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Pape François : « L’Église n’est pas une équipe de foot qui cherche des supporters »

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Vatican Insider - Andrea Tornielli - publié le 20/11/16

Entretien du Saint-Père au quotidien Avvenire, à la clôture de l’Année Sainte.

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L’Église n’est pas « une équipe de foot qui cherche des supporters », répond le pape François dans une longue interview exclusive à Stefania Falasca, éditorialiste du quotidien italien Avvenire, à la veille de la clôture officielle du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Entres autres affirmations abordées lors de cet entretien, de portée largement œcuménique, la question du « légalisme » dans l’Église, en allusion à certaines « ripostes » faites à l’exhortation apostolique post-synodale sur l’amour dans la famille, Amoris laetitia.

La dernière « riposte » remonte à quelques jours, formulée par quatre cardinaux qui ont demandé au Pape de lever « certains doutes » sur des points du document jugés « très importants pour la vie de l’Église ». Ils ont envoyé une lettre au préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi le 19 septembre, laquelle a été rendue publique le 14 novembre dernier.

Amoris laetitia et « légalisme »

L’Église est « un outil qui n’existe que pour transmettre aux hommes le projet miséricordieux de Dieu », souligne le pape François dans l’entretien au journal italien. Au Concile, poursuit-il, l’Église a senti qu’elle devait être dans le monde comme signe vivant de l’amour du Père. Avec Lumen Gentium, elle est revenue aux sources de sa nature, à l’évangile. Déplaçant ainsi l’axe de la conception chrétienne d’un certain « légalisme », qui peut être idéologique, à la Personne de Dieu qui s’est fait « miséricorde » dans l’incarnation du Fils.

Mais « certains – en allusion aux ripostes faites à Amoris Laetitia – ne comprennent toujours pas, pour eux tout est blanc ou tout est noir, même si la vie aide à discerner. Le concile nous a appris cela. Mais, comme disent les historiens, il faut un siècle pour qu’un concile soit bien absorbé par le corps de l’Église. Nous sommes à mi-chemin… »

Une année sainte sans « grands gestes »

« Quand on se sent très aimé, on commence à sortir de cette solitude néfaste, de cette séparation qui porte à haïr les autres et à se haïr soi-même. J’espère que tant de personnes ont découvert le grand amour de Jésus et qu’elles se sont laissées étreindre. La miséricorde est le nom de Dieu mais c’est aussi sa faiblesse, son point faible. Sa miséricorde l’amène toujours à pardonner, à oublier nos péchés. J’aime cette idée de Dieu Tout-puissant doté d’une mauvaise mémoire. Une fois qu’il a pardonné, il oublie. Parce qu’il est heureux de pardonner. Ca me suffit (…). Jésus ne demande pas de grands gestes, il demande seulement qu’on s’abandonne et soit reconnaissant (…). Sainte Thérèse de Lisieux, qui est docteur de l’Église, compare cet abandon à celui d’un enfant, totalement abandonné dans les bras de son père. Elle rappelle que la charité n’est pas un vase clos. L’Amour de Dieu et l’amour du prochain sont deux amours inséparables ».

Pour le jubilé « je n’avais pas de plan »

« Je n’ai pas fait de plan. J’ai suivi tout simplement ce que m’inspirait l’Esprit saint. Les choses sont venues naturellement. Je me suis abandonné à l’Esprit, je L’ai laissé faire, en lui étant docile. L’Église c’est l’Évangile, c’est Jésus Christ qui opère. Pas un cheminement d’idées, un outil pour les affirmer. Et dans l’Église les choses viennent quand c’est le moment, quand il y a quelque chose à offrir ».

Accélération des rencontres oecuméniques

« C’est le concile qui fait son oeuvre. Ce n’est pas moi, c’est l’Église qui poursuit son cheminement. Moi j’ai rencontré les primats et les responsables, c’est vrai, mais mes prédécesseurs l’ont fait aussi. Eux aussi ont eu leurs rencontres avec tel ou tel autre responsable. Je n’ai donné aucun coup d’accélérateur. Au fur et à mesure que nous avançons tout semble aller plus vite. Comme dit la fameuse expression d’Aristote pour la physique, Motusin fine velocior« .

Les bombons du patriarche Bartholomée

« À Lesbos, au moment des salutations, je me suis penché sur un petit garçon, mais je ne l’intéressais pas, il regardait derrière moi. Je me suis retourné et j’ai su pourquoi : Bartholomée avait les poches pleines de bonbons et, tout content, il était en train d’en donner aux enfants. C’est ça Bartholomée ! Un homme capable de mener de front un grand concile orthodoxe, au milieu de tas de difficultés, de parler théologie à haut niveau, et puis de se retrouver tout simplement avec des enfants. Quand il venait à Rome il occupait à Sainte-Marthe la chambre qui est la mienne maintenant. Le seul reproche qu’il m’ait fait c’est d’avoir du en changer ».

