« Nous qui, dans ce mystère, représentons les chérubins et chantons l’hymne, trois fois sainte, à la vivifiante Trinité, déposons maintenant tous les soucis de cette vie. » C’est au son de ces mots riches d’enseignements sur la disposition d’esprit avec laquelle il convient d’aborder le saint sacrifice que s’ouvre la partie proprement eucharistique de la liturgie dans le rite byzantin. Par ces paroles, l’assemblée est invitée, avec le clergé, à s’élever au niveau des hiérarchies célestes, les chérubins représentant le deuxième chœur d’anges le plus élevé, au sein de la plus haute de ces hiérarchies. Ces créatures de Dieu apparaissent à de très nombreuses reprises dans les Écritures, dès le livre de la Genèse où ils sont armés d’une épée pour défendre le chemin de l’arbre de vie (Genèse 3, 24). Mais ce qu’il est important de noter, c’est que la fonction exclusive de cette première hiérarchie des anges, regroupant les chérubins ainsi que les trônes et les séraphins auxquels il est également fait référence dans le texte de la liturgie, est le culte et le service de Dieu.
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Contrairement aux anges et aux archanges (créés pour le service des hommes), ou aux vertus (dominations et puissance) qui sont des anges députés par le Père pour le gouvernement du monde, les créatures angéliques que nous sommes invités à rejoindre mystiquement au moment d’offrir le saint sacrifice non sanglant sont bien celles qui sont créés pour le seul intérêt de Dieu. Invisiblement escortés des cohortes angéliques, les fidèles et le clergé sont donc placés comme par anticipation dans la liturgie céleste telle qu’elle nous apparaît dans le l’Apocalypse de Jean, dont la liturgie terrestre n’est que la préfiguration.
Une invitation à s’élever pleinement vers le Ciel
Ainsi nous comprenons qu’il faille « déposer tout souci terrestre », se détacher de nos préoccupations du monde pour louer Dieu comme au Ciel. Ce chant invite donc à un changement d’état d’esprit des participants à la liturgie : après avoir longuement prié pour nos âmes, notre salut, nos défunts et tous les hommes, nous sommes incités une ultime fois à déposer nos soucis et nos souffrances temporelles en même temps que les offrandes que nous apportons pour la sainte oblation. Après les avoir déposés, nous pouvons en confiance élever nos coeurs et les tourner paisiblement vers le seigneur, comme le dialogue entre l’assemblée et le prêtre lors de la préface nous y engage. Ainsi faisons-nous d’une certaine manière l’offrande de nous-mêmes pour rendre un culte plus pur et plus parfait à Dieu, et vivons l’eucharistie comme un moment d’éternité.
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Dans ce même rite, le prêtre dit au moment où est chanté l’hymne des chérubins : « Aucun de ceux qui sont liés par les désirs et les plaisirs de cette vie selon la chair n’est digne de venir à Toi, de T’approcher ni de Te servir, ô Roi de gloire, car Te servir est grand et redoutable même pour les puissances célestes. » Il signifie ainsi que « nous qui représentons mystiquement les chérubins », ne devons pas pour autant aborder le sacrifice sans crainte de Dieu et sans humilité, mais au contraire parfaire notre humilité en délaissant le temps de la demande au Seigneur pour celui de notre offrande et de notre service à Dieu.
Cet éclairage sur ce moment liturgique particulier, connu en Occident sous le nom d’offertoire, nous montre donc que la liturgie eucharistique nous implique tout entier en tant que fidèles et n’est pas que l’affaire du clergé célébrant. Surtout, il nous place dans la perspective de l’éternité, de la liturgie céleste, nous rappelant que la célébration dominicale n’est pas qu’une formalité rituelle terrestre. Il s’agit pour tous les chrétiens priants de s’offrir en confiance, pour s’élever vers Dieu et le louer avec un cœur pur, comme le font les chérubins qui, créés dans Sa grâce à cette fin, portent son trône.
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