La théologienne française Anne-Marie Pelletier a composé cette remarquable méditation du Vendredi saint à la demande du pape François.
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Née en 1946, agrégée de Lettres modernes, docteur en Sciences des religions, professeur des universités et bibliste, Anne-Marie Pelletier fut la toute première femme à recevoir le prix de théologie de la Fondation Joseph Ratzinger-Benoît XVI en 2014. C’est la première fois qu’une femme laïque compose intégralement les méditations du Chemin de Croix du Vendredi saint, présidé par le Saint-Père au Colisée, depuis son institution en 1750 par le pape Benoît XIV.
Ouverture
L’Heure est donc venue. Le chemin de Jésus sur les routes poudreuses de Galilée et de Judée, à la rencontre des corps et des cœurs en souffrance, pressé par l’urgence d’annoncer le Royaume, ce chemin s’arrête ici, aujourd’hui. Sur la colline du Golgotha. Aujourd’hui la croix barre le chemin. Jésus n’ira pas plus loin. Impossible d’aller plus loin ! L’amour de Dieu reçoit ici sa pleine mesure, sans mesure. Aujourd’hui l’amour du Père, qui veut que, par le Fils, tous les hommes soient sauvés, va jusqu’au bout, là où nous n’avons plus de mots, où nous perdons pied, où notre piété est débordée par l’excès des pensées de Dieu. Car, au Golgotha, contre toutes les apparences, il s’agit de vie. Et de grâce. Et de paix. Il s’agit, non pas du règne du mal que nous connaissons trop, mais de la victoire de l’amour. Et, à l’aplomb de la même croix, il s’agit de notre monde, avec toutes ses chutes et ses douleurs, ses appels et ses révoltes, tout ce qui crie vers Dieu, aujourd’hui, depuis les terres de misère ou de guerre, dans les foyers déchirés, les prisons, sur les embarcations surchargées de migrants… Tant de larmes, tant de misère dans la coupe que le Fils boit pour nous. Tant de larmes, tant de misère qui ne sont pas perdues dans l’océan du temps, mais recueillies par lui, pour être transfigurées dans le mystère d’un amour où le mal est englouti. C’est bien de la fidélité invincible de Dieu à notre humanité qu’il s’agit au Golgotha. C’est une naissance qui s’y opère ! Il nous faut oser dire que la joie de l’Évangile est la vérité de cet instant ! Si notre regard ne rejoint pas cette vérité, alors nous restons prisonniers de rets de la souffrance et de la mort. Et nous rendons vaine pour nous la Passion du Christ.
Prière
Seigneur, nos yeux sont obscurs. Et comment t’accompagner si loin ? « Miséricorde » est ton nom. Mais ce nom est une folie. Qu’éclatent les vieilles outres de nos cœurs ! Guéris notre regard pour qu’il s’illumine de la bonne nouvelle de l’Évangile, à l’heure où nous nous tenons au pied de la Croix de ton Fils. Et nous pourrons célébrer « la longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur » (Ep 3,18) de l’amour du Christ, le cœur consolé et ébloui.
1ère station : Jésus est condamné à mort
De l’Évangile selon Luc Lorsqu’il fit jour, le conseil des Anciens du peuple se réunit, grands prêtres et scribes. Ils l’amenèrent devant leur tribunal (22,66).
De l’Évangile selon Marc Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Puis quelques-uns se mirent à lui cracher dessus et à le gifler en disant : « Fais le prophète ». Et les valets le bourrèrent de coups (14, 64-65).
Méditation
Il n’a pas fallu beaucoup de délibération aux hommes du Sanhédrin pour se prononcer. Depuis longtemps déjà, la cause était entendue. Il faut que Jésus meure ! Ainsi pensaient déjà ceux qui voulaient le précipiter depuis l’escarpement de la colline, le jour où, dans la synagogue de Nazareth, Jésus avait déplié le rouleau en proclamant lui-même les mots du livre d’Isaïe : « L’Esprit de Dieu repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré… pour annoncer une année de grâce de la part du Seigneur » (Lc 4, 18-19). Déjà, quand il avait guéri l’infirme à la piscine de Bethesda, inaugurant le Sabbat de Dieu qui libère de toutes les captivités, les murmures homicides avaient enflé contre lui (Jn 5, 1-18). Et, dans la dernière ligne du chemin, tandis qu’il montait à Jérusalem pour la Pâque, l’étau s’était resserré, inexorablement : il n’échapperait plus à ses ennemis (Jn 11, 45-57). Mais il nous faut avoir la mémoire plus longue encore. Dès Bethléem, aux jours de sa naissance, Hérode avait décrété qu’il devait mourir. L’épée des sbires du roi usurpateur massacra les petits enfants de Bethléem. Jésus échappa alors à leur furie. Mais pour un temps seulement. Il n’était déjà plus qu’une vie en sursis. Dans les pleurs de Rachel sur ses enfants qui ne sont plus résonne, en sanglots, la prophétie de la douleur que Syméon annoncera à Marie (Mt 2, 16-18; Lc 2, 34-35).
