinte sur leur porte. La lettre Noun, N en arabe, pour Nazaréen (disciples de Jésus). Et ceux qui ne sont pas chrétiens, les musulmans donc, sont malgré tout des mécréants aux yeux de Daesh, car ils sont modernes, éduqués, ouverts d’esprit, et écoutent de la musique.

Gardons nous de juger les personnes terrorisées qui fuient leur pays. Qui oserait dire que les Arméniens et les Juifs n’avaient qu’à se battre pour échapper aux génocides qui les ont anéantis ?

Au royaume de l’espoir, il n’y a pas d’hiver : soigner en zone de guerre, récit d’Élise Boghossian, R. Laffont, novembre 2015, 18 €, 226 p.

Tags:
Chrétiens d'OrientChrétiens en IrakChrétiens en SyrieÉtat islamiqueyezidis
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