L’accusation de vouloir « protestantiser » l’Église (après son voyage à Lund)

« Cela ne m’empêche pas de dormir. Je continue dans la voie de celui qui m’a précédé, je suis le concile. Quant aux opinions, il faut voir dans quel esprit elles sont dites. Quand il n’y pas de mauvais esprit, celles-ci aident à avancer. D’autres fois on voit tout de suite que les critiques cherchent ici et là à justifier une position déjà prise, ne sont pas honnêtes, sont faites dans un mauvais esprit pour fomenter la division. On voit tout de suite que certains rigorismes partent d’un manque, d’une volonté de cacher dans une armure sa propre insatisfaction. Si vous regardez le film le déjeuner de Babette, ont voit bien ce comportement rigide ».

L’œcuménisme concret et les disputes théologiques

« Il ne s’agit pas de mettre quelque chose de côté. Servir les pauvres veut dire servir le Christ, parce que les pauvres sont la chair du Christ. Et si nous servons les pauvres ensemble, cela veut dire que nous, chrétiens, nous sommes unis pour toucher les plaies du Christ. Après la rencontre de Lund, je pense au travail que la Caritas et les organisations caritatives luthériennes peuvent faire ensemble. Ce n’est pas une institution, c’est une marche. En revanche, certaines façons de faire, comme opposer les « choses de la doctrine » aux «  choses de la charité pastorale » ne respectent pas l’Évangile et sèment la confusion ».

L’unité entre chrétiens est une marche

« L’unité ne se fait pas parce que nous nous mettons d’accord entre nous, mais parce que nous marchons derrière Jésus. Et en marchant, sous l’action de Celui que nous suivons, nous pouvons nous découvrir unis. C’est le fait de marcher derrière le Christ qui nous unit. Se convertir signifie laisser le Seigneur vivre et agir en nous. En marchant, nous découvrons que nous sommes unis aussi dans notre mission commune d’annoncer l’Évangile. En marchant et travaillant ensemble, nous prenons conscience que nous sommes unis, au nom du Seigneur, que ce n’est pas nous qui créons donc l’unité. Nous réalisons que c’est l’Esprit qui nous pousse et nous fait avancer. Si on est docile à l’Esprit, c’est Lui qui dira quel pas nous devons faire, il pense au reste. On ne peut aller derrière le Christ si l’Esprit ne te pousse pas par sa force. C’est Lui l’artisan de cette unité chrétienne. »

« Voilà pourquoi je dis que l’unité se fait en marchant, parce que c’est une grâce que nous devons demander. Et je le répète, d’ailleurs, tout prosélytisme entre chrétiens est un péché. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction, comme écrit Benoît XVI. Le prosélytisme est donc en soi un grave péché car il contredit la dynamique même de comment on devient et on reste chrétiens. L’Église n’est pas une équipe de foot qui cherche des supporters ».

La clef de l’œcuménisme

« Créer des processus au lieu d’occuper des espaces, est une autre clef du mouvement oecuménique. En ce moment particulier de l’histoire, l’unité suit trois chemins : celui de la charité, celui de la prière, et celui de la confession commune que nous devons reconnaître tel qu’elle se manifeste dans le martyre commun reçu au nom du Christ, dans l’oecuménisme du sang. Là, on voit que l’Ennemi lui-même reconnaît notre unité, l’unité des baptisés. L’Ennemi, en cela, ne se trompe pas. Nous voyons là toutes les expressions d’une unité visible. Prier ensemble est visible. Réaliser des œuvres de charité ensemble est visible. Le martyre commun au nom du Christ est visible ».

Le « cancer» dans l’Église

« Je pense toujours que se glorifier les uns les autres, dans l’Église, mine comme un cancer. Quelqu’un qui ne sait pas qui est Jésus, ou ne l’a jamais rencontré, pourra toujours le rencontrer ; mais celui qui est dans l’Église, et agit en elle dans l’esprit de cultiver et assouvir sa faim de domination et d’affirmation personnelle, a une maladie spirituelle, il croit que l’Église est une réalité humaine qui se suffit à elle-même, où tout bouge selon les logiques de l’ambition et du pouvoir. Dans La réaction de Luther, il y avait aussi cela : le refus d’une Église à l’image d’une organisation qui pouvait aller de l’avant en se passant de la grâce du Seigneur, ou la considérant comme un acquis, garanti à priori. Et cette tentation de construire une Église autoréférentielle, qui porte à la contradiction, puis à la division, revient toujours ».

Les orthodoxes et l’unité du premier millénaire

« Nous devons regarder le premier millénaire. Il peut nous inspirer. Il ne s’agit pas de revenir en arrière, de faire marche arrière, mais d’aller chercher les trésors qui valent aussi pour aujourd’hui. (…). Les pères de l’Église des premiers siècles avaient bien en tête que l’Église vit minute après minute de la grâce du Christ. Ils disaient d’ailleurs – je l’ai dit à plusieurs reprises déjà – que l’Église n’a pas sa lumière à elle, et l’appelaient mysterium lunae, le mystère de la lune.

Car l’Église éclaire mais ne brille pas de ses propres feux. Et quand, au lieu de regarder le Christ, elle se concentre trop sur elle-même, les divisions finissent par arriver. C’est ce qui s’est passé après le premier millénaire. Regarder le Christ nous libère de cette habitude, mais également de la tentation du triomphalisme et du rigorisme. Nous pouvons alors marcher ensemble, sur le chemin de la docilité, poussé par l’Esprit saint qui nous conduit vers l’unité ».

Article traduit par Isabelle Cousturié

Tags:
ChrétiensÉgliseoecumenismePape François
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