Le Centre européen pour le Droit et la Justice salue cette décision dans laquelle la Grande Chambre reconnaît à l’unanimité qu’un pays européen ne peut pas renvoyer en Iran un demandeur d’asile sans avoir préalablement évalué le risque encouru par celui-ci dans ce pays, du fait de sa conversion au christianisme.
En l’espèce l’office suédois des migrations avait décidé le 29 avril 2010 de rejeter la demande d’asile du requérant et de renvoyer Monsieur F.G. en Iran alors qu’il s’était converti au christianisme en Suède et ce, sans évaluer les risques qu’il encourt du fait de sa conversion s’il est renvoyé dans ce pays.
Dans une première décision du 16 janvier 2014, la 5ème Section de la Cour avait jugé par 4 voix contre 3 que le requérant pouvait être renvoyé en Iran par la Suède sans que cela constituât une violation du droit au respect de sa vie et à sa protection contre tout traitement inhumain et dégradant (articles 2 et 3 de la Convention). Plusieurs juges, s’appuyant notamment sur des publications de l’ECLJ, avaient alors contesté cette appréciation en exposant les risques sérieux et réels encourus par les convertis coupables du « crime d’apostasie » et punissables de mort selon la loi islamique.
La Grande Chambre n’a pas estimé nécessaire de se prononcer en l’espèce sur l’existence matérielle d’un risque pour la vie et l’intégrité physique du requérant et s’est limitée à constater que la Suède aurait dû elle-même évaluer ce risque avant de décider de renvoyer le requérant en Iran.
Plusieurs juges, dans une opinion séparée publiée en annexe de l’arrêt ont indiqué, en s’appuyant sur les observations écrites de l’ECLJ dans cette affaire (Anglais uniquement), que le renvoi d’un converti en Iran constituerait en soi une violation de la Convention européenne des droits de l’homme compte tenu du sort des « apostats » dans ces pays. À l’inverse, la juge Helena Jäderblom (Suède) et le juge Robert Spano (Islande) ont estimé contre les positions des Cours de Strasbourg et de Luxembourg (CJUE, Bundesrepublik Deutschland c. Y(C-71/11) et Z (C-99/11)) qu’il est possible de renvoyer un converti dans un pays islamique dès lors que celui-ci peut y vivre tout en cachant sa foi.
Cet arrêt doit être considéré dans le contexte actuel de la vague migratoire en provenance de pays musulmans et à la lumière des « conversions » particulièrement nombreuses au christianisme au sein des migrants à leur arrivée en Europe. Reconnaître le besoin de protection des musulmans convertis au christianisme est une chose positive qui peut en outre encourager à la conversion.