La corruption est “une arme”, une “forme de langage”, la plus utilisée par les mafias, dans un “processus de mort” qui “brise” la coexistence entre les personnes, “favorise le crime” et finit par détruire celui qui en fait usage. Des mots qui reviennent ponctuellement dans la bouche du pape François qui a fait de la lutte contre cette “plaie sociale” un des combats de son pontificat. Et il a encore frappé au détour d’un livre-entretien du cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, sorti en libraire ce jeudi 15 juin, en Italie : Corrosion. Vaincre la corruption dans l’Église et dans la société, alors que se déroule au Vatican un débat international sur la corruption, en étroite collaboration avec l’académie pontificale des sciences sociales.
La corruption, une forme de « blasphème »
La corruption, est une vraie maladie, comparable à “un cancer métastatique”, selon le Pape, une maladie qui ronge l’homme au plus profond de lui, de sa personne, et capable de se répandre dans la sphère sociale, provoquant “désordre”, “dégradation” et “mortifications” en chaîne, dénonce le Pape dans la préface de ce livre centré sur “les origines profondes” de la corruption. “Une maladie du cœur” qui touche la vie humaine à tous ses niveaux, explicite en effet le cardinal Turkson dans ce nouvel ouvrage. “Le mot “corrompu” renvoie effectivement au coeur, à un cœur “rompu”, à savoir “brisé”, “sali” par quelque chose, lui fait écho le Pape dans la préface, et de façon plus imagée encore, à “un cœur abimé” comme un corps entrant peu à peu dans “un état de décomposition” et dégageant “une mauvaise odeur”. Et si le Pape n’hésite pas à utiliser de tels termes c’est qu’il est lui-même auteur de deux ouvrages sur les méfaits de la corruption — Guérir de la corruption et L’humilité est le chemin qui conduit à Dieu — et qu’il analyse depuis des années les mécanismes de ce fléau, dans la société comme dans l’Église.
La préface du livre-entretien du cardinal Turkson, est publiée par nos confrères italiens du Corriere della Sera, sous forme d’appel à combattre plus que jamais cette « forme de blasphème », ce « cancer » que représente la corruption et nuit aux trois relations fondamentales de l’homme : avec Dieu, avec son prochain, et avec la création. L’homme qui se laisse corrompre « subit une chute » dont le cardinal Turkson, rapporte le Pape, « explore les différents passages » : le moment où celle-ci fait son apparition puis commence à s’insinuer, de la spiritualité de l’homme jusqu’à ses constructions sociales, culturelles, politiques et criminelles. Et l’Église, dans ce processus, n’est pas à l’abri du danger, confirme le Pape. Et ses effets sur « son identité » et sa « bonne marche » — mondanité spirituelle, tiédeur, hypocrisie, triomphalisme, faire prévaloir l’esprit du monde dans nos vies, l’indifférence … — y sont “plus dévastateurs que la lèpre”, dénoncent l’un et l’autre.
Pour un nouvel humanisme
“Nous, chrétiens, et non chrétiens, nous sommes des flocons de neige, mais en nous unissant nous pouvons former une avalanche : un mouvement fort et constructif. Voilà le nouvel humanisme, cette renaissance, cette recréation contre la corruption que nous pouvons réaliser avec une audace prophétique”, exhorte François. “Œuvrons ensemble, chrétiens, non chrétiens, personnes de toutes religions et non croyants, pour combattre cette forme de blasphème, contre ce cancer qui ronge nos vies. Il est urgent d’en prendre conscience, et pour cela, il faut une éducation et une culture miséricordieuse, il faut que tout le monde coopère, selon ses propres possibilités, ses propres talents et sa propre créativité”.
Le Saint-Siège en première ligne
Depuis son adhésion à la convention des Nations unies contre la corruption, en septembre 2016, le Saint-Siège est encore plus motivé à apporter sa contribution, et a organisé ce jeudi au Vatican sa première grande conférence internationale. Premier volet d’une bataille culturelle que le pape François compte bien mener jusqu’au bout. Objectif de la conférence, organisée par le Dicastère pour le service du développement humain intégral : “Sensibiliser l’opinion publique, commencer à identifier des initiatives concrètes qui peuvent aider à envisager des politiques et des lois préventives contre la corruption qui, soulignent les organisateurs, s’insinue telle une mite dans les processus de développement, détruisant tout type de relation entre les institutions et les personnes”. Parmi les intervenants, des représentants de l’Église, de la magistrature, d’associations, des hommes de terrain, et des victimes de tels crimes. Que faire face à la corruption, face aux réseaux criminels ou mafieux, face aux abus dans l’exploitation des ressources naturelles ou dans la simple requête d’un service censé être gratuit… C’est à tous les niveaux de la corruption que le Vatican compte bien s’attaquer.