Prière
Seigneur Jésus, toi le Fils bien-aimé, qui est venu nous visiter, passant parmi nous en faisant le bien, rendant à la vie ceux qui habitent l’ombre de la mort, tu sais nos cœurs tortueux. Nous déclarons être amis du bien et vouloir la vie. Mais nous sommes pécheurs et complices de la mort. Nous nous proclamons tes disciples, mais nous prenons des chemins qui se perdent loin de tes pensées, loin de ta justice et de ta miséricorde. Ne nous abandonne pas à nos violences. Que ta patience pour nous ne s’épuise pas. Délivre-nous du mal !
Notre Père
« Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? Réponds-moi » [Impropères : chant d’inspiration biblique exprimant les reproches du Christ à son peuple, Ndlr]
2e station : Jésus est renié par Pierre
De l’Évangile selon Luc Environ une heure plus tard, un autre insistait : « C’est sûr, disait-il celui-là était avec lui ; et puis, il est Galiléen ». Pierre répondit : « Je ne sais pas ce que tu veux dire ». Et aussitôt, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre ; et Pierre se rappela la parole du Seigneur qui lui avait dit : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois ». Il sortit et pleura amèrement (22, 59-62).
Méditation
Autour d’un brasero, dans la cour du Sanhédrin, Pierre et quelques autres se réchauffent en ces heures froides de la nuit que traversent des allées et venues fiévreuses. À l’intérieur, le sort de Jésus va se jouer, dans le face à face avec ses accusateurs. C’est sa mort qu’ils vont exiger. Comme une marée qui monte, l’hostilité enfle à l’entour. Comme l’étoupe s’enflamme, la haine prend et se multiplie. Bientôt une foule vociférante exigera de Pilate la grâce pour Barrabas et la condamnation de Jésus. Difficile de se déclarer ami d’un condamné à mort sans être traversé d’un frisson d’effroi. La fidélité intrépide de Pierre ne va pas résister aux paroles soupçonneuses de la servante, la portière du lieu. Reconnaître qu’il est disciple du rabbi galiléen, ce serait faire plus de cas de la fidélité à Jésus que de sa propre vie ! Quand elle implique ce courage, la vérité a du mal à trouver des témoins… Les hommes sont faits ainsi que beaucoup lui préfèrent alors le mensonge ; et Pierre est de notre humanité. Il trahit, à trois reprises. Puis il croise le regard de Jésus. Et ses larmes coulent, amères et pourtant douces, comme une eau qui lave une souillure. Bientôt, dans quelques jours, auprès d’un autre feu de braise, sur le rivage du lac, Pierre reconnaîtra son Seigneur ressuscité, qui lui confiera le soin de ses brebis. Pierre apprendra sans mesure le pardon que prononce le Ressuscité sur toutes nos trahisons. Et il recevra part à une fidélité qui, désormais, lui fera accepter sa propre mort comme une offrande jointe à celle du Christ.
Prière
Seigneur, notre Dieu, tu as voulu que ce soit Pierre, le disciple renégat et pardonné, qui reçoive la charge de guider ton troupeau. Inscris dans nos cœurs la confiance et la joie de savoir que, en toi, nous pouvons traverser les ravins de la peur et de l’infidélité. Fais que, instruits par Pierre, tous tes disciples soient les témoins du regard que tu portes sur nos défaillances. Que jamais, nos duretés ou nos désespoirs ne rendent vaine la Résurrection de ton Fils !
Notre Père
Christ mort pour nos péchés, Christ ressuscité pour notre vie, nous t’en prions, prends pitié de nous.
3e Station : Jésus et Pilate
De l’Évangile selon Marc L’ayant amené et livré à Pilate, ils multipliaient contre lui leurs accusations. Le matin, les grands-prêtres préparèrent un conseil avec les anciens, les scribes, et tout le Sanhédrin ; puis après avoir ligoté Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate. Et les grands prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate, voulant contenter la foule, leur relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour être crucifié (Mc 15, 1.3.15).
De l’Évangile selon Matthieu Pilate prit de l’eau et se lava les mains en présence de la foule en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme ; à vous de voir ! » (Mt 27, 24)
Du livre du prophète Isaïe Nous tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à tous (Is 53, 6).
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